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Diagnostic parasitologique

En 2015, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a fait paraître un avis dans lequel il stipule que « le diagnostic et le traitement du paludisme sont des urgences absolues ». Aussi le diagnostic du paludisme doit être réalisable 24 h/24 (41). Au-delà de l'étroite collaboration entre médecin et biologiste, ce dernier dispose d'un délai de 2 h pour rendre le résultat à compter de la réception du prélèvement. Au total, un délai maximal de 4 h doit être respecté entre le prélèvement et le rendu du résultat (42). Outre les signes cliniques et biologiques évoqués ci- dessus, la détection de l'hématozoaire dans le sang constitue la base du diagnostic (figure 9).

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Figure 9 : Diagnostic biologique du paludisme d'après la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), 2017 (42)

a) Recherche directe de parasites – Techniques microscopiques

Elle s'effectue grâce à un prélèvement de sang veineux (tube EDTA) à partir duquel est réalisé un examen microscopique au moyen de deux techniques complémentaires systématiquement associées (43).

 le frottis sanguin : obtenu par étalement du sang en fine couche mono-érythrocytaire, fixé puis coloré au May-Grünwald-Giemsa (MGG). Cet examen permet le diagnostic d'espèce et le calcul de la parasitémie. La morphologie des parasites est différente selon l'espèce impliquée. Des faux négatifs ne sont pas exclus en cas de faible parasitémie (39). Le seuil de détection se situe entre 100 et 300 parasites/µl. A noter que la prise d'antipaludiques modifie la morphologie parasitaire et peut conduire à un diagnostic d'espèce erroné débouchant sur une prise en charge inadéquate (43).

 la goutte épaisse : du fait de l'augmentation de la quantité de sang examiné, cette technique de concentration est plus sensible (seuil de détection de 10 à 20 parasites/µl). Sa préparation est plus longue et délicate que la méthode précédente. Le sang est d'abord

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déposé sur lame, puis défibriné au moyen de mouvements circulaires, séché, déshémoglobinisé, coloré et enfin séché (43). Contrairement au frottis sanguin, elle ne permet pas le diagnostic de l'espèce plasmodiale (39). En cas de négativité, l'examen est répété 12 à 24 h après ; la densité parasitaire pouvant être faible en dépit d'un tableau clinique sévère (9).

En outre, il existe une autre technique de microscopie (à fluorescence) permettant de concentrer également le sang dite QBC (Quantitative Buffy Coat). Elle présente l'avantage d’une grande sensibilité (1 à 5 parasites/µl), mais ses principaux inconvénients sont le coût et l'incapacité à déterminer l'espèce. Cette méthode s'appuie sur la coloration de l'ADN des plasmodies au sein des globules rouges, grâce à l'acridine orange (43,44).

b) Recherche de protéines plasmodiales -Technique d'immunochromatographie (ICT)

Cette technique est utilisée pour les tests de diagnostic rapide (TDR), dont l’emploi en zone d’endémie est encouragé par l'OMS (4). Ils présentent, entre autres, l'avantage de ne pas nécessiter d'expertise particulière. Le résultat est obtenu en moins de 30 min. Des protéines plasmodiales sont détectées par immunochromatographie via des anticorps monoclonaux spécifiques présents sur le dispositif. Ces derniers permettent l'apparition d'une bande colorée après dépôt d'une goutte de sang et lyse des hématies (43). Les protéines plasmodiales détectables sont présentées dans le tableau suivant.

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Tableau 4 : Antigènes de Plasmodium spp. utilisables selon la technique ICT (TDR) (43,45)

P. falciparum P. vivax P. ovale P. malariae P. knowlesi

HRP2 X LDH Pf pLDH Pv pLDH Pan Pldh X X X X X X X Aldolase Pv aldolase Pan aldolase X X X X X X

Beaucoup de TDR combinent la détection d'HRP2 couplée à la pLDH. Parmi les nombreux tests (plus de 200) qui existent, certains permettent de diagnostiquer une espèce en particulier, d'autres non. Pour valider chaque test, l'OMS s'appuie sur les seuils d'acceptabilité suivants :

75% de détection pour des concentrations de 200 parasites/μl pour P. falciparum et pour

P. vivax ;

 moins de 10 % de faux positifs ;

 moins de 5 % de tests non interprétables (43,45).

Le seuil de détection d'HRP2 de P. falciparum est d'environ 100 parasites/µl (44). Ce test présente une bonne spécificité mais il peut rester positif jusqu'à 28 j après. De ce fait, il ne pourra pas être utilisé pour diagnostiquer une recrudescence après traitement, ni pour le suivi d'efficacité d'un traitement (9,38,43). Les détections de PLDH, PfLDH et de PvLDH sont moins sensibles (9). Ces protéines présentent l'avantage de se négativer 5 à 6 j après la disparition du parasite (43). Si la majorité des TDR sont validés pour le diagnostic de P. falciparum et de P.

vivax, ils ont une sensibilité médiocre pour les trois autres espèces (9). D'autres problèmes de

sensibilité sont relevés, notamment en cas de très forte parasitémie, un phénomène de prozone peut être à l'origine de faux négatifs (43,45). Dans les laboratoires équipés, les TDR n'ont pas réussi à supplanter les examens microscopiques et ne constituent qu'une aide complémentaire au diagnostic (9). En revanche, dans les pays en voie de développement, l'OMS préconise l'utilisation de TDR pour poser le diagnostic du paludisme (46). Ainsi en 2017, 276 millions de

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TDR ont été vendus dans le monde. En Afrique, en 2017, 75% des diagnostics de paludisme sont réalisés par TDR, loin devant les 40% de 2010 (4). En zone de transmission saisonnière, les TDR ont une bonne valeur prédictive positive. En revanche, dans les zones de transmission stable et permanente, les TDR peuvent faire poser des diagnostics par excès (9).

c) Sérologie

Il existe des tests sérologiques de détection d'anticorps spécifiques. Mais ces derniers apparaissant en moyenne 10 j après la crise aiguë, ces tests n'ont pas leur place en situation d'urgence. Ils permettent de confirmer rétrospectivement un diagnostic de paludisme chez un patient ayant été traité sans diagnostic biologique et ils entrent dans le diagnostic des formes chroniques. Ils peuvent être employés dans les dons de sang, de cellules et d'organes ainsi que dans les études épidémiologiques au sein des zones impaludées (43).

d) Biologie moléculaire

Les techniques d'amplification génique sont également possibles mais le principal inconvénient est leur coût élevé. En plus d'une sensibilité remarquable (de 0,5 à 0,0005 parasites/µl pour P.

falciparum), les tests génomiques permettent d'identifier l'espèce plasmodiale et les éventuelles

mutations à l'origine de chimio-résistance. Autre intérêt de la biologie moléculaire : en zone d'endémie où de nombreux essais thérapeutiques sont conduits, elle permet de distinguer les recrudescences des réinfections (43,47).