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4.2 Théorie des champs neuronaux continus

4.2.1 Description

Les champs neuronaux dynamiques (Dynamic Neural Fields en anglais) relèvent d’un paradigme mathématique visant l’étude de l’activité corticale. Les modèles de champs neuronaux permettent l’émer-gence de différentes dynamiques (voir [Beurle, 1956,Griffith, 1963,Griffith, 1965,Wilson and Cowan, 1973]

4.2. Théorie des champs neuronaux continus 69 par exemple). Dans ce manuscrit, nous nous intéressons plus particulièrement à la CNFT [Amari, 1977], acronyme de Continuum Neural Field Theory ou littéralement théorie des champs neuronaux continus, dont la dynamique est intéressante par rapport à notre problématique. Cette théorie considère l’activité u d’un champ de neurones C organisé suivant sur un espace topologique continu M et soumis à une excitation extérieure i. L’évolution de l’activité u est donnée par l’équation différentielle suivante :

∂u(x, t) ∂t = −u(x, t) | {z } terme de fuite + f Z M w(x − x)u(x, t)dx  | {z } terme latéral + i(x, t) | {z } terme afférent +h (4.2)

avec u(x, t) l’activité du champ au point x et au temps t, w une fonction définissant les poids de la connectivité latérale, h le potentiel de repos du champ et f une fonction de gain qui est généralement choisie comme une fonction sigmoïde ou linéaire.

Le champ est excité par le terme afférent et le terme de fuite fait en sorte de réduire son activité afin que cette dernière tende vers le potentiel de repos en l’absence de stimulation. La dynamique globale du champ réside dans l’influence du terme latéral qui met en relation les différents neurones du champ. La fonction w joue donc un rôle crucial dans le comportement émergent du champ. Dans le modèle d’Amari, w est choisi comme une différence de gaussiennes avec excitation locale et inhibition globale (voir figure 4.6) suivant l’équation :

w(dx) = Ae|dx|2a2 − Be|dx|2b2

avec A (respectivement B) permettant de régler l’amplitude de la partie excitatrice (respectivement in-hibitrice) de la connectivité et a (respectivement b) influençant la largeur de la partie excitatrice (respec-tivement inhibitrice). Afin d’obtenir une forme en ”chapeau mexicain”, ces paramètres doivent respecter les contraintes a < b et A > B. Cette connectivité provoque une excitation locale et une inhibition à longue distance dans le champ.

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Figure4.6 – La connectivité latérale définie par la fonction w est prise comme une différence de gaus-siennes dépendant de la distance dx entre les différents points du champ. Elle a une forme qui rappelle un chapeau mexicain avec une partie excitatrice (en rouge) et une partie inhibitrice (en bleu).

Il est à noter que dans l’équation (4.2) d’évolution du champ, la fonction w est indépendante de x ce qui signifie que la connectivité latérale est la même sur tout l’espace M. Le paradigme des champs neuronaux proposent ainsi un mécanisme de calculs distribués mais également génériques. Par ailleurs, west également définie comme indépendante du temps et n’est donc pas soumise à apprentissage.

4.2.2 Propriétés

Un mécanisme compétitif de type winner takes most

La dynamique d’évolution du champ, définie par l’équation 4.2 de la CNFT, résulte de l’interaction de trois termes (voir la figure 4.7).

Le terme afférent excite le champ, amenant à l’activation de certains neurones du champ.

Le terme latéral, via connectivité en différence de gaussiennes utilisée dans le modèle, entraîne qu’un neurone activé dans le champ excite les neurones proches et inhibent les neurones distants. L’influence continue et récursive de ce terme dans le calcul de l’activité du champ provoque deux phénomènes. Pre-mièrement, l’apparition de bulles d’activités spatialement localisées, par l’influence de la partie excitatrice

de la connexion. Deuxièmement, une compétition entre ces bulles si ces dernières se trouvent dans la par-tie inhibitrice de la connexion car elles s’inhibent alors mutuellement.

Le terme de fuite régule l’activité apparaissant en chaque point du champ, de sorte qu’en l’absence d’ex-citation afférente et latérale, le potentiel retrouve sa valeur au repos.

Au final, l’activité dans le champ est dirigée par la réception d’une excitation par le terme afférent. En cas d’excitation, l’équation de la CNFT aboutit à l’émergence d’une ou plusieurs bulles d’activités, là où le champ est excité, bulles situées à une distance supérieure à la largeur de la partie inhibitrice de la connexion latérale.

