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Description des processus physiques

Interagissant avec le liquide, des bulles, appelées bulles mères, peuvent être amenées à entrer en contact puis à fusionner pour donner naissance à une nouvelle bulle plus grosse, appelée bulle fille. Par simplicité on ne considérera ici que des événements de coalescence binaire, c’est-à-dire les événements de coalescence impliquant uniquement deux bulles mères pour une bulle fille.

Le scénario de la coalescence de deux bulles peut être décomposé en trois étapes principales (Chesters et Hofman, 1982), illustrées sur la figure 4.1.

1) Collision de deux bulles : deux bulles entrent en collision de par leur interaction avec le liquide, piégeant ainsi un film de liquide entre elles appelé film interfacial.

2) Drainage du film interfacial : du rapprochement relatif des deux bulles dû à la cinétique de col- lision s’ensuit une augmentation de la pression dans le film interfacial ayant deux conséquences. La première est un aplanissement du film interfacial, pouvant éventuellement mener à l’appari- tion d’une striction, c’est-à-dire un amincissement local du film interfacial ; l’énergie cinétique de collision est ainsi transformée en énergie de surface. La seconde conséquence est le drainage du liquide vers l’extérieur du film sous l’effet du gradient de pression.

3) Rupture du film : lorsque l’épaisseur du film liquide atteint l’échelle des interactions moléculaires (de l’ordre de 100 ˚A), les effets des forces de Van der Waals deviennent prédominants dans le film. Ce dernier se troue, puis, la tension de surface agrandissant l’ouverture, le film se rompt et les deux bulles coalescent pour ne plus former qu’une seule bulle plus grosse. L’étape de rupture du film peut être considérée comme instantanée devant la cinétique de drainage (Chesters et Hofman, 1982).

Les collisions entre bulles peuvent quant à elles être de différentes natures. Dans une synthèse publiée récemment, Liao et Lucas (2010) ont répertorié les quatre sources de collisions suivantes, également illustrées sur la figure 4.2 :

a) les collisions aléatoire dues à l’agitation des bulles par la turbulence du liquide (turbulent colli- sions) ;

b) les collisions par écart de vitesse terminale entre bulles de différentes tailles (buoyant collisions) ; c) les collisions par aspiration dans un sillage d’une bulle environnante (wake entrainment) ;

d) les collisions dues au gradient de la vitesse moyenne du liquide, en particulier dans les zones proches des parois (shear collision).

1. Collision 2. Drainage 3. Rupture 4. Coalescence

(a) Agitation turbulente (b) Écart de vitesse

terminale (c) Aspiration dans unsillage (d) Cisaillement de lavitesse du liquide

Fig. 4.2 – Sources de collisions entre bulles (adapté de Morel, 1997).

Les écoulements visés ici étant fortement turbulents, la suite de l’étude abordera uniquement la mo- délisation des collisions par agitation turbulente, cette source de collisions étant supposée largement prédominante par rapport aux autres sources listées ci-dessus.

Toutes les collisions ne mènent cependant pas forcément à un événement de coalescence : pour qu’il y ait rupture du film, il faut que les deux bulles restent suffisamment longtemps en contact de façon à ce que le film interfacial puisse atteindre l’épaisseur critique par drainage. Si ce n’est pas le cas, les deux bulles se séparent. On voit ici apparaître la notion d’efficacité de collision, aussi appelée probabilité de coalescence.

4.1.2 Fragmentation

Nous avons déjà vu au chapitre 3 (paragraphe 3.1.1) qu’une bulle immergée dans un liquide se défor- mait sous l’effet des contraintes du liquide environnant. Cette déformation peut être telle que cette bulle, la bulle mère se rompe en plusieurs fragments plus petits, les bulles filles, donnant ainsi lieu à un événe- ment de fragmentation. Là aussi, on ne considérera par simplicité que des événements de fragmentation binaires, c’est-à-dire donnant naissance à deux bulles filles.

