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5. RESULTATS

5.3 Les difficultés de la relation soignant-soigné au long cours

La relation thérapeutique est un aspect central de la profession infirmière, surtout dans les soins aux personnes atteintes de maladies mentales (Roche & al., 2011).

Malgré les changements organisationnels, il a clairement été établi que les infirmières de santé mentale ont tendances à donner priorités à des patients qui ont des problèmes à court terme et deviennent démoralisées lorsqu’elles travaillent avec des patients ayant des besoins et des incapacités persistantes. En effet, les infirmières ont besoin de trouver un sens pertinent à leurs soins pour pouvoir prendre part activement à la relation et pour pouvoir retirer de la satisfaction de leur travail (Repper & al., 1994). Il n’est pas évident de travailler avec des personnes dont l’expérience de vie et la réalité quotidienne diffèrent nettement de la nôtre. Cet auteur mentionne que « ni les formations professionnelles, ni les expériences ordinaires nous équipent pour le défi de travailler avec de telles personnes » (ibid.).

La majorité des études rapportent qu’en psychiatrie, le soignant est l’outil de soin et ses instruments sont la parole et l’écoute. « Travailler au plus près de la souffrance psychique des personnes est une lourde charge mentale » (Estryn-Behar & al., 2006).

38 Effectivement, il est demandé aux soignants beaucoup d’investissement personnel et les retombés psychiques sont souvent conséquentes sur leur vie professionnelle et personnelle. Toujours suivant le même auteur (2006), 53% des soignants sont insatisfaits concernant le manque de soutien psychologique.

Comme mentionné ci-dessus, les maladies mentales graves et persistantes demandent une prise en charge complexe, que ce soit au niveau médical, social ou personnel. Les patients sont dépendants des services de soins et ont fréquemment des comorbidités qui augmentent la difficulté dans leur accompagnement. Les patients exigent donc des infirmières une implication totale dans les soins pour avoir une relation thérapeutique optimale, ce qui est souvent plus qu’elles ne peuvent offrir (Koekkoek & al., 2008). La durabilité de la prise en charge, l’ampleur de leurs problèmes et le désespoir qu’ils induisent renforcent la difficulté des soignants à durer dans les soins (Koekkoek & al., ibid.).

Les attitudes et sentiments négatifs couramment rapportés dans les études sont le désespoir, la frustration, l’ennui, l’anxiété, l’impuissance et l’échec. L’empathie disparaît, surtout lors de comportement de suicidalité chronique. Par exemple, une étude (Koekkoek & al., ibid.) rapporte les pensées d’un infirmier qui est usé par les soins aux long cours. « Vous voulez quitter la vie ? Faites-le si c’est ce que vous voulez ».

Il est difficile, lorsqu’on travaille avec des personnes ayant des difficultés chroniques, de faire face au « refus » d’obtenir une meilleure vie et de ne pas être gratifier pour le travail effectué. Les professionnels, même très motivés, ont tendance à être démoralisés et désespérés par le manque de succès qu’ils rencontrent (Koekkoek & al., ibid.). Par exemple, le patient espère la guérison mais fait plusieurs rechutes et le professionnel a pour objectif l’amélioration mais se heurte au manque de progrès. Toujours d’après le même auteur, cela engendre des sentiments négatifs à l’égard des cognitions du patient et du pessimisme au sujet du traitement. C’est frustrant car il y a un contraste entre l’ambition (guérir le patient) et ce que les professionnels sont obligés de faire (offrir des soins de longue durée et maintenir les ressources existantes).

En résumé, le manque de progrès des patients en général a été relié à un manque d’optimisme des professionnels.

39 Goodwin et Gore (2000) exposent l’inquiétude du personnel infirmier quant à la responsabilité et au fardeau de la dépendance des patients. Il a peur de devenir lui-même dépendant, vulnérable ou hostile envers le patient.

Deux études relatent que le personnel infirmier est fréquemment confronté à la violence physique et verbale et que c’est un facteur dominant d’insatisfaction (Estryn-Behar & al., 2006 et Tuvesson & al., 2011). En effet, les soignants font souvent face à l’augmentation de l’agressivité, aux insultes, aux coups, aux crachats, aux vols, aux menaces de morts et aux agressions physiques. Cette montée de la violence se traduit par un sentiment d’insécurité au travail et par des difficultés à maintenir une relation thérapeutique avec les patients.

Lorsque l’on parle de soins au long cours et de chronicité en psychiatrie, l’auteure est tombée sur plusieurs études mentionnant le terme de gestionnaire de cas (GDC)(Repper & al., 1994 ; O’Connell & Stein, 2011 ; Bonsack & al., 2007). Elle ne peut donc pas l’exclure. Selon Repper et al., la gestion de cas implique d’avoir une personne seule responsable pour maintenir une relation de support à long terme avec le patient, indépendamment du lieu et indépendamment du nombre d’intermédiaires impliqués. Le GDC est une aide, un négociateur et un avocat pour le patient (1994). Les résultats de l’étude (Repper & al., ibid.) mettent en évidence les principes du travail du GDC. La gestion de cas offre l’opportunité au soignant de travailler avec les mêmes patients sur une longue période, ce qui permet de prendre les choses lentement, d’avoir de petits objectifs et d’être à la fois régulier et persévérant et surtout de ne pas s’épuiser dans la relation. Cela lui permet de rester positif face aux refus. Le GDC utilise une approche individuelle centrée sur le patient (Repper & al., ibid.). Il traite d’abord des tâches urgentes (détail financier, logement, prestations sociales, etc.), ce qui permet aux deux parties de mieux se connaître puis il va ensuite travailler sur le traitement des difficultés réelles du patient notamment la communication et l’enseignement des compétences pratiques. Son but est de modifier le comportement du patient sur la base de l’élaboration d’une compréhension différente de ses difficultés. Toujours d’après le même auteur, une des particularités de cette approche est la forte flexibilité donnée au patient, celui-ci a le sentiment d’être indépendant, d’être digne de respect et se sent d’avantage pris en charge. Cette approche flexible favorise la relation, la mise en confiance, l’implication volontaire du patient et le suivi éloigné (ibid.).

40 O’Connell et Stein (2011), rapportent qu’il est considéré comme essentiel dans le processus de guérison d’une maladie psychiatrique d’avoir un sentiment d’espoir et des attentes positives pour l’avenir. Les résultats de cette étude démontrent clairement que les GDC ayant des attentes positives envers leurs patients effectuent des soins de meilleures qualités que ceux qui ont de faibles attentes envers leurs patients.

Le gestionnaire de cas semble donc, dans les recherches sélectionnées par l’auteure, contrer les difficultés relationnelles liées à la chronicité des maladies mentale graves en hôpital psychiatrique.

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