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Ils devront notamment porter leurs efforts sur l’étude des risques manipulatifs du rachis cervical et se montrer capables d’affiner les recommandations de bonnes pratiques déjà

existantes. Dans leur quête d’une évaluation la plus précise possible, un système de

vigilance portant sur les effets indésirables devra être constitué rapidement.

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Commentaire sur le rapport

« Evaluation de l’efficacité de la pratique de l’ostéopathie »

Si l'intitulé se rapporte à l'ostéopathie, une grande partie de l'argumentation est basée sur la chiropraxie. Les différences entre les deux pratiques sont importantes tant sur les techniques, le diagnostic ostéo ou chiro que sur le nombre de consultations (peu de consultations 2-3 en ostéo contre le plus souvent de multiples consultations en chiro, une dizaine, parfois plus), ce qui semble être un vrai facteur de confusion.

Contrairement à la Médecine qui a construit sa pratique pendant des siècles sur l'observation clinique avant de passer progressivement à la recherche scientifique basée sur les preuves, l'Ostéopathie a moins de 150 ans, et malheureusement alors que l'observation clinique n'a pas recueilli suffisamment de données, il nous est demandé de faire d'emblée des protocoles correspondant à l'evidence based medecine.

Le recueil de données cliniques purement descriptives peut aider à la mise en place de protocoles de recherche bien construits.

Roselyne Lalauze-Pol DO

Attachée de consultation à l'Unité d'evaluation et de Traitement de la Douleur, Hôpital R. Debré

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Commentaire sur le rapport

« Evaluation de l’efficacité de la pratique de l’ostéopathie »

Thibault Dubois

Administrateur de FOREOS

Chargé de mission documentation du SFDO

Il convient tout d’abord de saluer la qualité et l’objectivité de la revue systématique de littérature et de son analyse critique menée par l’équipe de l’unité INSERM 669 (C. Barry, B. Falissard). En tant que spécialistes des mesures subjectives et forts de l’expérience acquise par une mission analogue réalisée en 2011 sur la chiropratique, les auteurs de ce rapport se sont appuyés sur des éléments factuels. Il s’agit du premier travail scientifique de ce type élaboré sur l’ostéopathie réalisé par un organisme public en France.

Ce rapport met en évidence et permet de hiérarchiser les difficultés de la recherche clinique en ostéopathie. Ces difficultés s’avèrent à la fois quantitatives et qualitatives, structurelles et institutionnelles.

La faible quantité de littérature scientifique concernant la discipline est assez significative. En effet, pour une mission comparable concernant la chiropratique (réalisée en 2011), avec la même méthodologie, les auteurs ont eu à analyser 212 essais cliniques pour 64 concernant l’ostéopathie.

Avec les mêmes critères d’inclusion des articles dans la revue de littérature, les auteurs ont retenu 40 articles décrivant 32 essais évaluant la chiropratique et seulement 19 articles décrivant 17 essais évaluant l’ostéopathie. Cela démontre le retard pris par l’ostéopathie en matière de quantité d’évaluations. A titre d’exemple, les méta-analyses réalisées pour des thérapeutiques à enjeux industriels forts (pharmacologie, matériel médical), incluent souvent plusieurs dizaines d’essais cliniques (soit plusieurs milliers de patients) pour évaluer l’efficacité d’une seule et même problématique clinique.

Concernant la qualité des études, le Dr Isabelle Boutron, expert en méthodologie d’évaluation des interventions complexes, pointe à juste titre les difficultés méthodologiques auxquelles sont confrontés les ostéopathes dans l’évaluation de leur discipline. En effet, les modèles épidémiologiques, dont l’essai contrôlé randomisé en aveugle est le « gold standard », sont difficiles - parfois impossibles, notamment pour ce qui concerne le double insu -, à mettre en œuvre dans l’évaluation des interventions complexes dont fait partie l’ostéopathie. La discipline partage ces problématiques méthodologiques avec bon nombre de thérapeutiques – dites conventionnelles – comme la chirurgie, la masso-kinésithérapie, la dentisterie, l’orthodontie, la psychothérapie, la podologie et bien d’autres.

Ainsi, le CONSORT Statement, rédige depuis 2006 des guides méthodologiques52,53

52 Boutron I, Moher D, Altman DG, Schulz K, Ravaud P, for the CONSORT group. Methods and Processes of the CONSORT Group: Example of an Extension for Trials Assessing Nonpharmacologic Treatments. Ann Intern Med. 2008:W60-W67.

permettant d’améliorer la qualité de l’évaluation de ces thérapeutiques non-pharmacologiques dans le but d’éviter les biais énumérés par le Dr Isabelle Boutron.

53 Boutron I, Moher D, Altman DG, Schulz K, Ravaud P, for the CONSORT group. Extending the CONSORT Statement to randomized trials of nonpharmacologic treatment: explanation and elaboration. Ann Intern Med.

