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différentielle d’ADN viral lors d’une infection expérimentale chez des aniamux appartenant à deux

familles d’huîtres creuses (résultats complémentaires)?

Nous avons pu montrer qu’il existait des différences de niveaux d’expression des gènes viraux suivant le fond génétique de la famille étudiée (article 3, p131). Au vu de l’ensemble de ces résultats, nous avons souhaité étudier s’il existait des différences en matière d’excrétion virale pour des animaux présentant des niveaux contrastés de sensibilité à la maladie. En effet, des huîtres infectées ne presentant pas de mortalité pourraient jouer le rôle de vecteur et de réservoir du virus, permettant ainsi la transmission de ce dernier à des individus sains. Sauvage et coll. (2009) ont montré par PCR en temps réel, la présence d’ADN OsHV-1 (de l’ordre de 102 copies/L) dans l’eau de mer lors d’épisodes de mortalité massive d’huîtres creuses.

Ainsi, l’objectif de ce travail était de déterminer les quantités de virus excrétées (au travers de la quantification de l’ADN viral) après infection expérimentale par injection chez des individus appartenant aux familles A et P (article 3, p131). Des animaux, âgés de sept mois, issus d’une seconde génération (G2) ont été utilisés. Le protocole d’infection a été le même que celui décrit dans l’article 3 (p131). Ainsi, 100 µL d’une suspension virale contenant 103 copies d’ADN viral/µL ou d’eau de mer (contrôle), ont été injectés dans le muscle adducteur de chaque huître (n=10 individus par famille). Chaque huître a été placée individuellement dans un bécher avec bulleur contenant 500 mL d’eau de mer traitée aux UV. La quantité d’ADN viral dans l’eau a été recherchée par PCR en temps réel à différents temps (4, 8, 12, 26, 32, 48, 58, 72, 96, 120 hpi pour aniamux appartenant aux deux familles et 144 hpi pour la famille P). Les huîtres mortes ont été laissées dans le bécher jusqu'à la fin de l’expérience.

Figure 19: Mortalité cumulée et quantité d’ADN viral détectée dans l’eau de mer pour les familles A et P. Les aires représentent la mortalité cumulée en pourcentage pour les familles A (bleue) et P (orange). Les courbes représentent la quantité d’ADN viral détectée dans l’eau de mer pour la famille A (bleu) et la famille P (orange). N=10/temps et famille. Les barres d’erreurs représentent l’écart type standard.

Dans un premier temps, le suivi de mortalité a confirmé une différence significative (test de Kruskal-Wallis, p<0.05) de sensibilité à l’infection entre les individus des deux familles A et P (Figure 19, p145). La famille A a présenté un taux de mortalité de 100 % à 48 hpi alors que celui de la famille P n’a pas dépassé 30% 120 hpi. Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus pour lapremière génération (Segarra et al., 2014, article 3).

La quantité d’ADN viral présente dans l’eau de mer est corrélée positivement avec les mortalités observées pour chacune des familles (test de Spearman Rs= 0.6 et Rs= 0.7, pour les familles A et P respectivement, p<0.05). Les résultats ont révélé une quantité d’ADN viral significativement supérieure (x10) dans l’eau de mer pour les individus de la famille A que dans celle contenant les individus de la famille P (test de Kruskal-Wallis, Z=7.54, p<0.05) (Figure 19, p145). Cette différence suggère que les animaux appartenant à la famille la moins sensible, la famille P, excrèteraient moins de virus que ceux de la famille la plus sensible. Ainsi, le fond génétique pourrait avoir un impact quant à la transmission du virus.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 1E+00 1E+01 1E+02 1E+03 4 8 12 26 32 48 58 72 96 120 Mortalité cumulé (%) Log 10

(nombre de copies d'ADN viral/

µ

L)

Temps ( heures post-infection)

Mortalité Famille A Mortalité Famille P

L’utilisation d’un plus grand nombre de familles contrastées est nécessaire pour confirmer cette hypothèse. En effet, dans le cas présent, seules deux familles ont été suivies. Il est donc difficile d’écarter le biais d’un éventuel effet famille. Néanmoins, (Dégremont et al., 2013) ont montré que la transmission horizontale de l’infection par OsHV-1 entre les huîtres peut être liée à leur fond génétique. Les résultats obtenus soulignent également que des individus infectés, mais ne présentant aucune mortalité, peuvent être excréteurs de virus. Ces animaux peuvent être considérés soit comme des porteurs asymptomatiques soit comme des individus malades sans qu’il soit possible d’observer des symptômes particuliers du fait de la présence de la coquille et du manque de marqueurs de santé chez les mollusques marins.

Dans cette étude, la détection d’ADN viral dans l’eau est synchrone avec l’observation des premières mortalités pour la famille A. En revanche, celle-ci est précédée des premières mortalités pour les animaux de la famille P (Figure 19, p145). Néanmoins, des similitudes apparaissent entre les cinétiques de détection d’ADN viral pour les individus des deux familles. Pour les deux groupes, l’ADN viral a été détecté dans l’eau à partir de 26 hpi suivi d’un pic compris entre 32 et 48 hpi. Une diminution des quantités d’ADN détectées est ensuite visible entre 48 et 72 hpi pour les individus de la famille A et entre 48 et 96 hpi pour les individus de la famille P. La durée d’excrétion du virus est relativement comparable entre les deux familles (46 h). Après cette période, un nouveau pic de détection de l’ADN viral est observé dans l’eau de mer pour les individus des deux familles. L’interprétation du second pic de détection à 72 hpi chez la famille A reste complexe dans la mesure où tous les individus sont morts à 48 hpi. L’hypothèse la plus probable est la décomposition des huîtres induisant une libération importante d’ADN et/ou de particules virales présentes dans les tissus. En effet, les animaux morts ont été laissés dans les béchers durant la durée des expériences. Chez la famille P, ce second pic de détection, est très certainement dû à la mort d’un individu à 48 hpi.

