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DEUXIEME PARTIE Les normes de l’excellence héritées, fabriquées et importées : le cumul « d’effets contextuels »

Atypique, exceptionnel, le lycée Henri-IV renvoie l’image d’une carte postale. Cette section va brosser le portrait de l’établissement en décrivant l’espace dans lequel il s’insère et son contexte. Mais très vite, nous allons dépasser la sociologie descriptive pour regarder au dos du tableau. Que recèle cette institution puissante une fois que l’on entre dans ses tréfonds ? Nous allons progressivement nous rapprocher des élèves et analyser de quelle manière ils s’adaptent à cette institution au point de « faire l’institution », au point de la seconder comme s’ils étaient propriétaires du lieu. On sait que « les situations vécues par l’ethnographe sont situées

dans des environnement spatiaux et temporels » (Payet, 2016, p. 212) ; c’est pourquoi toute

cette section du manuscrit va permettre de rendre compte des conditions sociales et locales dans lesquelles se déroulent les leçons d’EPS afin de saisir les premiers « déterminants épistémiques » (Amade-Escot et Brière-Guenoun, 2014) qui risque d’influencer le curriculum tel qu’il se co-construit dans la leçon d’EPS.

Premier chapitre : Les normes de l’excellence scolaire

« L’effet d’une loupe déformante62 ? »

1. L’excellence en héritage

Photographie 13. Le lycée Henri-IV de Paris. 1.1. La géographie de l’excellence

Les interprétations et résultats qui suivent sont le résultat de ma première semaine d’observation (du 6 au 10 octobre 2014) aux abords de l’établissement et à l’intérieur de

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celui-ci. Sortons de la station de métro Cardinal Lemoine pour nous approcher de cette cité scolaire avant d’y pénétrer.

Implanté dans le Vème arrondissement de Paris, au cœur du quartier latin, « H-IV », puisque c’est ainsi que ses usagers l’appellent, est un « lycée des beaux quartiers ». Cet arrondissement de l’ouest Parisien réunit en effet toutes les caractéristiques listées dans l’ouvrage des « Pinçons-Charlot » (2007) : les hauts immeubles de style Haussmannien situés sur les longs boulevards (rue Soufflot, rue Saint-Jacques, Place du Panthéon) et leurs balcons individuels, les rez-de-chaussée abritant des commerces (excepté pour les immeubles de grande bourgeoisie) ; l’allure élégante de certains passants, la façon qu’ils ont de s’habiller, leur manière de se tenir, de marcher, de se coiffer, tout ce qui constitue une partie de l’hexis corporelle en somme, cette « manifestation corporelle, incorporée de l’habitus » (Détrez, 2002, p. 163) ; le luxe des commerces : « les formes architecturales, les équipements urbains et commerciaux, l’allure des passants marquent socialement ces quartiers et en font l’un des facteurs importants de la socialisation adéquate des jeunes, tout en procurant aux familles

résidentes un cadre conforme à leurs attentes et à leurs modes de vie » (Pinçon et

Pinçon-Charlot, 2007, p. 53). On trouve en effet, si on arpente le quartier, sur les avenues mais aussi nichés dans les petites rues, des librairies spécialisées, des maisons d’édition, les sièges de grandes banques, des cinémas d’arts et d’essais. Je me suis rendue plusieurs fois dans le quartier pour décrire le contexte extra-scolaire du lycée, décrire tout ce qui l’entoure et qui le distingue des « établissements de la périphérie » (Van Zanten, 2001b) ; mais ce qui m’a frappée le plus lorsque je suis allée pour la première fois dans ce quartier le plus vieux de la ville, c’est la hauteur de ces immeubles et l’esthétisme de leurs façades, c’est la grandeur et la beauté des institutions et des monuments : la Mairie du Vème, le Panthéon, la Sorbonne, la fontaine Saint-Michel, la faculté de droit, le lycée Louis Le Grand, le Collège de France ; c’est le souvenir de l’histoire imprimé à chaque coin de rue : des plaques commémoratives indiquent aux passants que le compositeur, Maurice Duruflé et l’organiste Marie-Madeleine Duruflé ont vécu ici même, dans cet immeuble faisant face à l’Eglise Saint-Etienne-du-Mont ; ailleurs, une statue rappelle le souvenir de Pierre Corneille ; une autre plaque indique qu’Erasme de Rotterdam était pensionnaire dans ce qui fut le Collège de Montaigu érigé en 1314 en lieu et place de la bibliothèque Sainte-Geneviève.

