• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Etude du comportement mécanique selon l’état hydrique

4. La dilatation hydrique

4.1. Description du dispositif expérimental

Dans cet essai, l’échantillon de pierre est placé dans un dispositif muni simplement d’une plaque poreuse à sa base qui permet d’amener l’eau à la pierre et d’un comparateur précis au micromètre près permettant de mesurer les déformations axiales de l’éprouvette. L’indice de dilatation hydrique ∆L/L est donné par l’allongement ∆L que subit un échantillon de pierre soumis à une imbibition capillaire. Le dispositif expérimental est illustré à la figure IV.7.

Figure IV.7 : schéma explicatif et photographie du dispositif de mesure de la dilatation hydrique

Hauteur du front d’imbibition Mesure de l’allongement ∆L (µm) h Hauteur du front d’imbibition Mesure de l’allongement ∆L (µm) h

4.2. Résultats expérimentaux

L’essai de dilatation hydrique a été réalisé sur une série de trois éprouvettes découpées dans le sens parallèle au lit de la pierre et une série taillée dans le sens perpendiculaire. Les résultats sont présentés à la figure IV.8 et au tableau IV.5. La figure IV.8 montre, pour le tuffeau blanc et la pierre de Sébastopol, l’évolution de l’allongement en fonction du pourcentage de saturation visuelle lors de l’imbibition qui est reliée à la hauteur du front d’imbibition. Toutes les courbes ont la même allure avec une amorce du phénomène de dilatation où les déformations sont faibles au début et essentiellement localisées dans le bas de l’échantillon et donc loin du capteur de déplacement, puis un allongement uniforme comme l’indique l’évolution linéaire de la courbe, et qui permet de déterminer les différents coefficients de dilatation hydrique (tableau IV.5).

(a): tuffeau blanc (b) : pierre de Sébastopol

Figure IV.8 : dilatation hydrique durant une imbibition capillaire pour le tuffeau blanc et la pierre de Sébastopol (sens au lit de la pierre)

Dilatation hydrique

(µm/m)

Indice d’anisotropie Tuffeau

blanc sens ⊥ : 515 sens // : 675 ± 20± 20 24 % Pierre de

Sébastopol sens ⊥ : 22 sens // : 25 ± 20± 20 (12 %)

Tableau IV.5 : résultats des mesures de dilatation lors de l’imbibition

Pratiquement aucune déformation n’a été détectée lors de l’imbibition pour la pierre de Sébastopol et le faible allongement mesuré est peu significatif par rapport à l’incertitude de mesure. Par contre, la dilatation hydrique lors de l’imbibition est d’environ 600 µm/m pour le tuffeau blanc. Cette valeur est loin d’être négligeable et est en accord avec les mesures de dilatation hydrique réalisées sur les tuffeaux (Schrefler & Delage, 2001 ; Dessandier, 2000). En effet, le tuffeau contient une proportion non négligeable d’argiles qui gonflent en présence d’eau comme les smectites par exemple. Il en résulte un phénomène de dilatation hydrique macroscopique de la pierre qui est typique des roches

0 100 200 300 400 500 600 0 20 40 60 80 100

Pourcentage de saturation visuelle

A ll onge m ent ( µ m /m ) tuffeau blanc 0 10 20 30 40 50 60 0 20 40 60 80 100

Pourcentage de saturation visuelle

A ll onge m ent ( µ m /m ) pierre de Sébastopol

contenant ne serait-ce qu’une faible proportion d’argiles (Tomachot, 2002 ; Doehne, 2004). La présence de ces argiles gonflantes a donc un impact important sur la durabilité des pierres. En effet, la dilatation hydrique peut entraîner des effets importants en niveau de l’altération des monuments en pierres comme, par exemple, l’apparition de possibles déchaussements et la fragilisation de la structure du bâtiment. Par ailleurs, l’altération majoritaire du tuffeau est le décollement par plaques dont, pour certains cas, aucune trace de sels n’est observée. Ces plaques pourraient donc dues principalement à une fatigue par dilatation hydrique (cf. paragraphe 1.1.3 du chapitre I).