Figure 20: Quantité d’ADN viral détectée dans l’eau de mer pour la famille P. Les courbes représentent la quantité d’ADN viral détecté dans l’eau de mer pour les individus présentant de la mortalité (courbe orange) et les individus survivants à l’infection (courbe grise). N=3 et N=7 respectivement par temps et par groupe. Les barres d’erreurs représentent l’écart type standard.

Dans le but de déterminer si, l’excrétion était identique entre des individus présentant des mortalités et des individus survivants au sein de la famille P, nous avons analysés séparément la quantité d’ADN virale détectée dans l’eau de mer pour les individus survivants (n=3) versus les individus morts (n=7). Les résultats montrent une différence significative entre les deux groupes d’individus de la famille P (Test de Mann-Whitney, p<0.05) (Figure 20, p147). Le groupe d’individus survivants ne présente qu’un seul pic d’excrétion virale entre 32 et 72 hpi et aucune détection d’ADN viral n’a été observée dans l’eau de mer après 72 hpi. Ce résultat soulève la question du devenir du virus chez les individus survivants et de la persistance du pouvoir infectieux d’OsHV-1 dans l’eau de mer. Shimizu et coll. (2006) rapportent que le pouvoir infectieux du CyHV-3 (Cyprinid herpesvirus-3) est capable de persister au moins 24 h dans l’eau, mais qu’en l’absence d’hôtes, le virus est rapidement inactivé.

La détection de l’ADN viral ne permet pas d’explorer la production de particules intègres enveloppées et infectieuses. En effet, l’ADN détecté peut être libre ou bien contenu dans une particule virale intègre ou dégradée. Seules les particules intègres possédant leur enveloppe sont capables de pénétrer dans les cellules hôtes et de s’y répliquer. L’exposition d’animaux au virus apparaît comme une solution de choix pour explorer la conservation du pouvoir infectieux du virus. Schikorski et coll. (2011a) rapportent des mortalités chez les individus sains dès un jour après la mise en contact avec des individus infectés, suggérant une excrétion de particules virales infectieuses entre 48 et 72 hpi (les animaux infectés ont été injectés 48 heures avant d’être mis en contact des huîtres saines). Par ailleurs, une technique basée sur l’utilisation du monoazide de propidium (PMA), un intercalant de l’ADN, a été récemment développée à l’Ifremer (LGPMM, La Tremblade) afin de mesurer les quantités de capsides intègres. En effet, le PMA pénètre uniquement à l’intérieur des virus dont la capside est endommagée et se lie à l’ADN viral de manière covalente suite à une exposition à une source lumineuse. Seul l’ADN des virus ayant une capside intégre est alors amplifié par PCR en temps réel. Cependant, cette technique, d’intérêt majeur pour le suivi des capsides intègres dans l’eau de mer ou/et dans l’hôte, ne renseigne pas sur l’état de l’enveloppe virale.

En fin d’expérience (144 hpi), les animaux survivants de la famille P ont été mis en contact dans un même bac avec des animaux sains de la famille A. L’objectif était d’explorer la capacité des animaux survivants à excréter des particules virales infectieuses pouvant engendrer de la mortalité. Après 15 jours de cohabitation, aucune mortalité n’a été observée, suggérant que les huîtres survivantes n’excrétaient plus de virus intègre 144 hpi. Néanmoins, nos résultats montrent également que ces mêmes individus libèrent de l’ADN viral entre 32 et 72 hpi, suggérant que des huîtres ne présentant pas de mortalités peuvent être considérées comme une source du virus. Chez les vertébrés, El-Matbouli et Soliman (2011) décrivent une transmission horizontale entre différentes espèces de poisson sensibles ou non à l’herpèsvirus CyHV-3. Ainsi, des poissons ne présentant aucune mortalité à CyHV-1 sont capables de transmettre l’infection à d’autres poissons.

Nos résultats soulèvent plusieurs questions, (i) le système immunitaire des huîtres survivantes permet-il d’éliminer totalement le virus, ou bien (ii) le virus est-il capable d’entrer en

latence/persistance chez ces huîtres, et dans ce cas, est-il possible d’observer un nouveau cycle actif du virus au sein de ces individus ?

*Dans notre étude, les huîtres survivantes n’ont pas été placées en conditions de stress. Or, chez les vertébrés, des travaux montrent qu’une variation de la température de l'eau peut agir comme un facteur de stress affectant le système immunitaire des poissons rouges (porteurs sains du virus CyHV-3) et ainsi favoriser la réplication du virus CyHV-3 et sa transmission par cohabitation à des carpes saines (El-Matbouli et Soliman, 2011). De plus, il a été montré précédemment que la mortalité des huîtres creuses due au virus OsHV-1 dépend de la variation de la température de l’eau de mer (Dégremont, 2013; Garcia et al., 2011; Le Deuff

et al., 1996; Renault et al., 2014). Dans le cas d’une persistance du virus chez les huîtres

survivantes, ces dernières pourraient jouer un rôle majeur dans la transmission virale en milieu naturel.

Des études complémentaires basées sur une variation de paramètres environnementaux (température, oxygène, salinité) seront nécessaires pour préciser la persistance du virus dans l’hôte et les conditions de sa possible réactivation.

Existe-il des différences de sensibilité à

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