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Description de la pellicule d’altération et loi de vitesse

Chapitre 4 : Paramétrage du modèle GRAAL pour le verre basaltique

4.1.2 Description de la pellicule d’altération et loi de vitesse

4.1.2.1 Les phases secondaires cristallisées

Dans la base de données utilisée, il est important d’exclure les espèces minérales dont la précipitation est cinétiquement trop lente pour se former dans nos conditions d’étude. En effet, la majeure partie des minéraux contenus dans les bases de données présentent une très faible cinétique de précipitation à basse température et sont donc à écarter. À basse température se forment des minéraux dont la structure et leur degré d’hydratation sont tels que leur solubilité est plus élevée, à l’image de la silice amorphe, comparée au quartz. Les minéraux retenus sont donc ceux dont la précipitation est considérée comme rapide devant

CHAPITRE 4 : PARAMETRAGE DU MODELE GRAAL POUR LE VERRE BASALTIQUE

4.1.2.2 La couche amorphe

Les bases de données des codes géochimiques ne comportent pas les phases amorphes constitutives du gel. En effet, ces matériaux amorphes présentent une grande variabilité de composition et de structure et par là même, de solubilité. La nature de ces phases dépend de la composition du verre, de celle de la solution, mais aussi de la cinétique de précipitation de certaines phases cristallines, moins solubles, qui peuvent mobiliser des éléments et faire varier dans le temps la composition de la couche amorphe, changeant, par là même, ses propriétés. Dans l’absolu, la modélisation de ces phases nécessiterait de définir les solubilités de chacune des compositions possibles de la couche amorphe et de connaître la dépendance de chacun de ces équilibres à la température. Pour un matériau à plus de trente oxydes comme le verre nucléaire, on conçoit aisément que cette démarche n’est pas réaliste.

Dans la littérature, cette difficulté a été contournée par l’utilisation de phases modèles, ou la combinaison de différentes phases cristallines issues de bases de données correctement renseignées. Ainsi, (Daux et al. 1997) ont utilisé un « verre basaltique hydraté » pour écrire l’équilibre de dissolution du verre basaltique. Ce « verre basaltique hydraté » est simulé par un aluminosilicate de fer hydraté (SiAl0,36Fe0,18(OH)5,62 , log K90°C = -4) contenant les

mêmes proportions élémentaires que le verre initial. La solubilité de cette phase a été calculée à partir de la composition de la solution à l’état stationnaire. Pour intégrer les variations de composition de la couche amorphe formée sur les verres nucléaires, Munier

et al. (Munier et al. 2004) ont construit plusieurs solutions solides intégrant Al, Na, Ca, Zr

et Si en combinant des pôles purs, oxydes, hydroxydes ou métasilicates de la base de données (tableau 4.1). Ces différents pôles étaient intégrés au sein de la solution solide selon une fraction xi dépendant de leur indice de saturation I, calculé lui-même en fonction

de la composition de la solution à chaque instant. L’indice de saturation I est défini comme le rapport du produit d’activité Q pour le minéral i au produit de solubilité K du même minéral. Les fractions xi sont alors calculées de telle sorte que :

∑ 𝑥𝑖 = ∑ 𝑄𝑖 𝐾𝑖 = 1 𝑖=𝑝 𝑖=1 𝑖=𝑝 𝑖=1

Tableau 4. 1 - Pôles purs de la solution solide dans les simulations de Munier et al.(2004). SiO2 = silice

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Si Al Na Ca Zr

Oxydes SiO2 Al2O3 Na2O CaO ZrO2

Hydroxydes SiO2 Al(OH)3 NaOH Ca(OH)2 Zr(OH)4

Métasilicates SiO2 Al2O3 Na2SiO3 CaSiO3 ZrSiO4

Par construction, ces approches permettent de décrire correctement l’évolution de la composition de la solution dans le temps : les solubilités des différentes phases sont, en effet, calculées via les teneurs élémentaires en solution. Cependant, ces modèles ne rendent pas compte d’interactions entre éléments formateurs (ex : l’effet d’une petite quantité d’Al sur l’activité du silicium en solution), ou bien de la distribution des éléments au sein de la pellicule d’altération. Par exemple, le silicium, selon qu’il s’intègre dans la couche amorphe ou dans des phases cristallisées, aura un impact tout à fait différent sur l’altération du verre : il pourra en faire chuter la vitesse en contribuant à l’établissement d’un gel dense et passivant dans le premier cas, ou, au contraire, l’entretenir en s’intégrant à des phases secondaires non passivantes, appauvrissant ainsi le gel passivant.

Dans le paramétrage du modèle GRAAL pour les verres nucléaires, on considère la composition chimique de la couche amorphe qui se forme à l’état stationnaire, c’est -à-dire quand la solution est suffisamment chargée en éléments du verre pour permettre une chute de sa vitesse de dissolution de plusieurs ordres de grandeur. Dans un premier temps, la description de la couche amorphe a consisté à combiner, à la manière décrite par Munier

et al. (2004), les phases SiO2, AlO(OH), Ca(OH)2 et ZrO2 (Frugier et al. 2009). Un tel modèle

n’était alors applicable qu’à un seul type de verre et dans un domaine de pH très restreint.

Afin d’étendre le champ d’application du modèle GRAAL, une description plus détaillée de la couche amorphe a ensuite été entreprise. Celle couche est alors décrite à travers un ensemble de pôles purs (figure 4.2) constitués des différents éléments de la couche de gel (appauvri et passivant). Dans le modèle, la couche amorphe se forme par précipitation de ces pôles, selon leur indice de saturation. La réactivité des éléments précipitant dans la couche amorphe est supposée dépendre majoritairement de leur comportement en

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Gin 2010). Les données obtenues sur ces verres, contenant les éléments majoritaires de la couche amorphe Si, B, Na, Al, Ca et Zr, et dont la stœchiométrie est basée sur celle du verre nucléaire SON68, ainsi que des données de la littérature, ont permis de retenir les hypothèses suivantes :

 Le B n’est pas retenu dans la couche amorphe. Il est utilisé comme traceur de la dissolution du verre.

 Le Na est retenu sous forme d’ion Na+ au sein du gel pour compenser les charges des

entités AlO4- et ZrO62- (Angeli, Boscarino, and J-C 2001; Angeli et al. 2001; Angeli et al.

2008; Ledieu et al. 2005). Cette rétention se fait donc dans une stœchiométrie bien précise de 1 Na pour 1 Al et 2 Na pour 1 Zr.

 Le Ca est également retenu sous forme d’ion Ca2+ pour compenser les charges des

espèces AlO4- et ZrO62- au sein du gel(Chave et al. 2011). Cette rétention se fait donc dans

une stœchiométrie bien précise de 1 Ca pour 2 Al et 1 Ca pour 1 Zr.

 Lorsque les deux éléments Ca et Na sont présents simultanément, le Ca est retenu préférentiellement au sodium (Chave et al. 2011). Si la quantité de Ca est suffisante pour compenser toutes les charges au sein du gel, le Na n’est pas retenu dans la couche amorphe.

 À pH90 °C ≥ 9, le Si en solution interagit avec le Ca, imposant une activité en Ca quatre

ordres de grandeur en dessous de la portlandite (hydroxyde de calcium très soluble) (Frugier et al. 2009).

 L’Al diminue significativement l’activité du Si en solution à l’état stationnaire (Iler 1973; Oelkers and Schott 1994; Rajmohan, Frugier, and Gin 2010).

 Le Zr n’impacte pas l’activité du Si en solution à l’état stationnaire pour des rapports Zr/Si typiques des verres nucléaires (Rajmohan, Frugier, and Gin 2010).

 Lorsque l’activité du Si en solution atteint celle de la solubilité de la silice amorphe, un gel de silice pur se forme.

 On suppose enfin que les différentes phases constitutives de la couche amorphe, ainsi que les phases secondaires cristallisées réagissent (précipitent ou se dissolvent) en fonction de la composition chimique de la solution homogène. En d’autres termes, on néglige l’effet de conditions chimiques locales.

À l’aide de ces principes, un ensemble de pôles, dont les compositions reflètent les interactions entre éléments (Rajmohan, Frugier, and Gin 2010), a pu être isolé (figure 4.2).

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Figure 4.2 - Pôles purs décrivant la formation de la couche amorphe dans le modèle GRAAL pour les verres nucléaires

Les compositions et solubilités de ces pôles ont été ajoutés à la base de données thermodynamiques utilisée pour les calculs. Le modèle peut alors, en principe, être utilisé pour toutes les compositions de verres contenant tout ou partie des éléments considérés dans les pôles à 90 °C et pour des pH compris entre 7 et 9,5 à 90 °C, mais il n’a été appliqué qu’à des verres proches de la composition du verre nucléaire SON68. La méthodologie par laquelle ces pôles sont obtenus est détaillée dans la partie consacrée aux pôles du verre basaltique.

4.1.2.3 Loi de vitesse

La composition chimique de la couche amorphe étant décrite, il a fallu lier cette description chimique et thermodynamique au caractère passivant d’une partie de cette couche. Pour cela, le choix a été fait de n’attribuer qu’à un seul pôle les phénomènes de transport diffusifs (Frugier et al. 2008). Les propriétés de transport de ce pôle, baptisé IRP pour Interphase Réactive Passivante, sont modélisées par un coefficient de diffusion apparent constant et appliqué à tous les éléments du verre. Les autres pôles sont considérés comme non passivants. On peut alors représenter la pellicule d’altération de la manière suivante :

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Figure 4.3 - Représentation de la pellicule d’altération telle que définie dans le modèle GRAAL

