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Plusieurs études font état de l'importance des difficultés diagnostiques du syndrome post-Lyme (Burdge et al, 1993 ; Reid et al, 1998 ; Sigal et al, 1990 ; Steere et al, 1993). Ainsi, sur 100 malades adressés pour maladie de Lyme dans un centre de référence (Lyme Disease Center, Robert Wood Johnson Medical School) seulement 37 avaient un tableau cohérent avec une maladie de Lyme, et 25 souffraient de fibromyalgie (Sigal, 1990). De même, sur les 788 patients vus à la Lyme Clinic du New England Medical Center, 23 % avaient une maladie de Lyme active, 20 % une maladie de Lyme guérie associée à une autre pathologie et 57 % n’étaient pas infectés par Borrelia (Steere et al., 1993). De plus, la moitié des malades souffraient de syndrome de fatigue chronique ou de fibromyalgie. De la même façon, sur 209 malades adressés à la Lyme Disease Clinic de Yale University, seuls 21 % souffraient d’une infection active à Borrelia, tandis que 19 % présentaient une maladie éteinte, et 60 % n'étaient pas infectés. Des taux importants de stress et de dépression étaient également relevés dans ces deux derniers groupes (Reid et al, 1998). En outre, sur 65 malades adressés dans un centre hospitalo- universitaire en zone non endémique pour la maladie de Lyme, le diagnostic n’a finalement été retenu que dans deux cas (3%), 17 % présentant un tableau de fibromyalgie ou un syndrome de fatigue chronique et 14 % une pathologie psychiatrique lourde (Burdge et al, 1993). De même, une étude transversale préliminaire révèle que sur 109 patients consultant pour une suspicion de maladie de Lyme dans un service de maladies infectieuses d'un hôpital universitaire Parisien, seulement 7 % possèdent tous les critères anamnestique (exposition aux tiques), clinique (signes compatibles), biologique (sérologie positive) et thérapeutique (réponse favorable au traitement), et 7 % supplémentaires seulement 3 des critères. Parmi les 86 % de patients présentant moins de 3 critères en faveur de la

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maladie de Lyme, 26% présentaient un trouble psychologique à type de dépression, de syndrome de stress post traumatique ou de syndrome d’épuisement professionnel, ou bien avaient été victimes de harcèlement moral ou sexuel, 20% une pathologie neurologique (sclérose en plaques ou SEP, sclérose latérale amyotrophique ou SLA), et 16% une atteinte rhumatologique (Chabane et Caumes, 2018). Par la suite, les auteurs ont retrouvé un diagnostic de Borréliose de Lyme confirmé chez 12,7 % d’un total de 301 patients reçus, tandis que d’autres diagnostics ont été posés chez 80,7 % d’entre eux. Les autres diagnostiques étaient principalement des troubles psychologiques (31,2 %), rhumatologiques (19,7 %), neurologiques (15,2 %) et d'autres origines (33,7 %). Les affections indéterminées ne représentaient que 6,6 % des cas. (Haddad et al., 2018).

Par ailleurs, sur 305 patients consultant pour suspicion de borréliose de Lyme en service d’infectiologie au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Besançon, l’infectiologue concluait à une borréliose de Lyme dans seulement 12 % des cas, et retenait ou suspectait une autre pathologie organique de type rhumatologique, neurologique ou infectieuse dans 35 % des cas, une pathologie psychiatrique (trouble anxieux ou de l’humeur ou somatoforme) dans 13 % des cas, et un syndrome de fatigue chronique ou une fibromyalgie dans 8 % des cas. Dans 31 % des cas, aucun diagnostic n’était retrouvé (Voitey et al., 2018).

