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I- L’Union des Artistes Modernes

Il y a un paradoxe du design. Il a conquis sa légitimité sociale et professionnelle mais son identité, ses méthodes ou ses objets font l’objet d’interrogations récurrentes. Quoique sous des formes différentes, ce paradoxe se retrouve chez l’Architecte et l’Ingénieur. Il peut être mieux éclairci à partir des recherches récentes qui, au delà des traditions professionnelles, développent des cadres analytiques et critiques spécifiques du travail de conception. Ainsi, dans le cas du Design, les analyses classiques en termes d’esthétique, de fonction ou de forme appréhendent mal les opérations d’expansion des objets propres à cet univers.175

Et sans doute, en effet, si cette période d’entre deux guerres se référant à la passion technologique et au sens d’innovation tout en s’appuyant sur la nostalgie du passé, l’avant-garde peine épisodiquement à s’imposer. C’est ainsi, par exemple, que la sécession officielle avec le salon des artistes décorateurs de 1929 que nait l’Union des Artistes Modernes (UAM), en rupture esthétique et philosophique avec l’art déco et poursuivant les tendances avant-gardistes européennes du nouveau siècle. L’UAM regroupe « quelques artistes et artisans désireux de doter l’homme du XXème siècle d’un cadre raisonnable, c'est-à-dire capable de donner satisfaction à toutes les exigences matérielles et intellectuelles imposées par la conjoncture. »176 : a affirmé clairement Francis Jourdain. Il s’agit d’une grande famille de la modernité qui s`identifie peu a peu : c’est un regroupant du Bauhaus, De Stijl et des artistes scandinaves comme Alvar Aalto, Bruno Mathsson ou encore Wilhem Kage. D’ailleurs, John Monnet affirme que : « Les salons sont l’occasion pour tous d’échanger, de puiser les inspirations et de faire avancer le design. » La créativité et, surtout la théorisation de la discipline, est alors en plein essor. Tiré d’un livre de Henry Russel Hitchcock intitulé « The international Style : Architecture since 1922 » et écrit à l’occasion de la première exposition internationale d’architecture moderne organisée en 1932 au musée d’art moderne de New York, le terme de « style

175 Armand Hatchuel. (2006). Quelle analytique de la conception ? » Parure et pointe en Design. « Le Design. Essais sur des théories et des pratiques. (F. B. (dir.), Ed.) Institut Français de la Mode.

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international » fait son apparition. »177 Et sans doute, en effet, John Monnet a expliqué que ce style s`est identifié par l’utilisation de formes rectilignes et souvent asymétriques, de surfaces plates et nues, percées de fenêtres en bandes horizontales dans des armatures métalliques, le tout sur fond d’utilisation massive du béton. « Le Corbusier, Gropius ou encore Mies Van Der Rohe et son célèbre « Less is more » seront les grands investigateurs de cette tendance»178, a ajouté John Monnet.

A- Alvar Aalto (1898- 1976)

Alvar Aalto est un architecte finlandais, dont l’œuvre se base essentiellement sur un style néoclassique. Pendant l'année 1924, il a réalisé l'aménagement de différents locaux finlandais, ceci avant de remporter un concours organisé par la société finlandaise des arts décoratifs. En 1927, Aalto s'installe à Turku (Finlande). Il a alors bondonné le style néoclassique pour un autre style, le style international, et c’est une suite à la fondation du Bauhaus en 1919.

La première conception de chaise d’Alvar Aalto est une chaise empilable, alliant le bois massif et le contreplaquée courbé, par assemblage manuel : il s’agit d’un travail harmonieux et simple, cet architecte designer a pu donner au bois des formes nouvelles, par ses expérimentations techniques, en passant par la fabrication en série, et en produisant un prototype monté sur un piétement en tube d'acier.

177 John Monnet. (2008-2009). Le rôle du Design dans la perception de marque. (M. Marketting, & IDRAC, Eds.) Lyon, p. 24.

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Figure 80 : Le musée de Alvar Aalto179

En 1932, il a mis au point le fameux « pied Aalto », puis il a réalisé de nombreux et différents sièges confortables, adaptables au goût du consommateur. Il utilise ainsi dans ses travaux des matériaux naturels, des formes qui sont ergonomiques, tout en gardant la simplicité et la rigueur. En 1938, il a participé à une exposition individuelle à New York, et s'installe définitivement aux Etats Unis en 1940, afin de donner des conférences sur la reconstruction en Finlande son pays d'origine.

