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Chapitre I – Méthodologie de l'Analyse de Cycle de Vie

III. Inventaire du cycle de vie

III.3. Description des règles d'affectation

a) Règles d'affectation fondées sur un paramètre physique

Dans le cas de l'application d'une méthode fondée sur un paramètre physique, tel que, par exemple, la masse, le contenu énergétique, le volume ou le nombre de moles, le problème d'affectation est résolu en répartissant les impacts entre les produits au prorata du paramètre choisi. Chaque impact du cycle de vie est alors alloué de la même façon. Le principe d'une telle affectation fondée sur la masse des produits, dite affectation massique, est schématisé à la figure I.5.

Exemple : un procédé, auquel on s'intéresse dans le cadre d'une étude d'analyse de cycle de vie, produit de façon commune un bien A et un bien B. On décide de résoudre le problème d'affectation qui se pose alors en se fondant sur la masse de ces biens : pour chaque unité de masse de bien A sont produites trois unités du bien B, on va donc allouer les trois quarts des impacts calculés au bien B, tandis que le bien A supportera le quart restant. On parle alors d'affectation massique.

Cette méthode présente l'avantage de la simplicité d'emploi. L'évaluation du paramètre choisi peut être réalisée assez facilement, voire être déjà effectuée au cours de l'inventaire de cycle de vie pour d'autres raisons, comme la vérification des bilans de masse ou d'énergie.

Cependant, la première limitation de cette méthode, inhérente à sa définition même, est qu'elle ne peut s'appliquer qu'à la production de biens concrets et non de services.

Exemple : à la suite de l'acquisition d'un espace de terrain important, une collectivité locale souhaite comparer, à l'aide de l'outil d'ACV, les différences en termes d'impact environnemental de sa mise à disposition et de son agrément pour la population sous différentes formes : parc, parc floral, forêt gérée, etc. Certains de ces systèmes comparés seront multifonctionnels : l'entretien d'une forêt gérée par exemple pourra susciter, en plus de l'agrément pour le public étudié, une activité économique due aux résidus ; dans ces cas, une affectation fondée sur un paramètre physique ne pourra pas être appliquée.

Enfin, cette méthode peut paraître arbitraire du fait que le paramètre d'affectation, à l'exception, généralement, des cas où il constitue un facteur limitant du processus, ne porte en lui-même ni raisonnement logique, ni lien de causalité justifiant les ratios d'affectation appliqués.

Exemple : l'exploitation d'une mine de diamant produit de façon commune le diamant en lui-même et des gravats, qui, selon le contexte local, peuvent être valorisés (construction d'une digue, etc). Une résolution du problème d'affectation selon un paramètre physique, tel que la masse, qui conduirait à n'allouer qu'une partie infime des impacts de la mine à la production de diamant, ne serait alors que difficilement justifiable.

b) Règles d'affectation fondées sur un paramètre socio-économique

Dans le cas de l'application d'une méthode d'affectation fondée sur un paramètre

socio-économique, les impacts sont répartis entre les différents produits suivant un tel paramètre. Il

peut alors être d'un ressort plutôt économique, comme le prix de marché du produit ou le coût de production, ou plutôt social, comme le nombre d'utilisateurs du produit ou un certain degré de satisfaction. A l'instar des méthodes fondées sur un paramètre physique, chacun des impacts du cycle de vie est alors alloué de la même façon.

Le principal avantage de la méthode est qu'un tel paramètre peut refléter, s'il est bien choisi, la raison d'être du produit et/ou du procédé, qui est effectivement généralement d'ordre socio-économique, dans le sens où celle-ci est de répondre à une demande ou d'être source de rémunération.

Cependant, contrairement au paramètre physique, ce type de méthode fait appel à des données généralement plus fluctuantes et moins mesurables compte tenu de leur dépendance avec un marché ou avec une échelle de valeur difficilement mesurable telle que le degré de satisfaction [35]. De plus, dans le cas d'une affectation selon un paramètre économique, certaines difficultés, telles que des distorsions de marchés, peuvent apparaître suivant les fonctions considérées ; néanmoins, plusieurs travaux traitent de la résolution de ces cas particuliers [26, 31]. Enfin, des paramètres tels que le prix de marché des produits dépendent de nombreux facteurs, dont certains peuvent ne dépendre ni des propriétés du produit ni de son impact environnemental.

Exemples : parmi les facteurs influant sur le prix d'un produit sans être liés à ses propriétés ou à son impact, il est possible de citer la spéculation, le contexte géopolitique ou les externalités dont l'évaluation économique est à ce jour encore incomplète.

c) Règle d'affectation par impacts évités - élargissement du système

La méthode dite "par substitution des impacts évités", ou plus simplement "par impacts

évités", ou "par élargissement du système" n'est pas, à proprement parler, une méthode d'affectation

dans le sens où son objectif est d'éviter le problème rencontré [17]. Le principe de celle-ci est que toute quantité de produit du système auquel on s'intéresse dans le cadre de l'étude d'ACV mise à disposition sur le marché vient se substituer à une quantité équivalente d'un autre produit assurant la même fonction. Les impacts qu'auraient engendrés ce produit alternatif sont donc autant d'impacts évités par le premier système, que l'on peut donc soustraire au total des impacts de celui-ci.