Cet essai met aussi en évidence l’anisotropie des matériaux qui est d’environ 20 % pour le tuffeau blanc, la dilatation hydrique étant plus forte dans le sens parallèle au lit de la pierre. Ces anisotropies de déformation du squelette solide des pierres est du même ordre de grandeur que les anisotropies mécaniques et capillaires.

5. Conclusion

Les pierres de construction sont destinées à être mises en œuvre. Posées sur un bâtiment, elles seront soumises à de fortes contraintes mécaniques, que ce soit en compression ou en traction. Classiquement, aucun état hydrique spécifique n’est pris rigoureusement comme référence pour estimer la résistance mécanique d’une pierre (norme NF P94-420 ; norme NF P94-422). Malheureusement, la présence de l’eau influence de façon importante le comportement mécanique de la pierre comme cela a été montré dans cette étude. En effet, la résistance à la compression et à la traction chute brutalement dès que la teneur en eau des pierres commence à augmenter pour se stabiliser à sa valeur minimale passé un degré de saturation critique spécifique à chaque pierre. Ainsi, pour des raisons de sécurité et de mise en œuvre des bâtiments en pierres, il est préférable de prendre en compte la résistance mécanique minimale de la pierre i.e. correspondant à l’état saturé (Ojo, 1990). Les sols non-saturés (à l’état quasi-sec) et les roches ont de nombreux traits physiques en commun (Hicher & Shao, 2002 ; Coussy & Fleureau, 2002), et comme pour les sols, il y a une intime relation entre le comportement mécanique des pierres et leur propriété de rétention d’eau. Ceci est aussi visible au travers des mesures de la vitesse de propagation des ondes ultrasonores en milieu non-saturé. En effet, la vitesse du son dépend de la composition minéralogique des pierres, de leur lithologie, de leur porosité mais aussi de leur saturation en fluide. Et les variations de la vitesse du son, comme les résistances mécaniques, suivent les différents niveaux de rétention d’eau propres à chaque pierre. Ainsi, au moyen d’une calibration adéquate et sur un matériau homogène exempt de micro-fissures parasites, cette mesure non-destructive pourrait permettre d’estimer la teneur en eau du matériau et la résistance mécanique qui en résulte.

Le comportement hydro-mécanique est globalement le même pour le tuffeau blanc et pour la pierre de Sébastopol même si le tuffeau paraît beaucoup plus sensible à la présence d’eau ; sa teneur en argile y participerait de manière importante. Comme la pierre de Sébastopol, le tuffeau est une roche tendre,

mais caractérisée par une déformabilité hydrique assez élevée. Une forte variation de sa résistance mécanique avec le degré de saturation en eau indique sa susceptibilité à modifier ses caractéristiques physiques avec un changement des conditions environnementales. La différence de la résistance mécanique entre l’état sec et l’état saturé peut conduire à définir ce que Prick (1996) appelle un coefficient de ramollissement hydraulique et qui peut être considéré comme une première estimation de la durabilité de la pierre (Winkler, 1985), les pierres dont les caractéristiques mécaniques sont peu influencées par l’eau étant les plus durables.

3

ème

partie :

Chapitre 5 :

La compatibilité pierre-pierre :

Essai de vieillissement des pierres par

cyclage imbibition-séchage

Vieillir est encore le seul moyen qu’on ait trouvé

pour vivre longtemps !

[Charles-Augustin de Sainte-Beuve]

Chapitre 5 :

La compatibilité pierre-pierre : Essai de vieillissement des pierres

par cyclage imbibition-séchage

Ce chapitre est consacré à l’observation du comportement des deux pierres étudiées face à un essai de vieillissement accéléré. Pour ce faire, des échantillons de tuffeau blanc et de la pierre de Sébastopol ont subi des cycles imbibition-séchage afin de voir l’effet de la simple eau pure sans aucun polluant ajouté. A la fin de cet essai, des analyses minéralogique et structurale sont réalisées afin d’observer en détail les éventuelles modifications apparues.

Documents relatifs