179 Le musée Alvar Aalto est situé sur une pente qui descend vers le lac Jyväsjärvi. La conception du bâtiment du musée par Alvar Aalto a été achevée en 1973. Le bâtiment, ainsi que celui du Musée de la Finlande centrale (Alvar Aalto 1961), forme un centre culturel à proximité de l'université de Jyväskylä (Alvar Aalto 1951-1971). : in http://www.alvaraalto.fi/aaltomuseum.htm.

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Figure 81 : Petrou chaise réalisée par Aalto.180

Figure 82 : Artek : Chaise réalisée par Aalto.181

180 Figure récupérée sur http://www.alvaraalto.fi/aaltomuseum.htm.

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Figure 83 : L'opéra Aalto-Theater à Essen, en Allemagne.

Figure 84 : Maison d’Helsinki Aalto.

En un mot, la société occidentale était en face de considérables mutations esthétiques en s’alliant parallèlement à la production industrielle grandissante et très avancée ; ceci est suggéré dans l’industrialisation qui se confirme conjointement avec le niveau de vie qui s’améliore. John MONNET dans le chapitre « La laideur se vend mal » a rappelé que dans les années 1930, Raymond LOEWI qui a écrit la laideur se vend mal et a proposé de donner une valeur esthétique et symbolique forte aux objets manufacturés, en ajoutant qu’il est très vite suivi par Donald Deskey, Henry Dreyfuss, Norman Bel Geddes ou encore Walter Norwin Teague. Déjà, les premières grandes agences « d’esthétique industrielle » voient le jour. A ce propos, John Monnet a dit : « Elles proposent au grand public des objets quotidiens inspirés des formes aérodynamiques des dernières merveilles technologiques de l’époque. Le mouvement prend le nom de « streamline », littéralement « cours du

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ruisseau » en français. De nombreux objets aux lignes fluides et à l’ergonomie étudiée sont conçus à cette époque et deviendront des références. La créativité américaine s’affirme et devient une référence, notamment grâce à l’exposition universelle de New-York de 1939, sur le thème « le monde de demain. »182

B- Jacques Viénot (1893-1959)

Jacques Viénot est un designer français. Il fut l'une des grandes figures du mouvement de l'esthétique industrielle et a fondé en 1950 l’Institut d’esthétique industrielle qui se donne pour mission une action directe sur l’amélioration de la qualité visuelle des produits. Par là même, il a publié la charte de l’Esthétique industrielle et a crée le magazine du même nom, il est en France, le fondateur de l’esthétique industrielle. On rappellera aussi qu’il aurait contribué à maintenir le design industriel dans le giron des Beaux-arts ou de la philosophie. « Il contribue ainsi à amorcer une démocratisation de la profession de designer. Roger TALLON intègre Technès en 1953 et donne une nouvelle impulsion au design. Il travaille pour le compte de nombreuses marques, nationales et internationales, tous secteurs industriels confondus. Il donne les premiers cours de «design » en 1957 à l’Ecole des Arts Appliquées de Paris et créera quelques années plus tard une formation « design ». La démarche « design » ainsi que son processus se théorise, en France, comme à l’international. »183, a expliquéJohn Monnet.

182 John Monnet. (2008-2009). Le rôle du Design dans la perception de marque. (M. Marketting, & IDRAC, Eds.) Lyon, p. 25.

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opposition corporative entre ingénieurs et designers. La « fonction » serait relative aux aspects utilitaires ou aux nécessités techniques de l’objet, et s’opposerait aux aspects esthétiques qui ne seraient pas « fonctionnels ». Une telle distinction ne résiste pas à l’examen. Il y a nécessairement un fonctionnement esthétique de l’objet, dès lors qu’existe une pensée ou une intention esthétique. Ce constat s’impose de lui-même dés lors que les valeurs esthétiques d’un objet doivent être converties en nécessités techniques ou en logiques d’usage. Prenons l’exemple d’un coloris dont on attend qu’il exprime des émotions particulières. »184 Nous invitons à fixer l'attention dans le developpement de Dieter Rams de nombreux produits à succès et son influence sur toute une génération de designer jusqu’à Jonathan IVE, actuel designer de Apple. « Avec un style épuré, fonctionnel et moins en courbe que le design organique, Dieter Rams développe une véritable méthodologie et amorce le virage des années soixante-dix. Il prône une collaboration étroite entre techniciens, designers, commerciaux. »185

D-Joe Colombo (1930 – 1971)