En déambulant dans le quartier régulièrement lors de ma première semaine d’immersion, j’ai croisé chaque jour des touristes que je reconnaissais à leur « Nikon » suspendu autour du cou, au plan qu’ils tenaient dans les mains et à l’aide duquel ils essayaient de s’orienter. Souvent la même scène s’est jouée : un touriste asiatique déplie un trépied sur lequel il dispose son appareil photo, il règle la mise au point pour cadrer son amie avec en arrière-plan le Panthéon et les étudiants déjeunant assis par terre sur la place au nom éponyme. D’autres encore utilisent leur Smartphone pour immortaliser sur écran, les grands monuments du patrimoine français. J’ai vu le lycée lui-même photographié par des familles parties à la découverte de Paris ; je les ai vues s’approcher au plus près de l’établissement pour tenter d’en apercevoir l’intérieur. Je n’ai jamais vu personne s’arrêter devant les lycées dans lesquels j’ai enseigné pour en tirer quelques clichés.

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Photographie 14. La place du panthéon (Vème arrondissement de Paris).

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Photographie 16. La rue Soufflot du Vème arrondissement de Paris.

Au détour des rues Soufflot et Saint Jacques, j’ai entendu converser en français et en anglais mais aussi en allemand, espagnol et italien. J’ai vu des étudiants quitter la faculté de droit et se presser pour aller prendre une table dans un des bistrots les plus proches ou faire la queue à une vente de sandwichs à emporter, des groupes de collégiens avec leur enseignant descendre la rue Soufflot en s’exclamant face à la démesure des appartements de luxe. Tout en haut de cette rue interminable, afin de consigner toutes ces images dans mon journal de terrain, j’ai fait, à mon tour, un arrêt sur image. Je me suis tenue là, le dos tourné au Panthéon, face à la rue Soufflot, face aux restaurants et aux compagnies de banque et d’assurance des rez-de-chaussée : CIC, BNP Paribas, Caisse d’épargne. J’ai fait partie de ce fourmillement d’hommes et de femmes qui se croisent dans un des plus riches quartiers de Paris : étudiants en droit, en médecine, enseignants, touristes, collégiens, restaurateurs, banquiers, vendeurs et vendeuses de prêt à porter. Mon itinéraire a aussi croisé celui d’individus que je supposais être des habitants du quartier. Je n’ai jamais vu personne entrer ou sortir des appartements. Mais je soupçonnais ces promeneurs de résider dans le Vème arrondissement à la façon qu’ils avaient de se vêtir. En octobre, les dames étaient engoncées dans leur manteau de fourrure, elles avaient en général l’air d’avoir dépassé la soixantaine, elles étaient bien apprêtées : leur coiffure était recherchée, travaillée, elles y avaient mis du soin. Le rouge sur leurs lèvres marquait une attention particulière portée à leur image. Un petit foulard que je devinais être en soie, noué du cou. Leur sac à main était de marque. J’ai reconnu les « D » de plusieurs porte-clefs en or sur les fermetures éclair des sacs DIOR, les deux « C » entrelacés de la maison Chanel et les lettres « L » et « V » de la collection Louis Vuitton affubler ces accessoires de luxe. Ces femmes ne marchaient jamais d’un pas pressé mais avec délicatesse et élégance, parfois au bras d’un homme coiffé d’un chapeau assorti à un costume d’une couleur excentrique et qui attirait mon attention malgré moi. Un homme que j’ai croisé, était vêtu d’un complet jaune moutarde quand un autre portait avec élégance un pantalon d’un violet franc. Ces gens-là « sortaient » de ce cadre que je dépeins pour raconter l’extérieur de

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l’établissement, le tout-autour, ce qui participe au cadre de vie des lycéens ; je les ai nettement distingués par le luxe de leurs vêtements et leur allure plus gracieuse, plus chic que celle de n’importe quel autre passant. J’ai aussi croisé quelques acteurs français : Michel Vuillermoz assis à la terrasse d’un café, et Mélanie Doutey marchant près de sa fille et lui donnant son goûter. J’ai entre-aperçu aussi Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, à travers les vitres teintées d’une Berline noire.

