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6. PRÉSENTATION DES DONNÉES

6.2. Éléments de l’analyse

6.2.2. Deuxième partie

Cette partie présente les éléments qui diffèrent entre les témoignages en raison des activités distinctes des intervenantes. Pour les professionnelles en protection de l’enfance, on peut noter les différences dans la pratique, selon le statut parental de l’alcoolodépendant. Les professionnelles en addiction, quant à elles, ont la particularité de se focaliser sur la fonction parentale et sur les répercussions sur les enfants, et s’illustrent par la possibilité du groupe de parole pour enfants aux familles.

L’intervention des professionnelles diffère selon le statut légal du parent alcoolodépendant

Les intervenantes en protection de l’enfant précisent que leur intervention dépend de nombreux facteurs: si le parent alcoolodépendant travaille, est au chômage ou à l’aide sociale, si le parent alcoodépendant a l’autorité parentale et/ou a la garde des enfants, l’âge des enfants et leur autonomie et la consommation du parent.

« Si c’est le parent gardien qui a un gros problème d’alcool, l’intervention va être différente que si c’est le parent visiteur. Pour le parent visiteur on a d’autres moyens: visites sous surveillance, restriction du droit de visite à quelques heures ou à la journée, il y a une personne qui voit dans quel état il arrive et dans quel état il revient. On a plus de moyens pour eux. On va peut-être changer les modalités des visites et demander aussi des garanties en parallèle. Si le parent a la garde, il a la responsabilité des enfants et a les enfants la majorité du temps, on va plus vite se poser des questions. C’est aussi différent si les enfants ont quinze ans ou s’il y a un nourrisson de six mois dans la maison qui n’est pas du tout autonome. Et si la personne est au chômage ou à l’aide sociale, il y aura un réseau plus grand autour de la maman ou du papa. Donc on sera plus nombreux à réfléchir, on aura aussi peut-être plus d’informations. » (C)

« Ca dépend s’ils sont séparés, s’ils vivent sous le même toit, ça dépend de tout pleins de choses. Ca dépend aussi de comment agit le parent et de sa consommation. S’il souhaite changer les choses et ne plus consommer pour préserver ses enfants, ou s’il est dans le déni et ne va rien changer. » (D)

Ces témoignages démontrent que les professionnelles interviennent de manière différente dans chaque situation et qu’il n’existe donc pas une seule manière d’intervenir auprès des familles. Les professionnelles de la protection de l’enfant ont dû s’adapter aux caractéristiques familiales actuelles comme les familles monoparentales, où la garde peut être partagée et où l’autorité parentale peut être assumée par un seul parent. Une fois de plus, le réseau apparaît comme une source d’informations complémentaire et comme une aide. Un point supplémentaire ressort des discours. Il concerne la volonté et la capacité de changer du

parent dépendant. Les professionnelles travaillent avec le parent et en fonction de ce qu’il veut et peut changer. Dès lors, les situations varient aussi selon ces deux critères.

Le focus du professionnel sur la fonction parentale et les répercussions sur les enfants

Les intervenantes en addiction rapportent que les questions générales sur la famille et la fonction parentale sont abordées lors des premiers entretiens. Une intervenante explique systématiquement les potentielles répercussions sur les enfants. Dès lors, le sujet peut être approfondi selon le désir du parent alcoolodépendant. La seconde intervenante quant à elle parle des répercussions sur les enfants selon le stade dans lequel se trouve le parent et selon le problème qu’il amène à l’entretien. Elle relève également que le souci des répercussions sur les enfants est plus souvent amené par le/la conjoint. Selon elle, il se pourrait que le consommateur se focalise plus sur son problème d’alcool et sur son problème avec son/sa partenaire en raison de la pression que lui met celui-ci. Tandis que le/la partenaire serait plus apte à constater et à parler des répercussions sur sa famille.