Figure 4.7 – En haut à gauche (respectivement en haut à droite) est représentée l’évolution du terme afférent de l’équation 4.2 (respectivement de l’activité du champ) en fonction du temps. Les activités sont figurées en niveau de gris suivant l’échelle mise à droite. En bas (gauche et droite) est représenté la convolution du terme afférent initial par la connectivité latérale. Sur le graphique temps/espace montrant l’évolution de l’activité du champ, nous pouvons constater l’influence des trois termes. Dans un premier temps, nous mettons une activité d’entrée comportant deux gaussiennes de variances et d’amplitudes différentes. En réponse à cette stimulation, une activité apparaît dans le champ là où le terme afférent est non nul. Le terme latéral provoque alors une compétition spatiale dans le champ. L’activité de ce dernier converge dans notre cas vers une unique bulle car la connectivité inhibitrice utilisée s’étend sur tout le champ. Cette bulle d’activité est localisée à l’endroit où l’activité afférente est la plus spatialement cohérente, c’est-à-dire que l’activité afférente convoluée par les poids latéraux est la plus forte. Dans un second temps, nous supprimons l’entrée du champ ce qui a pour conséquence de rendre le terme afférent nul et de faire décroître l’activité du champ jusqu’à son potentiel de repos, ici fixé à 0.

4.2. Théorie des champs neuronaux continus 71 Nous venons de voir que l’équation de la CNFT fournit un mécanisme de compétition spatiale au sein du champ, aboutissant à l’émergence de bulles d’activités situées là où l’activité afférente est la plus cohérente et de telle sorte que la distance entre deux bulles soit supérieure à la largeur de la partie inhibitrice de la connexion latérale. En particulier, dans le cas de l’utilisation d’une connectivité latérale dont la partie inhibitrice s’étend sur tout le champ, le champ fournit alors une unique bulle d’activité, ce qui correspond à un mécanisme compétitif de type winner takes most. Ce mécanisme compétitif fourni par la CNFT a des propriétés fonctionnelles différentes de celui utilisé par l’étage de sélection des cartes de Kohonen (voir section 4.1.3). Premièrement, avec la CNFT, le calcul s’effectue sur un substrat continu et il en résulte que la bulle d’activité peut se situer à n’importe quel emplacement du champ. Deuxièmement, dans le cas du modèle de Kohonen, la zone gagnante correspond au voisinage de l’unité qui a la plus forte activité. Ici, la bulle émerge à l’endroit où le terme afférent est le plus spatialement cohérent, c’est-à-dire que l’activité combinée du terme afférent reçu par des neurones voisins est la plus forte. Cela se traduit par le fait que la convolution du terme afférent par le noyau de connectivité latérale utilisé est la plus forte (voir figure 4.7).

Filtrage du bruit

Deux points du champ se situant à une distance supérieure à la largeur de la partie excitatrice de la connectivité latérale ne peuvent s’exciter et donc appartenir à la même bulle d’activité. La largeur de la bulle d’activité émergente du champ est ainsi contrainte par le profil de connexion et ne dépend donc pas en particulier de l’entrée (voir figure 4.8). De plus, l’application récursive du terme latéral tend à lisser la forme de la bulle d’activité émergeant dans le champ, peu importe celle de l’activité afférente (voir figure 4.8). La forme stéréotypée de la bulle permet ainsi de filtrer le bruit contenu dans l’activité afférente.

Résistance aux distracteurs

Plaçons nous dans le cas d’une connectivité latérale avec une partie inhibitrice étendue sur tout le champ, ce qui a pour conséquence que l’équation de la CNFT fait émerger une unique bulle d’activité à l’endroit où le terme afférent est le plus spatialement cohérent, et considérons le scénario suivant. Le champ reçoit un terme afférent dont la zone A est la plus cohérente spatialement. Une fois que la bulle a émergé dans le champ au niveau de la zone A, nous ajoutons au terme afférent une activité dans une zone B, de manière à ce que cette dernière soit la plus spatialement cohérente. On constate que, malgré l’ajout de cette activité, la bulle d’activité peut rester fixe (voir figure 4.9). Cette propriété, appelée résistance aux distracteurs, se traduit par le fait que la bulle d’activité tend à rester sur la zone de l’activité afférente qui a produit l’émergence de la bulle. Cette dynamique s’explique par l’influence du terme latéral dans l’équation (4.2) d’évolution de la CNFT. Une fois la bulle émergée, ce terme est positif uniquement dans la zone A, du fait de la présence de la bulle d’activité, alors qu’il est négatif ailleurs à cause de l’inhibition due à cette même bulle. L’équation fournissant un mécanisme de compétition spatiale, pour qu’une bulle émerge dans la zone B, il faut que la somme des trois termes de l’équation dans la zone B soit plus forte que celle dans la zone A. Cela implique que l’influence du terme afférent en B doit être significativement plus forte que celle en A afin de contrecarrer l’influence du terme latéral.

Cette propriété de résistance aux distracteurs permet au système de se focaliser sur une zone spa-tialement cohérente du terme afférent. Le champ est même capable de suivre le déplacement de cette zone si la vitesse de déplacement de cette dernière n’est pas trop rapide par rapport à la dynamique de stabilisation du champ. Grâce à cette propriété les champs neuronaux ont été utilisés comme mécanismes attentionnels dans différents modèles connexionnistes (voir par exemple [Fix, 2008]).