2008:295-309.

193 Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s’intéresse également aux Médecines Complémentaires et Alternatives (CAM « Complementary and Alternative Medicine ») et a publié une série de guides techniques visant à améliorer la démarche évaluative de ces médecines54,55

L’ostéopathie est donc à l’aube de son évaluation et est confrontée au double problème de la quantité et de la qualité de ses publications. Ainsi, les méthodes de recherche et d'évaluation communément utilisées doivent être appliquées à l’ostéopathie, enseignées et utilisées afin de démontrer l’innocuité et les champs d’efficacité de la discipline. En contrepartie, les institutions scientifiques doivent ne pas faire obstacle à l'application et au développement des thérapeutiques non-médicamenteuses ; qu’elles soient conventionnelles ou non-conventionnelles.

.

Dans son commentaire sur le rapport, le Pr Joël Coste conclut à l’ « absence d’indication scientifiquement validée concernant l’ostéopathie » ; il conviendrait toutefois de rappeler qu’en recherche clinique, « l’absence de preuve ne prouve pas l’absence d’effet »56

La qualité des recherches est également liée à la qualité de l’enseignement, elle-même liée à la qualité des enseignants. Or, l’enseignement de l’ostéopathie en France est très hétérogène quantitativement et qualitativement comme le signalent l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)

. Dans le contexte où les essais cliniques, revues de littérature et méta-analyses concluent souvent à la mise en évidence d’un gain d’efficacité à l’ajout de l’ostéopathie aux prises en charges conventionnelles, il paraît désormais utile et nécessaire de mener des analyses médico-économiques (efficacité, bénéfice, coût-utilité) qui compareront les coûts aux efficacités cliniques des deux stratégies thérapeutiques.

57 dans un rapport sur l’enseignement de l’ostéopathie en France paru récemment, ainsi que les auteurs de l’unité INSERM en charge de ce travail. Il convient donc de souligner que si l’Organisation Mondiale de la Santé préconise 4465 heures de formation, les décrets d’application58

L’augmentation du niveau d’exigence de l’enseignement, ainsi que l’adossement de l’enseignement et de la recherche en ostéopathie aux institutions universitaires, aux structures hospitalo-universitaires et à des équipes labélisées de recherche apparait souhaitable. Cela permettra à la discipline de s’engager dans une démarche d’évaluation de l’efficacité et de l’innocuité de manière sérieuse et rigoureuse.

relatifs à l’enseignement de l’ostéopathie en France, n’obligent que 2660 heures de formation, niveau qui n’est pas en cohérence avec les compétences requises pour permettre de produire des recherches et permettre l’enseignement – compétences classiquement acquises au terme d’un cursus master au minimum.

Enfin, comme l’a montré Eisenberg59

54 Lignes directrices pour la recherche clinique concernant l'acupuncture, OMS, 2000,

, le recours à des thérapeutiques non-conventionnelles s’est répandu dans les pays industrialisés depuis une trentaine d’années. La récente mise en place d’autorités compétentes en matière de veille, d’évaluation et de recherche sur les thérapeutiques non-médicamenteuses dans de nombreux pays (département de médecine traditionnelle de l’OMS, le National Council for Complementary and Alternative Medicine (NCCAM) aux Etats-Unis, le Complementary and Natural Healthcare Council (CNHC) au Royaume-Uni, le National Information Center for Complementary and Alternative Medicine (NIFAB) en Norvège, le National Institute of Complementary Medicine (NICM) en Australie) constitue l’une des preuves de l’intérêt croissant que

55 Principes méthodologiques pour la recherche et l'évaluation relatives à la médecine traditionnelle, OMS, 2000

56 Pr Michel Cucherat, Service de biostatistiques, CHU de Lyon

57 Le dispositif de formation de l’ostéopathie, Michel Duraffourg, Michel Vernerey, IGAS, Avril 2010, RM 2010-030P

58 Loi du 4 mars 2002 (n°2002-303) relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins

59 Eisenberg DM et al. Trends in alternative medicine use in the United States, 1990–1997: results of a follow-up national survey. Journal of the American Medical Association, 1998, 280(18):1569–75.

194 portent les pays industrialisés aux thérapeutiques non-médicamenteuses par un accompagnement des institutions sur ces thématiques. Ces autorités, qui centralisent les compétences, permettent le dialogue avec les systèmes de soins conventionnels, l’observation, l’évaluation et la gestion des évènements indésirables ainsi que la coordination de la recherche.

Une telle structure serait utile en France où la popularité et l’offre de ces thérapeutiques sont devenues incontestables mais où il n’y a pas d’autorité permettant l’évaluation de la qualité et de la sécurité de ces soins – dont l’ostéopathie représente la majorité de l’offre en France –.

Thibault Dubois

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