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Devine qui est là ?!…

Dans le document Sens dessus dessous, Danièle Ludeau (Page 36-40)

Dès qu’il referme la porte, une boule vive et colorée se rue vers lui et lui saute dessus.

- Bonzour papa !

- Bonjour ma chérie. Comment va ma petite poupée d’amour ? lui demande-t-il en l’embrassant dans le cou.

- Arrête papa, tu me satouilles…

Il ne s’arrête pas pour autant, heureux d’entendre sa fille éclater de rire, la sentir se tordre de plaisir et embrasser cette peau si tendre qui sent encore le bébé. Puis il la regarde en souriant :

- Maman est là mon trésor ?

- Oui, elle est dans le salon avec une dame.

- Une dame copine ou une dame "prout-prout ma chère" ?

La gamine s’esclaffe puis redevient sérieuse et chuchote, son petit index posé sur le côté du nez :

- Une dame copine… mais moi ze l’aime pas.

- Ah bon ?… Et pourquoi tu ne l’aimes pas cette dame ? La petite réfléchit puis hausse les épaules :

- Ze sais pas… Elle me plaît pas.

Il la repose, desserre sa cravate, défait le premier bouton de sa chemise et se rend dans le salon, tenant sa fille par la main ; il y trouve sa femme qui effectivement discute avec une personne assise dans le canapé dont il ne voit que le dos.

Confortablement installée dans un fauteuil, Anne-Sophie a la tête tournée vers lui, le regardant s’approcher, et lui sourit :

- Voici donc mon mari. Sonia, je te présente Richard. Richard, je te présente Sonia, une ancienne camarade de lycée que je n’avais pas revue depuis bien des années.

- En fait, la dernière fois que nous nous sommes vues, rappelle-toi, c’était pour les résultats du bac. J’étais reçue et toi en rattrapage.

- Ce n’était pas nécessaire de le rappeler…

- Excuse-moi Anne-Sophie, je ne voulais pas être vexante.

Tout en parlant, Sonia s’est levée, elle se tourne vers lui, la main tendue, un sourire de circonstance sur les lèvres. Elle se tient prête à improviser, à feindre, à évoquer le pur hasard au cas où il la reconnaîtrait. Mais elle n’en a pas besoin : il est impérial dans sa réserve. Anne-Sophie ne s’est pas levée et elle ne remarque pas le petit temps d’arrêt que son mari a marqué avant de saluer Sonia et le regard mauvais qu’il lui lance. Non ! C’est pas vrai ! Qu’est-ce qu’elle fait

ici celle-là ?! Il se penche ensuite sur sa femme pour

l’embrasser. - Tu vas bien ?

- Très bien. Et toi, ta journée s’est bien passée ? - Pas trop mal dirons-nous. Tu as vu ton gynéco ?

Amusant ce petit numéro du mari attentif…

- Oui oui, tout va bien, ne te tracasse pas. Je te raconterai plus tard.

Et poliment, à l’intention de Sonia qui a été exclue de leur conversation :

- Nous avons eu une petite frayeur il y a quatre semaines. J’avais déjà des contractions et il a fallu que je m’allonge. Mais maintenant ça va. Je dois veiller à ne pas trop bouger mais ça va.

Elle s’adresse de nouveau à Richard :

- Sonia a eu la gentillesse de me rendre visite. Elle souhaite rassembler des informations concernant chaque élève de notre classe, dans le genre "avant après" pour que chacune explique ce qu’elle est devenue. Maintenant que tu es arrivé chéri, je vais aller chercher ma boîte de photos du temps du lycée. Je te laisse avec Sonia, vous ferez connaissance.

Et avant qu’il ait le temps de dire quoi que ce soit, elle s’extirpe pesamment de son fauteuil et s’en va.

- Tu viens avec moi ma puce pour m’aider à chercher ? - Non, ze reste avec papa.

Anne-Sophie n’insiste pas et sort du salon. Son mari se laisse tomber dans le fauteuil qu’elle a laissé vacant et prend sa fille sur ses genoux parce qu’il a toujours plaisir à la cajoler mais aussi pour faire diversion. Il bénit silencieusement Louise d’avoir refusé de suivre sa mère et de jouer ainsi les chaperons.

Sonia les regarde tour à tour :

- Elles sont toutes amoureuses de leur papa à cet âge-là… Et s’adressant à la petite fille :

- Je te comprends parfaitement tu sais : moi, j’aurais un papa comme le tien, je ne le lâcherai pas non plus !

Elle sourit à la gamine qui ne lui rend pas son sourire, elle sourit d’un air entendu au papa qui ne le lui rend pas davantage. Elle revient à Louise :

- Tu viens me faire un bisou ? J’ai une nièce de ton âge, adorable comme toi.

Louise se fiche bien d’être adorable. Elle fixe Sonia d’un air pas du tout avenant. Elle ne l’aime pas et le lui montre.

- Allez, viens me faire un bisou - petite pétasse - insiste Sonia en tendant une main pour essayer de lui attraper le bras.

Mais la petite a un mouvement de recul et balance son bras en arrière :

- NAN ! Moi ze t’aime pas !

Et elle dégringole des genoux de son père, tourne les talons pour s’enfuir de la pièce en courant. Même s’il a l’air contrarié de son départ, son père ne fait pas un geste pour la retenir et même pas mine de la gronder pour son incorrection ; implicitement il l’approuve. Sonia éclate de rire - Quelle

petite conne ! - et ne se départit pas de sa bonne humeur.

Rien apparemment ne peut la faire sortir de ses gonds. - Ils sont amusants à cet âge là non ? Si spontanés !

Il ne lui répond pas tout de suite et quand il le fait, c’est d’une voix incisive :

- Ma fille est très intuitive.

- C’est une qualité toute féminine.

Et sans lui le laisser de temps de chercher une réponse : - Alors, vous m’avez reconnue cette fois-ci ?

Dans le document Sens dessus dessous, Danièle Ludeau (Page 36-40)

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