Enfin, sur 468 patients ayant consulté au Centre de consultations multidisciplinaire de Nancy, le diagnostic de maladie de Lyme a été confirmé dans 15 % des cas tandis que 49 % des patients ont reçu un autre diagnostic différentiel et qu’aucun diagnostic n’a pu être posé pour 26 % (Jacquet et al., 2019). Cependant, d'autres auteurs comme Cairns et Godwin contestent la similarité des symptômes du syndrome post-Lyme avec ceux retrouvés dans la fibromyalgie, la dépression, ou le syndrome de fatigue chronique (Cairns et Godwin, 2005a). Pour eux, il s'agirait de symptômes bien distincts. Ainsi, la fatigue décrite dans la maladie de Lyme serait extrême, profonde, inhabituelle et débilitante, tandis que la fatigue du syndrome de fatigue chronique serait plus flottante. De même, les douleurs musculosquelettiques seraient migratrices et asymétriques dans les membres, alors que celles retrouvées dans la fibromyalgie seraient plus généralisées et symétriques sur tout le corps. Des différences concernant les fonctions cognitives entre les patients atteints de ces différentes pathologies ont été retrouvées, les patients souffrant d'une encéphalopathie à Borrelia présentant davantage d'atteinte des fonctions mnésiques que les patients souffrant de fibromyalgie ou de dépression (Kaplan et al., 1992 ; Gaudino et al., 1997).

Au total, ces études réalisées sur plusieurs sites et en divers pays vont donc toutes dans le même sens, et révèlent le risque de ne pas reconnaître des pathologies nécessitant d’autres soins que l’antibiothérapie, comme par exemple la dépression. Un glissement conceptuel et clinique semble s’est opéré, d’une entité déclarée après une infection certaine avec une définition clinique et biologique, vers

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une nébuleuse qui peut ne comprendre que des symptômes subjectifs et dont le seul noyau objectif serait une sérologie biologique contestée (Fallon et al, Nields et al, 1994, Sigal et al, 2002). A ce jour, la démarche clinique dans le cadre de la maladie de Lyme revêt une authentique dimension d’incertitude diagnostique.

Dans une étude de 2019, Guedj et alrappellent que les plaintes, les symptômes et les maladies sont difficiles à gérer en l'absence de substratum physiopathologique causal et de biomarqueurs pouvant être identifiés au niveau individuel et qu’ils sont donc souvent associés à un nomadisme médical, à des coûts inutiles pour les systèmes de santé et à une altération de la qualité de vie du patient(Guedj et al, 2019). Pour eux, les biomarqueurs objectifs sont utiles pour la reconnaissance médicale du sujet en tant que patient et constituent une étape essentielle pour l'amélioration des soins de santé en permettant un diagnostic précoce, un traitement adapté et un meilleur pronostic (Wiktorowicz et Soman, 2016).

Plusieurs techniques d’imagerie fonctionnelle pourraient ainsi faire office de biomarqueurs, en permettant de distinguer les images associées à des maladies psychogéniques des maladies organiques. En réalisant une imagerie cérébrale (SPECT) chez 183 patients définis comme ayant une "maladie de Lyme chronique" avec des sérologies négatives et positives et des symptômes principalement subjectifs, Donta et al. ont identifié des anomalies à l’imagerie chez 75% des patients. L’antibiothérapie a entraîné la résolution ou l'amélioration de ces anomalies chez 70% d'entre eux sur une période de 1 à 2 ans (Donta, Noto, & Vento, 2012). Ces résultats suggèrent qu’il existerait bien un substratum biologique aux symptômes ressentis par la majorité des patients qui pensent être atteints de la maladie de Lyme, mais qu’il n’est pour autant pas possible de déterminer leur origine précise. En effet, d’après Guedj et al, il s’agirait d’avantage d’anomalies fonctionnelles visibles grâce à l’imagerie fonctionnelle que de lésions neurologiques identifiables, ces anomalies pouvant correspondre selon eux à une dysrégulation des réseaux cérébraux liés au traitement des émotions (Guedj et al., 2019).

Il apparaît donc qu’en dépit des incertitudes existant autour du diagnostic de la maladie de Lyme, les souffrances exprimées par les patients seraient elles bien identifiables par certaines techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle.