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Partie II : Propositions

5.2 Description du Problème Rencontré

La wilaya de Tiaret est une région céréalière. La protection des céréales contre les rongeurs arvicoles est vitale pour les agriculteurs. L’espèce la plus répandue dans la région est la mérione de Shaw, elle est caractérisée d’une forte capacité de reproduction (jusqu’à 12 embryons par portée).

L’étude des bilans de lutte des différentes années montre que les résultats obtenus d’une campagne ne sont validés que par les prospections de l’année suivante. Un taux d’infestation de 10 à 12% est toléré par rapport à l’infestation de l’année dernière sur la même zone. En particulier, dans certaines années la surface traitée étant égale à la surface infestée, alors que l’année suivante, les prospections montrent que la surface infestée représente plus de la moitié de celle de l’année dernière dans la même zone traitée! (Tables 2 et 3). Les responsables de l’inspection de protection des végétaux (IPV) expliquent cette incohérence par les comportements inadaptés de certains acteurs impliqués dans la lutte.

Table 2. Bilan campagne anti-rongeur (résumé) (2OO4-2005) Superficie infestée Superficie Traitée

97511 ha 97511 ha

Table 3. Bilan campagne anti-rongeur (résumé) (2OO5-2006) Superficie infestée Superficie Traitée

56000 ha 56000 ha

Ce disfonctionnement de comportement concerne les trois types d’acteurs impliqués dans une campagne de lutte à savoir les agents phytosanitaires, les prospecteurs et enfin les

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agriculteurs. Afin de leurs inculquer les techniques et les décisions adéquates, nous allons tout d’abord identifier les types d’actions requises dans la gestion de la campagne de lutte. Mais avant d’entamer cette étude, nous décrivons brièvement, dans les sections suivantes, les caractéristiques des entités composant cet agroécosystème, les rongeurs et les humains. 5.2.1. Les rongeurs

Il existe plusieurs espèces de rongeurs arvicoles en Algérie, mais l’espèce la plus préjudiciable à l’agriculture est la mérione de Shaw “Mériones shawi”. Ce rongeur a été déclaré comme fléau agricole par le décret N° 95 387 du 28 Novembre 1995.

L’activité de la mérione est diurne en période froide et crépusculaire ou nocturne en période chaude. Elle prolifère après une bonne année agricole, lorsque la pluviométrie est importante entre le mois de novembre et le mois d’avril. La période de reproduction commence en fin d’hiver et atteint le maximum au printemps. La durée de gestation est de l’ordre de 20 jours. Le nombre de petits est de 5 à 12 par portée.

Le régime alimentaire de la mérione est très varié ; elle consomme des fruits et légumes au printemps, des céréales en automne et lorsque la source de nourriture est tarie en hiver elle peut consommer des insectes. Ce rongeur effectue des réserves durant l’été qui peuvent atteindre 40Kg/terrier actif.

Sur une superficie de 100 000 ha infesté, les pertes peuvent être considérables avoisinant 13 000 tonnes.

En plus des dégâts causés aux cultures, la mérione est identifiée comme un réservoir de la Leishmaniose cutanée. C’est une maladie qui, une fois transmise à l’homme, attaque les globules blancs humains, occasionne des lésions qui, après guérison, laisse des cicatrices indélébiles et des plus redoutables sur le visage.

Pour illustrer l’ampleur de l’infestation des zones agricoles dans la région de Tiaret, nous avons élaboré une carte d’infestation à base des bilans annuels (de 2004 à 2008) de l’inspection de protection des végétaux. Cette carte (figure 18) illustre la région de Tiaret avec toutes ses Daïras. La densité des rongeurs est donnée par nombre de foyers par hectare (1 foyer = 3 à 4 terriers, 1 terrier = un couple de rongeur + éventuellement 5 à 6 petits).

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Figure 18 – Taux d’infestation de la région de Tiaret par la mérione Shawi (2004 – 2008).

5.2.2. Les acteurs

Une campagne de lutte contre les rongeurs ravageurs de culture implique plusieurs acteurs. Le rôle et les responsabilités de chacun sont décrits comme suit :

- L’agent phytosanitaire (AP) : il organise, planifie et gère la campagne de lutte. Il doit estimer la zone infestée, la densité des rongeurs, le nombre de prospecteurs à déployer et la quantité de rodenticide à commander.

- Le prospecteur : son rôle est de prospecter la zone signalée par l’AP, d’élaborer une carte d’infestation et un rapport de prospection et de calculer la quantité de rodenticide à distribuer à chaque agriculteur. Au moment de la lutte, il prépare les appâts, les distribue aux agricultures et participe aux opérations de détection de trous actifs.

- L’agriculteur : il doit d’abord signaler la présence des rongeurs sur ces terres. Il procède aussi à la lutte après avoir reçu les appâts. Il commence par détecter le trou actif de chaque terrier, pose l’appât et surveille la réaction des rongeurs. Il est souvent amené à appâter à plusieurs reprises.

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L’engagement de ces acteurs est l’atout du succès d’une campagne de lutte, si au moins l’un d’eux néglige ses responsabilités, c’est toute la campagne qui est vouée à l’échec. Comme acclamé dans la problématique, les responsables de l’inspection de protection des végétaux pointent du doigt les comportements inadaptés de certains acteurs. Le tableau 4 représente les comportements incompétents illustrés par des actions sur le terrain de chaque type d’acteur. Ces actions d’incompétence sont dégagées suite à des interviews d’experts de la lutte anti-rongeurs, quoique cette liste ne soit pas exhaustive. (Inspection de la protection des végétaux).

Table 4. Liste des actions incompétentes par acteur

Acteur Action

L’inspecteur phytosanitaire

Ne pas vérifier toutes les zones signalées (choix d’un certain nombre de sites sur la totalité des sites signalés et estimation du degré d’infestation à la base de ces sites)

Nombre insuffisant de prospecteurs engagés dans l’opération de prospection.

Ne pas procéder aux prospections systématiques en l’absence de signalisation de présence de rongeurs par les agriculteurs.

Organisation de prospections à partir de 3 signalisations dans la même zone (1 à 2 signalisations sont considérées en dessous du seuil toléré) Ignorer les zones avoisinantes des zones signalées.

Programmation aléatoire de prospection des zones sans tenir compte des priorités (nombre de signalisation, type de végétation -- céréale,

maraichage, package & jachères --)

Surestimation de la quantité de raticide à commander (stock de produit périssable à court terme)

Sous estimation de la quantité de raticide à commander (rupture de stock en plein campagne de lutte)

Ne pas arrêter la lutte à la date indiquée dans l’arrêté préfectoral. Ne pas procéder à la vérification suite à un rapport de prospection indiquant une grande infestation (nombre de terrier/hectare >= 5) (nombre d’hectares infestés >= 5000)

Le prospecteur prospection aléatoire sans prendre en compte la nature des sols (en période de disette, les rongeurs confectionnent leurs terriers dans les sols calcaires pour éviter l’effondrement des galeries).

Ne pas favoriser les zones céréalières en période de poussée des végétaux.

Ne pas favoriser les zones jachères avant la levée des végétaux. Ne pas prendre comme référence les infestations précédentes. Mauvais choix de sites à prospecter (suivant l’infestation,

l’échantillonnage des sites se fait tous les 2 à 3 km ou tous les 5 à 10 km – stratégie de prospection)

Ne pas alterner les sites à prospecter à gauche et à droite du parcours du prospecteur.

Mauvaise estimation du risque d’infestation des zones avoisinant les zones infestées.

Ne pas découvrir la totalité des terriers.

Attribuer à l’agriculteur une quantité de raticide supérieur au niveau d’infestation

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L’agriculteur Lutter ou ne pas lutter.

Ne pas boucher tous les trous d’un terrier. Pose d’appât aux abords du trou.

Application d’une dose insuffisante du raticide. Ne pas faire le réappâtage.

Appâtage en temps de pluie. Ne pas lutter en temps opportun.

Lutter après la fin de la campagne de lutte.

Ne pas porter de gans pendant la préparation de l’appât (les rongeurs reconnaissent l’odeur des humains et ne touchent pas à l’appât).

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