Si on se réfère à la sociologie de Paris faite par les « Pinçon-charlot » (2008), on sait que les arrondissements sont « évocateurs d’un milieu social, de monuments et d’activités et qu’en ce

la ils représentent une symbolique sociale » et que « la répartition des catégories sociales

modestes dans l’espace parisien revêt la forme d’un croissant, allant du nord-ouest au

sud-est » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2008, p. 18). Quartiers riches et quartiers pauvres s’opposent

spatialement. De même que la rive droite représente le quartier des affaires (symbolisé par la présence de la Bourse des valeurs au nord) tandis que de l’autre côté du fleuve, la rive gauche symbolise la culture avec la présence de Universités (Sorbonne, Jussieu, Tolbiac, Grandes Ecoles, Sciences politiques, Ecole normale supérieure…). On va ainsi trouver dans le quartier du Vème arrondissement, de nombreux éléments qui le distinguent des arrondissements plus populaires de Paris. Le lycée Henri-IV se situe alors au cœur d’un espace qui s’apparente à une géographie de l’excellence.

1.2. La concentration du pouvoir, du savoir et de la culture

Le contexte extra-scolaire du lycée Henri-IV est tout à fait atypique puisqu’il est enraciné dans un des arrondissements les plus prestigieux de la capitale et riche d’histoire.

Si on s’intéresse à la géographie et à l’histoire du Vème arrondissement, aussi appelé « quartiers des écoles », on peut en effet constater la concentration des établissements liés à l’institution universitaire : collèges et vestiges de collèges, établissements religieux, facultés… Dans ses travaux, l’historien Christian Hottin (1999 ; 2011) montre comment l’espace universitaire parisien s’est enraciné à partir du Moyen-Âge sur la rive gauche de la Seine et sur les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève, et comment le territoire universitaire s’inscrit historiquement dans l’espace, se constituant comme un « espace de

transmission du savoir » (Hottin, 2011, p. 41). Le lycée Henri-IV fait partie du « studium », la

forme la plus élevée de l’enseignement, qui se serait déplacée au fil des siècles en s’implantant au sein des civilisations les plus brillantes : « parti d’Égypte, il est passé à Athènes, puis de là à Rome, et enfin à Paris, où il aurait été amené par Charlemagne »

(Jongkees, 1967 cité par Hottin, 2011, p. 41). Christian Hottin montre finalement bien les stratégies de localisation qu’ont développées le pouvoir politique et les divers établissements aux XIXe et XXe siècles pour constituer l’Université de Paris.

Le lycée Henri-IV est donc au cœur d’un espace universitaire construit historiquement et fait partie d’un territoire relevant d’une géographie parisienne spécifique. Il appartient à un espace de vie singulier (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2008) et se fond dans le « quartier des écoles » en étant l’une des pièces qui rend compte de la concentration du pouvoir, du savoir et de la culture sur la colline Sainte Geneviève (Hottin, 1999) un triptyque qui permet de laisser se

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dessiner les normes de l’excellence. Cette description spatiale de l’établissement nous renvoie aussi aux « effets de lieu » de Pierre Bourdieu (1993, p. 249 et 250). L’auteur énonce le postulat que « la position dominante ou dominée des groupes dans la société est confortée par des « effets de lieu » subordonnés à la qualité des structures et des dynamiques de l’espace

géographique ainsi qu’à ses représentations » (Sélimanovski et Veschambre, 2011, p. 2).

L’espace n’est plus isolé de l’organisation sociale et les espaces physique, symbolique et social se superposent.

Alors, si « l’espace et la société sont consubstantiels » (Sélimanovski et Veschambre, 2011, p. 2), il va falloir dresser la sociologie des élèves de l’établissement. Appartiennent-ils au même espace que celui dans lequel est implanté l’établissement ? L’élite scolaire est-elle une élite sociale ?

