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Dans ce document, nous définissons le bassin du lac Tchad comme étant la région géographique autour du lac Tchad situé à la frontière sud du désert du Sahara repartie entre le nord du Cameroun, le nord du Nigeria, le nord Bénin, le Tchad et le Niger. Les principaux royaumes qui s’y trouvaient avant la colonisation étaient : l’empire du Kanem Bornou (7eme-8eme siècle) peuplé surtout de Kanuri, les Etats Hausa (11eme-12eme siècle) et l’empire Songhay (vers le 9eme sicle)9, qui n’ont pas toujours entretenu des relations de bon voisinage.

Nous entendons par groupe ethnolinguistique une communauté de personnes présentant des traits spécifiques relatifs aux langues, aux traditions, à l’imaginaire collectif, aux croyances comparativement à d’autres communautés.

1-Généralités sur le bassin du Lac Tchad

Le bassin du lac Tchad est le plus vaste bassin endoréique10 du monde représentant 8 % du continent Africain (CBLT, 2015).

Il a surtout attiré l’attention de la communauté internationale après les sécheresses sévères des années 1972-73 et 1984.

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Les dates indiquées sont à titre indicatifs, elles sont issues du livre de Hogben & Kirk-Greene (1966) et de l’encyclopédie en ligne universalis (http://www.universalis.fr/, consulté le 2 Mai 2016) . Les dates peuvent varier selon les documents, toujours est-il que lors de la colonisation, ces royaumes étaient tous présents.

10 Bassin topographique d’alimentation du lac regroupant l'Algérie, le Cameroun, le Niger, le Nigeria, la

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Les climats du nord et du sud du lac sont très différents. Par exemple, N'Guigmi est une ville de l’est du Niger, très proche du désert, avec des dunes de sable nu, sauf pendant la saison des pluies (figure 8). Dans le sud, les bords du fleuve Chari étaient couverts, jusqu’aux années 1950, d'une forêt dense similaire aux forêts guinéennes (Olivry et al., 1996).

Sa position géographique11 ainsi que sa géographie humaine qui connaît des remaniements fréquents en raison des déplacements des hommes12 font de cette zone une région particulièrement adaptée à l’étude des relations entre dynamique de l’agro-biodiversité et diversité socioculturelle13.

Figure 6: le lac Tchad et ses environs

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Par exemple en 1954, les précipitations annuelles sur le lac étaient de 565 millimètres 30 ans après en 1984 il n’a plu que 94 millimètres.

12 Ces déplacements sont surtout liés aux guerres, aux échanges commerciaux, aux mariages entre ethnies

différentes, aux sécheresses qui provoquent des déplacements vers des zones plus hospitalières, aux frontières coloniales qui favorisent plus des circulations intra pays.

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Cette région fait aussi partie des zones supposées de domestication et ou de diversification secondaire du mil et du sorgho, deux cultures vivrières qui, avec l‘élevage, constituent les principaux moyens de subsistance des populations rurales.

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1-1 le lac Tchad

Pour de nombreux auteurs, le lac Tchad serait ce qui reste d'une « mer paléo tchadienne » (Olivry et al.,1996). C’est le quatrième lac africain (environ 7 m de profondeur) après les lacs Victoria, Tanganika et Nyassa. Coincé entre le Sahara et l'Afrique tropicale humide, il présente un écosystème spectaculaire (faune, flore) dans un environnement caractérisé par l’aridité.

Son approvisionnement en eau dépend essentiellement des fleuves Chari et du Logone qui prennent leur source au Cameroun et en République Centrafricaine, respectivement.

Ces fleuves fournissent environ 95% des eaux du Lac Tchad. Les 5% restant proviennent de la Komadougou Yobé et des précipitations. Les processus déclenchés par les changements pluviométriques (précipitations très déficitaires) combinés aux activités anthropiques notamment d’irrigation et de construction des barrages, ont eu une conséquence dramatique sur le lac qui a vu sa superficie passée de 25 000 km² en 1973, à moins de 1500 km² dans les années 1990 et sans doutes moins aujourd’hui (Coe & Foley, 2001;CBLT, 2016).

C’est dans ce contexte que la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT)14

prévoit la construction de pipelines devant permettre de réhabiliter le lac en transférant les eaux du fleuve Oubangui.

Il est important de noter que le retrait du lac n’a pas eu que des effets néfastes puisqu’il a fait place à des terres fertiles favorisant d’importants mouvements humains en dépit des frontières héritées de la colonisation. Par exemple depuis les années 90, plus de 30 villages ont été créés par des Nigérians dans la partie camerounaise du lac15 et plusieurs populations du sud tchadien se sont déplacées vers le nord afin de cultiver les terres fertiles libérées par les eaux, sans compter le déplacement des populations nomades en quête de pâturage (CBLT, 2016 )16

1-2 Caractéristiques écologiques

La production agricole de cette région dont les populations rurales sont fortement tributaires, est basée sur des agrosystèmes extensifs de subsistance, essentiellement dépendants de la

14 Instituée au lendemain des indépendances (en 1962)

15 Cette situation crée des conflits institutionnels très actuels entre les pays frontaliers en particulier le Nigeria et

le Cameroun

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pluviométrie. Cette dernière est surtout caractérisée par une forte variabilité et imprévisibilité spatio-temporelle des précipitations.

Le climat, globalement, est de type tropical. Il présente une forte amplitude thermique et peut être subdivisé en une zone saharienne (entre 200 et 400 mm de précipitations annuelles), une zone sahélo-saharienne (entre 200 et 400 mm), une zone sahélo-soudanienne (entre 400 et 600 mm), et une zone soudano guinéenne (entre 600 et 900 mm, voire plus UICN, 201617).

