Chapitre 2 Matériels et Méthodes 33
2.3 Dispositif expérimental
2.3.2 Diffusion de rayons-x aux petits angles
Comme nous l’avons déjà évoqué, la compréhension des comportements mécaniques des
suspen-sions colloïdales nécessite de sonder ces matériaux à l’échelle microscopique. C’est pour cette raison
que nous avons eu recours aux techniques de diffusion de rayons-x, reposant sur les interactions entre
les ondes électromagnétiques et la matière. Contrairement aux techniques classiques de diffraction de
rayons-x (DRX) permettant d’accéder à l’échelle atomique, nous avons utilisé la technique de diffusion
de rayons-x aux petits angles (SAXS
7) rendant compte de la structuration de la matière à l’échelle
des feuillets minéraux argileux (de 10 à 100 nm). Ces investigations expérimentales ont été menées sur
la ligne de lumière SWING au synchrotron SOLEIL (Orsay, France). Dans le cadre du projet Blanc
ANISO, financé par l’Agence Nationale de la Recherche, le rhéomètre MCR 501 de chez Anton Paar
a été implémenté sur cette ligne, rendant possible la mesure simultanée des propriétés mécaniques
(macroscopiques) et structurales (microscopique) des suspensions d’argiles naturelles.
Les synchrotrons permettent d’accélérer des électrons et de les faire circuler dans un anneau de
stockage (figure 2.9). La trajectoire circulaire imposée aux électrons, et induite par la présence d’aimants
de courbure le long de l’anneau de stockage, amène les particules accélérées à céder de l’énergie sous
forme de rayonnement. C’est ce qu’on appelle le rayonnement synchrotron. Ce rayonnement est alors
évacué de l’anneau de stockage pour être redirigé vers les lignes de lumière où auront lieu les expériences.
Avant d’être utilisé, le rayonnement doit être conditionné, et en particulier, la longueur d’onde et
l’énergie du faisceau sont choisies en fonction du type d’expérience prévue. Ces dernières opérations
sont réalisées par un système optique complexe propre à chaque ligne de lumière se trouvant autour de
l’anneau de stockage. Pour les expériences que nous avons effectuées sur SWING, nous avons travaillé
avec un rayonnement de longueur d’onde λ ' 0,1 nm (rayons-x) et une énergie autour de 12 keV.
Par ailleurs, bien que focalisé, le faisceau de rayons-x incident n’est pas ponctuel et garde une certaine
extension. Sur la ligne SWING, dans le plan perpendiculaire à la direction de propagation, le faisceau
a une forme elliptique dont le grand côté mesure 450µm pour un petit côté de 40µm.
Figure 2.9 – Schéma de principe de fonctionnement d’un synchrotron (d’après J. F. Santarelli
Les mesures de diffusion de rayons-x aux petits angles sont basées sur l’interaction élastique des
rayons-x avec les nuages électroniques des objets constituant le milieu étudié. Suite aux différents
événements de diffusion dans la matière, des photons x déviés peuvent interférer. Ces interférences,
dépendantes de la forme et de l’agencement des objets diffusants dans le milieu (dans notre cas, les
feuillets argileux), se traduisent par une répartition particulière dans l’espace des faisceaux diffusés.
L’analyse de l’intensité et de la répartition des faisceaux nous permet alors de remonter à l’organisation
des objets diffusants, tant en terme de position qu’en terme d’orientation.
La figure 2.10 donne une représentation schématique du principe de mesure de diffusion de
rayons-x aurayons-x petits angles. En particulier, on peut voir sur cette figure un erayons-xemple de cliché de diffusion
ainsi que la définition de l’angle de diffusion 2θ. Les rayons-x diffusés par l’échantillon sont collectés
sur un détecteur CCD (AVIEX) situé en aval du milieu diffusant et positionné perpendiculairement
à la direction de propagation du faisceau incident. Le détecteur est composé de 4096×4096 pixels
8,
chacun d’entre-eux mesurant 160×160 µm
2. La distance séparant l’échantillon du détecteur est un
paramètre important de la mesure puisqu’elle va conditionner l’échelle de longueur sur laquelle nous
allons obtenir des informations. Ainsi, si cette distance est de l’ordre de la dizaine de centimètres, on
parlera de mesures de diffusion aux grands angles
9, et on aura accès à des informations relatives à
l’échelle sub-nanométrique.
Figure 2.10 – Principe de mesure de diffusion de rayons-x aux petits angles.
8. Le détecteur est en fait composé de quatre quadrans de 1024×1024 pixels que l’on distingue nettement sur les clichés de diffusion (voir figure 2.10).
Si au contraire, on choisit une configuration dans laquelle la distance échantillon-détecteur est
de l’ordre de la dizaine de mètres
10, les informations obtenues seront relatives à l’échelle
micromé-trique. Dans toutes les expériences que nous avons effectuées, nous nous sommes placés à une distance
échantillon-détecteur d’environ 6 mètres, nous permettant de procéder à des mesures de diffusion aux
petits angles. Ces mesures nous ont permis de sonder une gamme de longueurs caractéristiques
s’éten-dant du nanomètre à la centaine de nanomètres.
Comme cela est indiqué sur la figure 2.10, le rayonnement diffusé par un échantillon est repéré
sur le détecteur par le vecteur d’onde −→q tel que −→q =−→k
d
−−→ki avec −→
k
dle vecteur d’onde diffusé et−→
ki
le vecteur d’onde incident. Dans le régime de diffusion aux petits angles, on considère que le vecteur
d’onde−→q est situé dans le plan du détecteur (perpendiculaire à la direction du faisceau incident). Le
module du vecteur d’onde−→q
est relié à l’angle de diffusion par la relation suivante :
q= 4πsinθ
λ (2.5)
Les informations relatives à l’organisation des particules d’argile en suspension sont obtenues par
une analyse détaillée de l’intensité diffusée par ces objets. Cette intensité est donnée, de façon
appro-chée, par l’expression suivante :
I(q) = ∆ρ
2φVpP(q)S(q) (2.6)
avec ∆ρ la différence de densité moyenne en électrons entre les objets diffusants et le milieu
envi-ronnant,φla fraction volumique en particules d’argile,V
ple volume d’une particule,P(q)le facteur de
forme des particules et S(q)le facteur de structure (représentant l’organisation des objets diffusants).
Dans le document
Propriétés sous écoulement des suspensions colloïdales de particules non-sphériques : cas des argiles naturelles
(Page 63-66)