1.3. « Le lycée sur la Montagne » : un patrimoine historique et architectural

Si on fait le tour de la cité scolaire en l’observant du dehors, on voit bien que le lycée Henri-IV est « construit dans la pierre ». Son héritage historique est d’ailleurs ce qui caractérise les établissements de la capitale. Dans le cas de l’Île-de-France, un collectif de chercheurs (Rhein, Le Pape et Grosbras, 1999) a effectivement montré que « les établissements d’enseignement général se situent dans des espaces urbains centraux et socialement favorisés, d’autant plus réputés qu’ils sont anciens, tandis que les établissements polyvalents, techniques et professionnels, plus récents, sont implantés dans des espaces périphériques, de

composition plus populaire » (François et Poupeau, 2008, p. 94). Le lycée hérite donc de son

histoire, ce mélange de style architectural, entre art gothique et art roman, entre conservation d’espaces médiévaux et décors datant de l’époque baroque, lui conférant du charme et du cachet, en fait un certain esthétisme. Avant d’être cette cité scolaire du 23 rue Clovis, le lycée est une abbaye fondée en 502 par Clovis et Clothilde. C’est l’abbaye Sainte-Geneviève qui, au début du XIIème siècle, apparaît avec celle de Saint-Victor et avec les écoles du cloître de la Cité comme l’un des principaux foyers d’éducation : « Ces trois implantations délimitent

pour longtemps le territoire de l’institution enseignante » (Hottin, 2011, p. 3).

Sainte-Geneviève est une abbaye nullius, elle ne dépend de personne, échappe au pouvoir de l’évêque et ne relève que du pape pour les questions ecclésiastiques. De plus, son domaine s’étend loin sur le versant nord de la Montagne Sainte-Geneviève, presque jusqu’aux berges de la Seine (Tuilier,1994).

Parce que l’abbaye bénéficie d’une situation juridique et géographique particulière, dès le début du XIIème siècle, les maîtres et les étudiants vont venir s’établir sur le Petit Pont et dans les rues avoisinantes pour occuper ensuite les pentes de la colline. A ce propos, Christian Hottin écrit (2011, p. 4) : « Ce sont bientôt plus de vingt maîtres qui exercent leur magistère dans un espace compris entre le Petit Pont et la place Maubert. Le quartier acquiert alors

cette ambiance particulière de jeunesse et de dynamisme intellectuel ». C’est également au

XIIème siècle que d’importants chantiers de nature architecturale sont entrepris dans les grandes abbayes parisiennes que sont Sainte-Victor, Saint-Germain-des-Prés, Saint

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des-Champs et Sainte-Geneviève : chœur modifié, construction de voûtes d’ogives, triomphe de l’art gothique.

Déjà à l’origine, on voit que la Montagne Sainte-Geneviève est un terrain propice aux études et le lycée historiquement, un haut lieu d’enseignement. D’ailleurs des ouvrages consacrés à l’histoire du lycée et consultés sur place à la bibliothèque du second cycle, rendent compte du « rayonnement exceptionnel de Sainte Geneviève dans la vie intellectuelle et religieuse » à partir du XIIIème siècle, attirant en même temps « un certain noyau d’habitat ». Au fil de l’histoire, l’abbaye ne cesse d’entretenir une vraie proximité royale : elle bénéficie de la protection constante et renouvelée des Rois de France (Charles VI, Charles VII et François Ier) pour qui les chanoines (qui seront appelés les « génovéfains ») prient ainsi que pour le royaume. Philipe Auguste, lui, utilise l’abbaye comme lieu de sépulcre pour ses sergents royaux. Mais cette dernière est aussi le lieu où se tiennent les réunions publiques des gens du roi et des gens du pape. Au XVIIème siècle, Les Lumières amenant avec elle leurs réformes, l’abbaye n’en reste pas moins un lieu d’étude important si bien qu’au XVIIIème siècle, les écrivains utilisent la bibliothèque qui s’ouvre « au public de la capitale ». Puis à la Révolution, les chanoines sont chassés et leur bibliothèque est déclarée bien national en 1790. En même temps que la création d’un comité d’instruction public, l’abbaye est remplacée par un établissement d’enseignement pour devenir l’école Centrale du Panthéon (22 octobre 1796). C’est l’une des trois écoles Centrales alors instituées et la plus élitiste des trois puisqu’elle accueillait déjà les enfants de propriétaires, de négociants, d’individus exerçant des professions libérales63. C’est ensuite le 30 mars 1799 qu’un concours est institué pour toutes les écoles centrales afin que soient comparés les résultats des écoles malgré l’absence d’unité des programmes. Mais ces dernières ont une existence éphémère de 5 à 7 ans et sont supprimées par la loi du 1er mai 1802 créant les lycées. Après le coup d’état du 18 Brumaire, l’établissement est alors baptisé « lycée Napoléon » et doit répondre à un double objectif : rassurer la bourgeoisie attachée à la culture classique et former les esprits à la discipline et à l’obéissance. Le lycée Napoléon devient l’un des plus importants de France avec 62 % d’internes. Louis Philippe d’Orléans va y placer son fils avant même son accession au trône et la remise des prix a lieu devant « le gotha de la cour ». Avec des périodes de Restauration successives et avec le Gouvernement provisoire de 1848, l’établissement changera à plusieurs reprises de nom (lycée Henri-IV, lycée Napoléon, Collège Royal de Henri-IV, lycée Corneille), mais n’étant pas historienne de formation, nous n’entrerons pas davantage dans les détails historiques. C’est en tout cas en 1873 que le lycée est baptisé définitivement « lycée Henri-IV ».