Joe Colombo était l’une des éminentes personnalités du design italien des années 1960. Elle a marqué son époque par ses projets novateurs, voire futuristes, liés particulièrement à l’expérimentation sur les nouveaux matériaux comme le polyester renforcé, la fibre de verre ou encore le polyuréthane expansé. Dans cette perspective, on peut dire qu’il se servit de ces matériaux pour concevoir toute une série d’objets, tels que meubles et luminaires. Certes, Joe Colombo a mené conjointement ses recherches scientifiques et artistiques, la finesse des formes qu’il concevait découlait le plus souvent de l’évolution conceptuelle d’une idée inspirée par le matériau lui-même. Il suffira pour le moment de rappeler que Joe Colombo estime que le terme de « meubles » devait être pris au pied de la lettre : ce devait être des

184 Armand Hatchuel. (2006). Quelle analytique de la conception ? » Parure et pointe en Design. « Le Design. Essais sur des théories et des pratiques. (F. B. (dir.), Ed.) Institut Français de la Mode.

185 John Monnet. (2008-2009). Le rôle du Design dans la perception de marque. (M. Marketting, & IDRAC, Eds.) Lyon, p. 26.

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objets nomades, transformables et avant tout fonctionnels. Armand Hatchuel a insisté dans son chapitre Des partitions expansives : les opérations du design à ce que « la notion de partition expansive décrit le mécanisme général de formation d’un objet inconnu mais reconnaissable. Encore doit-on examiner les opérations qui permettent de produire les partitions expansives susceptibles de convaincre de leur originalité ou de séduire par leur valeur. En reprenant la notion d’identité de l’objet, deux opérations et deux seulement s’offrent alors à nous : -Le nouvel objet conserve son identité mais se distingue par un nouveau régime de valeurs : nous montrerons que le travail de conception relève alors d’une opération de parure. - Le nouvel objet présente une identité questionnée, incertaine ou mise en danger mais sans être défaite : nous montrerons que le travail de conception relève alors d’une opération de pointe.186

E- Gérard Caron

Gérard Caron est un designer français et cofondateur de Carré Noir, la toute première agence de design-marketing française, ce qui fait de lui l'un des inventeurs du design des marques en France. Il a également contribué au développement du design marketing français au Japon et un peu partout dans le monde. Gérard Caron est l'auteur de nombreux ouvrages sur le métier du design, d'un site internet dédié au design et anime régulièrement des conférences dans ce même domaine. Il a fondé le site Admirable Design, revient sur l’évolution de ce marché depuis la création de Carré Noir. Carré Noir a été fondée en 1973. Ce fut le début d’un certain style d’agences de grande taille qui ont associé le design au marketing.

F- Le groupe Memphis

Memphis est connu de tous pour être une grande ville portuaire

186 Armand Hatchuel. (2006). Quelle analytique de la conception ? » Parure et pointe en Design. « Le Design. Essais sur des théories et des pratiques. (F. B. (dir.), Ed.) Institut Français de la Mode, p. 26.

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située sur le fleuve Mississippi aux États-Unis. Mais, sur la planète design, Memphis se rapporte à toute autre chose. Il s'agit d'un mouvement avant-gardiste de design et c'est à lui et non pas à la ville de Memphis qu'a souhaité rendre hommage la Galerie parisienne Azzedine Alaïa. Le groupe Memphis en quelques mots a été fondé en 1981 par Ettore Sottsass et regroupait de jeunes créateurs, designers et architectes originaires des quatre coins du monde, parmi lesquels Michele De Lucchi, Matteo Thun, Aldo Cibic, Marco Zanini ou encore Martine Bedin. Un travail principalement axé sur la forme de l'objet et qui a abouti à des créations résolument originales, mélanges incongrus de formes, de couleurs primaires et de matériaux.

Figure 86: Chambre de séjour conçûe par Memphis Milano

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II- Projets de designers contemporains

