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Elle devra cependant ne pas se laisser dépasser, car les paysans

nourrissent la terre qui nous nourrit et l'arbre à boîtes de conserves n'est

pas encore né.» [49]

La question agraire, pour les lycéens, fait partie intégrante des mutations de la France rurale mais, compte tenu de l'importance qu'ils lui accordent, cet aspect se devait d'être traité à part. Chacun est directement touché par cette question, souvent sans doute à travers l'histoire familiale, mais sans doute aussi parce que l'agriculture est l'élément structurateur des paysages. Suivant les régions, les préoccupations sont différentes : les jeunes Aquitains, touchés par les conséquences des accords du GATT sur le maïs, ne réagissent pas de la même manière que les jeunes de Crest ou du Haut-Languedoc pour qui le maintien de l'agriculture est plus un problème culturel qu'un enjeu purement économique.

Cette représentation importante de la question agraire mérite d'être soulignée en soi car on aurait pu s'attendre à ce que cette génération plutôt urbaine ait peu de préoccupations directement agricoles. Or, les jeunes sont souvent plus à l'aise pour proposer des voies de développement de l'agriculture que, nous l'avons vu, un développement industriel et tertiaire. Le sujet semble-t-il moins compliqué, notamment parce qu'une partie des activités agricoles est liée à l'espace de consommation national ? Paraît-il ménager une marge de manoeuvre économique ? En tout état de cause, la vieille culture rurale, dans laquelle la France est si fière de trouver son identité traditionnelle, fait encore partie du patrimoine culturel de la nouvelle génération.

De manière générale, les jeunes sont convaincus de la nécessité de sortir de la phase intensive qui a entraîné l'agriculture française depuis trente ans. Par exemple, en Bretagne, ils traitent abondamment du sujet : «La révolution agricole de 1950 à 1975 a profondément modifié la structure des exploitations agricoles et le mode de production des paysans bretons. Elle a permis un développement considérable de la production et relevé le revenu des producteurs. Mais, très vite, ce modèle agricole breton a montré ses limites. En effet, cette agriculture basée sur l'intensif (c'est-à-dire élevage hors sol, spécialisation, développement du machinisme...) a entraîné une surproduction. En 1984, la politique agricole commune instaure des quotas laitiers pour réduire les excédents... Un autre problème se pose : l'utilisation massive de produits chimiques, pour obtenir un rendement meilleur, aboutit à un désastre écologique.

«L'agriculteur breton, en l'an 2015, devra donc adopter plus de rigueur en ce qui concerne la fertilisation des sols, pour une campagne moins polluée... L'agriculture devra également se diversifier pour permettre aux agriculteurs d'exercer plusieurs activités telles que le tourisme ou l'accueil en milieu rural. De plus, l'emploi d'un autre vocabulaire tel que "technicien agricole"

ou "chef d'entreprise" pour ceux qui exercent les métiers agricoles permettra d'aboutir à une meilleure image de marque du salarié et du monde rural et d'attirer plus de jeunes vers des professions agricoles.

«D'ici l'an 2015, la Bretagne devra se redresser, aborder un virage à cent-quatre-vingt degrés et éviter la saturation sans débouchés des productions agricoles de masse peu rémunératrices, au profit d'un produit de qualité, un label breton. Elle devra vivre et compter avec l'Europe (PAC). Le nouveau modèle breton sera un modèle écologique, fondé surtout sur un capital d'eau abondante et pure, nécessaire à la qualité de la production. L'environnement sera respecté, la campagne moins polluée, les sites conservés.»

Pas très -éloignée, mais légèrement désabusée, une autre vision de la situation agricole : «Une extrême diversité caractérise la situation des exploitations agricoles, comme celle des paysans, dont le nombre diminue. Les terres vacantes et les arrivées de jeunes ne coïncident pas. On arrive à se demander s'il existe encore..., des cultivateurs en chair et en os dans leurs champs et derrière les silos, ou des éleveurs à côté des vaches allaitantes. Les jeunes qui ont acquis un bagage technique et économique croient encore à l'inusable métier de la culture du vieux paysan pour qui la page est déjà tournée.» [141] "

Ainsi, «pour la première fois en Bretagne, il y a trop de terre pour les agriculteurs. Depuis 1990, on remarque le dépeuplement de l'espace rural et le renforcement de la densité des zones urbaines... L'espace libéré peut servir pour débouchés non agro-alimentaires... en reboisant les terres laissées des agriculteurs, en développant les loisirs et le tourisme et l'implantation d'entreprises agro- industrielles.» I351 On revient à l'organisation de l'espace que nous avons vue précédemment.

"Seule, une agriculture de qualité"...

Le tournant agricole semble donc pris, «l'heure n'est plus à la production de masse» et bien que «des besoins planétaires demeurent insatisfaits, il semble plus raisonnable de miser sur une réorganisation d'une partie importante de la production agricole vers des aliments de qualité» C'est là un espoir car «autant la grande culture céréalière était devenue l'affaire d'hommes seuls régnant sur un parcs mécanisé, autant cette moyenne production de haute qualité devrait remodeler les paysages, dynamiser et dilater l'emploi». Notamment «dans le domaine des produits biologiques ou de qualité supérieure. Dans un cas comme dans l'autre, la production devrait alors baisser grandement en quantité mais la valeur, elle, augmenterait sensiblement.» On produirait donc donc

«des farines panifiables..., des aliments et des boissons de grande