Cependant cette classification ne peut être qu’indicative. En effet, la distribution fluctuante des pluies utiles est concentrée dans un intervalle de temps très court entre juin et septembre, avec de faibles précipitations et des sécheresses intra-saisonnières (longues périodes sèches pendant la saison des pluies) fréquentes, rendant complexe la gestion des ressources naturelles telles que l’eau et les pâturages, et imposant de fortes contraintes hydriques aux cultures. En plus de la pluviométrie capricieuse qui lessive les sols, la faible productivité des cultures est également amputable aux sols très pauvres, aux inondations, aux ravageurs et aux maladies.

Sur le plan pédologique, les sols varient parfois fortement au sein d’un même village. On note cependant une prépondérance de formations alluvionnaires avec par endroits des argiles fines, des sables argileux, des sables dunaires (UICN, 2016).

Sur le plan floristique la région comprend des savanes (boisées, arbustives et herbeuses), des steppes et le désert (Kindler et al., 1989).

L’environnement peu propice pour les cultures fait de cette région l’une des plus pauvres du monde. Au regard de l’indice du développement humain (IDH), les pays de la région sont en effet parmi les plus pauvres du monde. En 2015, le Bénin, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad occupaient respectivement les 166e, 153e, 188e, 152e et 185e rangs sur les 188 pays représentés dans l’indice de développement humain (IDH) dressé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD, 2016)18. Dans cette région, les groupes humains ont depuis toujours fait face à une variabilité climatique et ont développé au fil du temps des stratégies d'adaptation pour y faire face. Cependant, l’impact des changements climatique sur les systèmes socio-écologiques19 de la région est largement méconnu (Tschakert, 2007).

17 https://portals.iucn.org/library/efiles/html/EPLP-072/section5.html consulté le 30/04/2016

18 http://hdr.undp.org/en/composite/HDI , consulté le 2 Mai 2016.

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correspondent à des systèmes intégrés couplant les sociétés et la nature, l’homme étant une composante active

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1-3 Caractéristiques ethniques et flux culturels

Situé entre des pays francophones (Niger, Tchad, Cameroun, nord Bénin) et un état anglophone (Nigeria) avec aujourd’hui trois zones monétaires distinctes (CEMAC, UEMOA, Nigeria), cette région enclavée qui est sans doute l’un des berceaux de l’humanité20

est le point de convergence des trois principales phyla de langues Africaines (Nilo-sahariennes, Afro-asiatiques, Niger-Congo). Cela se traduit notamment par une forte diversité socioculturelle ayant plus ou moins subi des influences culturelles arabo-musulmanes et occidentales21. Cette région connaît également une croissance démographique importante22. La densité des populations a fortement augmenté ces dernières décennies. Les tensions se sont exacerbées entre agriculteurs et éleveurs, dont les parcours de transhumance sont investis par les cultures de décrues (Luntumbue, 2014). Cette situation a pour conséquence des crises à la fois géoéconomiques (contrôle du flux commercial en particulier du poisson) et géopolitiques (contrôle des migrations et de l’intégrité territoriale) entre les pays frontaliers. Pour comprendre cette situation, il est important de faire un petit rappel de l’histoire même du peuplement de la région.

La lutte pour le contrôle du lac et des circuits économiques qui s’y rattachent23 a depuis toujours été l’objet de conflits entre populations. Les mouvements des populations24

ont varié au gré des rapports de forces et n’ont jamais tenu compte des frontières linéaires qui

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Michel et ses collaborateurs ont découvert en 2002 dans le nord Tchad un hominidé « toumai » qu’ils ont décrit comme proche de l’ancêtre commun des humains et des chimpanzé avec une divergence plus ancienne que

ne le proposaient les phylogénies moléculaires (Brunet et al., 2002)

21 C’est le cas par exemple du mot portugais cuharra (cuillères) d’origine latine qui a été modifié en sokali ou

cookali en langue peuhl, cokali en langue hausa et probablement dans d’autres langues ; le « jihad » de Ousman dan Fodio dans les Etats Hausas

22 La population sahélienne est passé de 16 millions dans les années 50 à 85 millions d’habitants en 2010

(données de UNPP, révision de 2010 : http://esa.un.org/unpd/wpp/index.htm )

23 On peut citer entre autres le commerce transsaharien qui a toujours constitué le fondement même de

l’économie politique des royaumes du soudan central, le pèlerinage à La Mecque par voies terrestres ayant permis la diffusion de certains produits végétaux comme la noix de cola

24 Il est intéressant de noter au passage que selon certains auteurs, certains groupes ethniques dérivent du

métissage entre d'autres groupes ethniques ; c’est le cas des Bilala issu du métissage entre les kanembus et les Arabes autochtones selon pomerol. Par ailleurs il y a intercompréhension entre le kanembu et le kanuri

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n’existaient pas en Afrique précoloniale comme l’ont souligné plusieurs limologues25

(Halirou, 2012).

A partir du XXème siècle, les échanges et les communications seront profondément bouleversés. En effet, les colons à travers la conférence de Berlin (1884-1885) vont délimiter des frontières fixes sur la base des latitudes et des longitudes méconnues des populations qui encore aujourd’hui se déplacent en fonction des mouvements d’expansion ou de rétraction du lac.

25 Du radical « limes », la limologie est un concept développé par les géographes Paul Guichonnet et Claude

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III-MODELE BIOLOGIQUE: LE MIL

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