Notre but est de désigner et de dégager un rapport ou une interconnexion entre l'art, l'architecture et le design, dont l'objectif est d'établir une continuité entre l'intérieur et l'extérieur. Alors, nous avons essayé d'analyser quelques œuvres du design réalisées par des architectes et des artistes contemporains célèbres dans le monde entier. Architectes et artistes ont travaillé dans le domaine du design que ce soient design mobilier ou design intérieur tels que Rem Koolhaas, Olafur Eliasson, Jean Nouvel, etc. Armand Hatchuel, pointait un territoire en commun entre les architectes, ingénieurs et designers : selon lui c’est le phylum intellectuel commun. En somme, non seulement le design comme ce qui est conçu du passé et est configuré par l'histoire et comme ce qui instaure une nouvelle vision, mais avant tout le design comme ce qui compte, ce qui réfère et participe à l`actualité et formate des modes de vies et des rapports singuliers (culture, habitat, nature, etc.). Intellectuellement, cependant, cette histoire commence avec Vitruve187 et les premiers traités d’architecture pour s’étendre ensuite avec la naissance des ingénieurs à la fin de la Renaissance. L’approche historique était pointée par Armand Hatchuel qui affirme que cette histoire se poursuit toujours notamment avec le développement des mathématiques de la décision et l’intensification récente des recherches sur les raisonnements de conception. Il a expliqué ses idées comme suit : « Pour comprendre les designers, il faut donc revenir au phylum commun dont sont aussi issus leurs cousins architectes et ingénieurs. D’ailleurs, architectes et ingénieurs ont eux aussi connu des difficultés à se définir. Les uns et les autres ont dû maintes fois s’expliquer sur le périmètre toujours ouvert des objets qu’ils conçoivent et des connaissances qu’ils doivent mobiliser. Car, contrairement à

187 Vitruve a fait montrer de tout son talent. En effet, son ouvrage demeure une référence incontestable à travers les âges en matière d’architecture et de construction. Les préceptes et théories énoncés sont encore repris et appliqués de nos jours. Ainsi, ses commentaires techniques donnèrent lieu à autant d’ouvrages critiques. La bibliographie vitruvienne est donc proportionnelle à sa renommée : notoire. Toutefois, les études réalisées s’avèrent, pour la plupart, partielles. Admirant le génie de l’architecte, qui doit être, selon Vitruve, le lecteur en vient à oublier l’écrivain, l’homme de lettres. Dans son traité, l’art devient accessible, sans pour autant perdre de sa technicité. Et, ce sont là les qualités de l’orateur de savoir engendrer et adapter sa matière au lecteur, sans la trahir pour autant : in Vitruve, Claude Perrault (traduction 1763), revue et corrigée sur les textes latins et presentée par André Dalmas, Les dix livres d’architecture. (Balland, Éd.), Paris, p. 141-157.

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l’artisan de la tradition, un designer, un architecte ou un ingénieur ne peuvent expliquer leur métier ni par l’objet final ni par la matière travaillée. Des architectes peuvent dessiner des bâtiments aussi bien que des bateaux, des ingénieurs peuvent imaginer des moteurs ou des vêtements, et il en va de même pour les designers. Quant aux matières utilisées, chacun peut varier celles-ci selon la situation et son expérience. »188

Armand Hatchuel qui est professeur à l’Ecole des Mines de Paris, où il a créé en 1994, avec plusieurs collègues, l’option « Ingénierie de la conception» pense que les architectes, les ingénieurs et les designers partagent aussi d’être des « concepteurs » revendiquant pour leur travail, comme le faisait Vitruve, la « démonstration que l’on donne par le raisonnement soutenu de la science » : il ne s`agit pas de la « science » telle que nous l’entendons aujourd’hui, mais tout savoir suffisamment construit pour que le raisonnement du concepteur puisse y prendre appui. Toutefois, l'explication d’Armand Hatchuel se réfère à la théorie Vitruve en ajoutant qu’il s’agit d’un raisonnement dont la spécificité consiste à bien respecter « l’ordonnance, la disposition, l’eurythmie, la proportion, la convenance, et la distribution ou économie » de la « chose » que l’on entreprend de créer. Il a écrit : « Le concepteur possède donc cette capacité originale de pouvoir, à l’aide de langages universels, penser la genèse d’une chose singulière et nouvelle. Contrairement à l’Artiste qui ne se réclame de rien et ne justifie son travail, le plus souvent que par la seule réception qui en est faite, un concepteur développe un « raisonnement de conception » (Hatchuel et Weil 2001) et s’expose par là au débat et à la critique, avant même que l’œuvre ne soit achevée et reçue. L’architecte présente des plans et des maquettes, l’ingénieur exhibe ses calculs et ses essais, le designer offre ses esquisses à l’exégèse de ses partenaires. »189

188 Armand Hatchuel. (2006). Quelle analytique de la conception ? » Parure et pointe en Design. « Le Design. Essais sur des théories et des pratiques. (F. B. (dir.), Ed.) Institut Français de la Mode, p. 2.

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A- Rem Koolhaas : l’architecture et le design vers une

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