Cette méthode de substitution s'accompagne donc obligatoirement d'un élargissement des frontières du système de l'étude d'ACV. Cette extension ainsi que le principe de fonctionnement de la méthode sont schématisés sur la figure I.6 suivante. Sur celle-ci, l'étude d'ACV porte sur le produit P0 réalisé au moyen du système A. Or, ce système A produit, conjointement à P0, un produit P1qui vient remplacer sur le marché un produit équivalent P1'. Afin de résoudre le problème d'affectation qui se pose alors, le système B est intégré au système d'étude. Les impacts de cycle de vie relatifs au produit P1' alors calculés sont soustraits à ceux du système A selon une règle d'équivalence entre les produits P1 et P1' afin d'obtenir les impacts de cycle de vie du produit P0.

Au contraire des deux précédentes méthodes, la méthode d'affectation par substitution ne modifie pas le total calculé de chaque impact du cycle de vie dans la même mesure ; ces différences entre impacts dépendent du produit alternatif considéré.

Exemple : une étude d'ACV s'intéresse à différents systèmes de production de grains de blé. L'un de ces systèmes suppose l'export des pailles de céréales vers une centrale à biomasse de production d'électricité. La méthode de substitution des impacts évités est retenue, et il est identifié que cet export de pailles permet au final un moindre recours à des centrales à charbon en période de pointe de la demande électrique.

Lors du calcul de la différence entre les impacts du système d'étude, la production de blé, et ceux du système substitué, la centrale à charbon, l'impact sur le changement climatique sera diminué de façon bien plus importante que celui sur l'usage des sols compte tenu des fortes émissions de gaz à effet de serre et de la faible emprise au sol de la production d'électricité via une centrale à charbon.

Cette méthode présente l'avantage, idéalement, de refléter au mieux la réalité en modélisant le devenir des co-produits et leurs conséquences, et est donc plus pertinente dans sa démarche que l'affectation des impacts suivant un paramètre physique ou socio-économique.

Cependant, de par sa définition même, cette méthode ne peut être appliquée qu'aux problèmes d'affectation où les co-produits mis en jeu se substituent réellement à d'autres produits : sa mise en œuvre n'est donc pas systématiquement possible. Une règle d'équivalence doit également pouvoir être établie de façon pertinente entre produit et produit substitué, et son choix doit être clairement défini et justifié.

Exemple : si les produit et produit substitué relèvent du domaine de l'alimentaire, l'équivalence entre eux peut être établie selon leur contenu en calories ou leur teneur en un certain élément nutritif (protéine, sucres, etc).

De plus, l'application de la méthode suppose une élasticité totale du marché, c'est-à-dire que ce supplément de produit par le système d'intérêt est supposé aboutir effectivement à une diminution de la production par d'autres systèmes dans une proportion équivalente. Toutefois, il est possible de

pallier ce problème en tenant compte d'un coefficient de substitution, modélisant l'élasticité réelle du marché, mais dont la difficulté majeure sera l'estimation pertinente.

Enfin, en agrandissant les frontières du système d'étude, celui-ci se complexifie. En effet, il est alors nécessaire de rechercher plus de données, voire de traiter de nouveaux problèmes d'affectation introduits lors de cet élargissement.

d) Autres règles d'affectation

Ces trois méthodes d'affectation, fondées sur un paramètre physique ou socio-économique, ou par impacts évités, bien que les plus courantes, ne constituent pas le seul choix possible. Il est par exemple possible d'imaginer toutes sortes de méthodes d'affectation arbitraires, telles qu'une répartition égale des impacts entre chaque fonction.

Parmi ces autres méthodes, la plus simple d'emploi est l'affectation à la fonction d'intérêt. En effet, son principe est d'allouer la totalité des impacts calculés à la fonction étudiée dans le cadre de l'étude d'ACV. Outre son extrême simplicité d'utilisation, son intérêt est de fournir un résultat représentant, par rapport aux méthodes fondées sur un quelconque critère ou paramètre, la borne supérieure.

Note : ceci n'est pas vrai pour une affectation par impacts évités compte tenu du fait qu'il est possible d'imaginer qu'un co-produit se substitue à un système vertueux sur quelques catégories d'impact, ce qui aurait pour conséquence d'alourdir le bilan de celles-ci pour le produit étudié.

Cependant, cette méthode d'affectation est fortement arbitraire et ne sera préférablement utilisée que dans le cadre d'analyses de sensibilité sur une étude d'ACV, ou dans le cas où il est connu, grâce à des études préalables par exemple, que le choix d'une méthode d'affectation particulière n'aura que peu d'influence sur les conclusions de l'étude.

e) Recommandations d'utilisation

Outre la norme NF EN ISO 14044/2006, de nombreuses recommandations quant à la résolution des problèmes d'affectation mais aussi, de façon plus générale, sur la mise en œuvre de l'ACV, sont disponibles dans la littérature [17, 26, 24, 13, 12, 20, 25, 29, 30, 33, 35, 27], très fournie sur le sujet et dont la liste exhaustive de références serait longue et difficile à tenir. Toutefois, l'analyse de l'influence de l'application d'une méthode d'affectation particulière préférentiellement aux autres reste, lorsque le cadre de l'étude d'ACV le permet, préconisée (voir section V.2.a) [17, 26, 27].

Enfin, ces références ont généralement été établies dans une optique de généralisation ou relativement à un domaine d'activité précis [26, 24, 13, 12, 14, 28, 27, 44]. La section III.4 suivante traitera donc plus spécifiquement du choix d'une méthode d'application et, plus généralement, de la méthodologie d'inventaire de cycle de vie à mettre en œuvre, en lien avec la typologie des études d'ACV telle que définie à la section II.2.

III.4. Lien entre méthodologie de l'inventaire et objectifs de l'ACV

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