Une intervenante décrit l’ordre chronologique de l’apparition des deux offres pour les enfants, à savoir le groupe de parole et l’aide individuelle. Dès 2010, lors de l’introduction du groupe de parole pour enfants, elle proposait cette nouvelle aide aux familles susceptibles d’intégrer leurs enfants au groupe. Cependant, en raison d’une trop grande distance entre le domicile des parents et le lieu du groupe de parole, les familles n’y adhéraient pas. C’est en ayant des discussions entre collègues et avec la direction que le désir de proposer aussi une aide individuelle aux enfants s’est manifestée durant l’été 2011. C’est à partir de là que l’intervenante a proposé ces deux offres. Jusqu’à présent, elle a proposé ces deux types d’aide à cinq familles. Sur les cinq situations, quatre enfants ont été suivis individuellement et une maman, n’ayant pas souhaité amener ses enfants, a bénéficié d’une aide sous forme de coaching parental. En effet, l’intervenante l’a convaincue en lui expliquant l’importance de parler du problème d’alcool de son mari avec ses enfants et de quelle manière elle pouvait s’y prendre. Pour les autres situations de parents alcoolodépendants, les parents n’ont pas souhaité approfondir le sujet, car l’aide ne s’y prêtait pas en raison de l’âge des enfants devenus adultes. La seconde intervenante n’a pas su donner un chiffre mais a précisé qu’elle avait rarement eu l’occasion d’approfondir ce sujet avec les parents alcoolodépendants.

« Lorsque je reçois un parent alcoolodépendant, je lui demande quel est son parcours de vie, s’il a des enfants et je demande tout de suite s’ils savent qu’il a un problème d’alcool et comment ça se passe à la maison. Et je lui explique qu’on peut recevoir aussi les enfants Je termine en disant qu’on sait que les enfants peuvent en souffrir, que les enfants comprennent ce qu’il se passe. »

Il ressort de ces témoignages une fluctuation entre les pratiques des différentes intervenantes en addiction. Celle-ci peut dépendre de plusieurs facteurs: la sensibilité du professionnel à cette problématique, l’expérience professionnelle avant Addiction Valais ainsi que l’expérience privée du professionnel. En effet, on peut poser l’hypothèse que la pratique des intervenantes pourrait différer si celles-ci ont travaillé auprès d’enfants, si elles se sont occupées de leurs frères et sœurs dans leur jeunesse, si elles sont mères de famille, si elles sont à l’aise avec les enfants, etc. Un dernier élément pourrait expliquer cette pratique différente, celui de l’approche utilisée par le professionnel dans ces situations. S’il s’agit d’une approche centrée principalement sur l’individu ou si elle s’étend aux proches de celui-ci. Nous constatons que le groupe de parole pour enfants de parents alcoolodépendants ainsi que le nouveau concept d’aide individuelle aux mineurs de parents dépendants tendent plutôt

vers une approche où les proches de l’alcoolodépendant sont aussi pris en compte dans les suivis, ou, du moins, ont désormais aussi le droit à une aide.

La fréquence à laquelle les professionnelles proposent le groupe de parole pour enfants auxfamilles

Un autre élément est à relever dans le discours des intervenantes en addiction: la fréquence à laquelle elles proposent aux familles le groupe de parole pour enfants. Les intervenantes proposent systématiquement le groupe de parole pour enfants aux parents. Une intervenante explique qu’elle a donc proposé l’année passée, le groupe de parole pour enfants à cinq familles. Sur les cinq familles, une seule a participé au groupe. L’intervenante justifie ce chiffre en expliquant l’exigence des nombreuses conditions pour la participation au groupe. La seconde intervenante a proposé le groupe de parole à cinq familles également et précise qu’aucune de ces familles n’a participé au groupe.

« L’année passée, j’ai proposé le groupe de parole pour enfants à deux parents consommateurs et trois proches. Sur les cinq, juste une seule famille a été au bout. Les autres familles, par exemple si je prends la situation d’un couple, un des parents n’était pas d’accord et comme il faut l’accord des deux parents, ça n’a pas abouti. Il faut un grand nombre de conditions. »

Ces discours démontrent que les professionnelles proposent systématiquement aux familles une aide pour leurs enfants par le biais du groupe de parole. Ils démontrent également un faible résultat pour l’adhésion au groupe. Plusieurs raisons peuvent être envisagées pour expliquer ces refus. Il peut être difficile pour les parents d’admettre que leurs enfants souffrent eux aussi de cette situation. De plus, la distance entre le domicile des familles et le lieu du groupe de parole pour enfants peut également décourager les parents. Enfin, il est souvent difficile d’obtenir l’approbation des deux parents pour l’admission de leurs enfants au groupe.

7. SYNTHÈSE