Pour le verre SON68, l’IRP est constitué uniquement du pôle SiAl, tandis que le gel appauvri est formé de tous les autres pôles. Le contrôle du phénomène de passivation pa r le pôle SiAl résulte du constat phénoménologique suivant : une forte rétention du silicium est nécessaire à l’atteinte de l’état stationnaire et à l’observation d’une chute de vitesse. Or le pôle SiAl est le plus riche en silicium, c’est donc, dans le modèle, sa solubilité qui contrôle en premier lieu la concentration en Si. De plus, la stœchiométrie de ce pôle Si1Al0.033 traduit

l’effet qu’une petite quantité d’Al peut avoir sur la condensation du silicium. La réactivité de l’IRP avec la solution est décrite par un équilibre thermodynamique. La chute de la vitesse de dissolution du verre est alors décrite uniquement par la diminution d’affinité du mécanisme d’hydrolyse.

Deux cinétiques sont considérées dans le modèle GRAAL, regroupées en une seule équation. Tout d’abord, celle conduisant à la création de l’IRP à l’interface verre/IRP par hydrolyse du verre, phénomène limité cinétiquement par la diffusion de l’eau à travers l’IRP déjà formée. Cette vitesse est donc inversement proportionnelle à l’épaisseu r d’IRP et proportionnelle à son coefficient de diffusion. Ensuite, la dissolution de l’IRP se fait par hydrolyse à l’interface IRP/solution. Une loi d’affinité classique est appliquée pour modéliser la dissolution de l’IRP. Ainsi, les variations globales de l’épaisseur de l’IRP s’écrivent comme suit :

𝑑𝑥 𝑑𝑡

=

𝐷𝐼𝑅𝑃 𝑥

− 𝑟

0

(1 −

𝑄𝐼𝑅𝑃 𝐾𝐼𝑅𝑃

)

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Avec x l’épaisseur de l’IRP, DIRP le coefficient de diffusion apparent dans l’IRP, r0 la vitesse

initiale de dissolution de l’IRP à T et pH donnés, QIRP le produit d’activité ionique des

différents constituants de l’IRP et KIRP, la constante de solubilité de l’IRP.

La vitesse de dissolution initiale r0 et le coefficient de diffusion DIRP sont tous deux

dépendants du pH et de la température. Ils peuvent être mesurés expérimentalement et interpolés par une loi de puissance pour le pH et une loi d’Arrhénius pour la température.

𝐷

𝐼𝑅𝑃

= 𝑘

,

[𝑂𝐻

]

−𝑛

𝑒

−𝐸𝑎𝑅𝑇

𝑟

0

= 𝑘[𝐻

+

]

−𝑛′

𝑒

−𝐸𝑎𝑅𝑇

Les coefficients net n’étant positifs, les effets du pH sur r0et DIRPsont opposés.

Dans le code Hytec, il n’est pas possible d’écrire la transformation d’un solide en un autre solide. Ainsi, toute réaction chimique est écrite vis-à-vis des espèces de base, c’est-à-dire chacune des formes dissoutes choisies pour référence pour chaque élément chimique (voir exemple ci-dessous).

Exemple d’écriture de la réaction de dissolution du verre TD 5 en espèce de base :

Si1Na0.6411Al0.3225B0.011  1 H4SiO4 + 0,3225 Al3+ + 0,6411 Na+ + 0,011 B(OH4-) - 1,5976 H+ -

1,2232 H2O

Ainsi, la transformation du verre en IRP est formellement décrite dans le code via deux équations à bilan nul sur le silicium : une pour mettre en solution les éléments du verre et une autre pour les faire précipiter et former ainsi l’IRP. Cette transformation du verre en IRP est limitée cinétiquement par le transport diffusif de l’eau et des ions solvatés. Pratiquement, dans le code, trois cinétiques sont utilisées pour mettre en œuvre l’équation de variation de l’épaisseur de l’IRP :

 Une première équation appliquée au verre, qui exprime la chute de vitesse d’interdiffusion avec l’épaisseur d’IRP à traverser (Interdiffusion 1 dans figure 4.4).

 Une équation de dissolution de l’IRP en fonction de l’écart à l’équilibre vis-à-vis de l’IRP (Hydrolyse dans figure 4.4). Cette affinité à dissoudre l’IRP, calculée grâce au produit

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 Une équation dite de rétrodiffusion, appliquée à l’IRP, permet la formation de cette dernière par précipitation des éléments disponibles en solution (Interdiffusion 2 dans figure 4.4). Une hypothèse de base du modèle est de considérer que le silicium ne provient que de la dissolution de l’IRP. Afin de satisfaire cette hypothèse, il est nécessaire que la transformation du verre en IRP se fasse à bilan nul sur le silicium, du point de vue de la solution.

Figure 4.4 - Représentation de l’implémentation de la loi de vitesse du modèle GRAAL dans le code Hytec

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