Ce bref éclairage historique montre comment dès son origine, la cité scolaire Henri-IV était un haut lieu d’étude qui accueillait une certaine catégorie d’élèves issus des couches supérieures de la société. La royauté lui portait une attention particulière allant même jusqu’à y scolariser sa descendance. Les missions de ce lieu d’éducation réputé reposaient sur la formation des esprits, l’apprentissage de la discipline et de l’obéissance en même temps qu’il existait une mise en compétition entre les établissements de la capitale. Qu’en est-il

63 Ces données sont tirées d’un ouvrage édité par la mairie de Paris et consulté sur place, à la bibliothèque du second cycle du lycée : Le lycée Henri-IV aux éditions Gérard Klopp (1996).

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aujourd’hui ? En recrutant les élèves sur dossier scolaire, l’institution scolaire ouvre-t-elle les carrières aux talents en permettant à des élèves de « passer les frontières sociales » (Pasquali, 2014) ? Qui sont les élèves scolarisés au lycée Henri-IV ?

Par ailleurs, on sait que les dispositions spatiales et matérielles influencent de manière essentielle la perception qu’ont les collégiens des établissements. Dans les établissements étudiés par Dominque Paty (1981), les dégradations des collèges sont souvent « un exutoire à

l’hostilité envers le collège et les professeurs » (Paty, 1981 cité par Dufrasne, 1982, p. 75).

On peut imaginer à l’inverse, que « l’environnement interne » et externe du lycée, vont imposer le respect du lieu et prédisposer les élèves au travail, à une attitude, de contrôle de soi, sorte d’ascétisme juvénile (Darmon, 2010, p. 49), ce qui ne serait donc en rien contradictoire avec le lieu qu’était originellement le lycée.

Mais si le lycée hérite de normes renvoyant à l’excellence, l’institution fabrique aussi ses propres normes pour renforcer les dispositions des élèves à l’étude, à la discipline, au travail avec rigueur et méthode.

2. La fabrique des résultats scolaires

Ce que l’on connaît du lycée, ce sont aussi les résultats obtenus par les élèves de Terminale au baccalauréat chaque année et qui lui permettent de se classer sommet des « classements des

meilleurs lycées français ». Cette première dimension de l’excellence, relative à des

performances chiffrées renvoie à toutes les définitions à l’origine du concept d’élite et dont il a été question auparavant. Les élèves obtiennent les notes les plus élevées dans un domaine, en l’occurrence dans l’activité scolaire. Le haut niveau d’exigence est assumé et revendiqué par le Proviseur lui-même dans sa lettre de rentrée 2014 (Bulletin HIV, 2014) :

« Notre établissement s’attache à tirer les élèves vers le haut. Que nous demander d’autre sinon d’assumer de la manière la plus exigeante, notre mission de service public ? ».

« Il est bien évident qu’il n’est pas possible d’apprendre sans effort et que si l’école doit être

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