Pour évaluer le potentiel de rupture d’une bulle on introduit le nombre de Weber de bulle,Web, défini

comme le ratio des contraintes extérieures déstabilisatrices σext, sur les contraintes de surface (Hinze,

1955) :

Web ˆ= σextd

σ . (4.2)

Pour caractériser l’occurrence d’un événement de fragmentation, on introduit également la notion de nombre de Weber critique,Webcr, à partir duquel la déformation de la bulle entraînera sa rupture. À

l’image du mécanisme de coalescence, il apparaît ici une notion de probabilité de fragmentation. Les sources de fragmentation de bulles sont nombreuses et variées, les principales étant les suivantes (Risso, 2000 ; Liao et Lucas, 2009) :

a) la turbulence du liquide environnant (turbulent break-up) ; b) les contraintes visqueuses du liquide (viscous break-up) ;

c) un gradient de la vitesse liquide causé par le sillage de bulles environnantes ou d’une paroi (shearing-off ) ;

1. Collision avec un

tourbillon turbulent 2. Déformation de labulle 3. Rupture en deuxfragments

Fig. 4.3 – Schématisation de la fragmentation d’une bulle causée par son interaction avec un tourbillon turbulent du liquide environnant (adapté de Hagesaether et al., 2002).

À l’instar de l’étude de la coalescence de bulles, et pour la même raison, nous allons nous limiter dans ce document à la modélisation de la fragmentation de bulles par les contraintes turbulentes du liquide.

La première théorie de la fragmentation de bulle par la turbulence a été établie indépendamment par Kolmogorov (1949) et Hinze (1955). Bien que maintenant ancienne, elle constitue encore aujourd’hui la base de la grande majorité des études sur la fragmentation turbulente. Cette théorie suppose que la déformation, et la rupture éventuelle, d’une bulle résulte d’une interaction entre cette bulle et les tour- billons du liquide environnant (cf. figure 4.3). En faisant l’hypothèse que seuls les tourbillons de tailles comparables à la bulle sont susceptibles de déformer significativement celle-ci,2Hinze (1955) définit la

contrainte de déformation turbulente comme suit : σT

ext = ρcvt2(d) (4.3)

oùvt2correspond au carré moyen d’une vitesse turbulentevt, défini quant à lui comme la différence de

la vitesse liquide en deux points distants du diamètre de bulle, soit (Risso, 2000) : vt2(d ;x, t) ˆ= vc,i(x + d2ei) − vc,i(x − d2ei)2



(4.4) où i désigne l’indice spatial.

En supposant que la turbulence du liquide est isotrope à l’échelle de la bulle considérée3 et que le

diamètre de cette dernière est compris dans la zone inertielle du spectre de turbulence, la théorie de la turbulence isotrope nous permet d’exprimervt2comme une fonction du taux de dissipation de l’énergie

cinétique turbulente du liquide εc et du diamètre de bulle.4 À l’aide d’une analyse dimensionnelle, on

peut ainsi écrire : vt2= Cεcd

2/3

. (4.5)

où C est un cœfficient de proportionnalité. En intégrant le spectre de turbulence, Risso (2000) exprime ce cœfficient tel que :

2. Les tourbillons plus petits n’ont pas assez d’énergie pour déformer les bulles et les tourbillons plus gros ne font que les déplacer.

3. On fait ici l’hypothèse que seules les plus petites échelles de la turbulence sont isotropes, à savoir celles du même ordre de grandeur que la taille des bulles ainsi que les échelles plus petites ; aucune restriction n’est posée sur les plus grandes échelles. 4. Selon la théorie de cascade d’énergie de Kolmogorov (1941) (voir aussi Frisch, 1995), les tourbillons de la zone inertielle sont indépendants à la fois de la macro-échelle (échelle de création de la turbulence) et de l’échelle de Kolmogorov (échelle de dissipation visqueuse de la turbulence) ; leur rôle est uniquement de transférer sans perte l’énergie turbulente de la zone de production à la zone de dissipation.

d2/2 d1/2 V1=π6d 3 1 V2=π6d23 d/2 d =d3 1+ d 3 2 1/3 V= V1+V2 V =π 6d 3

Fig. 4.4 – Schématisation d’un événement de coalescence : relations entre les volumes et les diamètres des bulles mères et fille.

C = 2755 Γ(1/3) CK ≈ 2. (4.6)

où CK≈1,5 désigne la constante de Kolmogorov (Jakobsen, 2008). On en déduit l’expression du nombre

de Weber de bulle turbulent :

WeTb(d) = 2 ρcε

2/3

c d5/3

σ (4.7)

qui va nous permettre de caractériser la fragmentation turbulente de bulles.

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