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Chapitre 2 La physiopathologie de l’arthrose

II. Description

Au cours du processus arthrosique, le cartilage s’assombrit, se ramollit, ce qui a pour conséquences de modifier ses propriétés d’amortissement des chocs (Figure I.9). Il se fissure, s’érode et s’amincit pour ensuite disparaître totalement laissant l’os sous-chondral à nu. Ces changements provoquent des altérations osseuses avec une sclérose de l’os sous-chondral, la formation d’ostéophytes en marge des zones érodées et de géodes sous-chondrales.

Figure I.9 Représentations d’un genou sain (gauche) et d’un genou atteint d’arthrose (droite)

(http://www.lecosp.fr/genou/arthrose-genou.htm).

En se désagrégeant, le cartilage libère des fragments qui peuvent déclencher des réactions inflammatoires au niveau de la membrane synoviale. Les médiateurs inflammatoires alors libérés dans la cavité articulaire entretiennent le processus dégénératif en activant les enzymes protéolytiques et en diminuant la synthèse de la MEC (Figure I.10).

Figure I.10. Schéma général de la physiopathologie de l’arthrose

a Evolution du processus

Du point de vue anatomique, les lésions du cartilage articulaire peuvent être classées en 5 stades (Figure I.11), selon la classification arthroscopique de Beguin et al. qui considère le degré d’atteinte arthrosique (Peyron 1967); (Beguin et al. 1982).

Dans les stades I et II, les lésions sont dîtes chondrales car elles ne concernent que le cartilage articulaire sans atteindre la couche calcifiée ni l’os sous-chondral. Un cartilage mature est incapable de produire un néo-tissu de qualité permettant une réparation stable au niveau des lésions superficielles. Dans le meilleur des cas, le tissu normal situé en périphérie de la lésion tente de fournir des composants matriciels destinés à la réparation. Les lésions profondes de stade III et IV atteignent l’os sous-chondral au-delà de la tide-mark et de la zone calcifiée, d’où la dénomination de lésions ostéochondrales. L’espace médullaire s’ouvrant au fond d’une lésion ostéochondrale, la moelle osseuse renfermant des cellules précurseurs ainsi que des facteurs de croissance et des vaisseaux manquant au cartilage, participe à sa réparation (Caplan et al. 1997) ; (Hunziker 1999). Un caillot sanguin vient alors combler la lésion (Shapiro et al. 1993), les cellules mésenchymateuses présentes dans ce caillot étant capables de se différencier en chondrocytes. A un stade ultérieur, le tissu de réparation qui présente un aspect cartilagineux mais reste de nature fibrocartilagineuse atteint la surface articulaire. Sa tenue mécanique est réduite et tend à se dégrader à long terme (Hangody et al.

1998).

b Dégradation des constituants du cartilage

Au cours de l’arthrose, l’expression des protéases est augmentée alors que celle de leurs inhibiteurs est diminuée sous l’effet des cytokines pro-inflammatoires (Belcher et al.

1996) ; (Martel-Pelletier et al. 1994). Les MMPs les plus exprimées sont la MMP-1 (collagénase 1), la MMP-13 (collagénase 3), la MMP-3 (stromélysine 1) et la MMP-9 (gélatinase B). La localisation de la MMP-1 dans la couche superficielle du cartilage laisse supposer qu’elle est davantage impliquée dans les phases précoces de l’arthrose (Nguyen et al. 1992). La présence de la MMP-13 dans toutes les couches du cartilage traduit le caractère irréversible de l’atteinte articulaire (Moldovan et al. 1997). La MMP-8 a également été mise en évidence dans le cartilage articulaire au cours de l’arthrose alors qu’elle n’est pas décelée dans un cartilage sain (Shlopov et al. 1997). La particularité de cette MMP est de cliver l’agrécane en un site particulier entre les domaines G1 et G2 (Fosang et al. 1994) qui est également celui de l’agrécanase (Lark et al. 1995) ; (Tortorella et al. 1999). Certains fragments générés sous l’action des protéases peuvent être reconnus par des récepteurs présents à la surface des chondrocytes qui ainsi stimulés produisent à leur tour des protéases et des médiateurs inflammatoires.

A la suite de leur dégradation par les MMP-1, -8 et -13, les collagènes de la matrice cartilagineuse perdent leur structure en triple hélice (Billinghurst et al. 1997) et deviennent

beaucoup plus sensibles à l’action des protéases. Un nouvel équilibre s’installe alors entre la pression osmotique générée par les PGs et la tension des fibres de collagènes qui ne peuvent plus restreindre l’entrée d’eau dans le cartilage. Le turn-over des collagènes étant très lent, une atteinte du réseau fibrillaire rend irréversible une atteinte du cartilage (Hasty et al. 1990).

Bien que le renouvellement de l’agrécane soit plus rapide que celui des collagènes, sa dégradation conduit à une diminution des propriétés rhéologiques du cartilage. L’agrécane clivé entre les domaines globulaires G1 et G2 perd sa capacité à s’agréger sur l’AH, ce qui facilite sa fuite hors de la matrice cartilagineuse. Le domaine G3, qui possède un site de reconnaissance des lectines, est également la cible de protéases. L’hydrolyse de la protéine dans les régions E1 et E2 portant les chaînes de chondroïtines sulfates est moins fréquente et caractéristique d’une destruction du cartilage déjà avancée (Ilic et al. 1992).

c Modifications chondrocytaires

Les phases précoces de l’arthrose se caractérisent par une prolifération cellulaire et une hypertrophie chondrocytaire qui sont interprétées comme des tentatives de réparation : la synthèse de l’agrécane (Gaffen et al. 1997), des petits PGs (biglycane, décorine et fibromoduline) (Cs-Szabo et al. 1997), ainsi que celles des collagènes de type II et de type VI (Aigner et al. 1997) ; (Ronziere et al. 1990) est accrue. Une modification du phénotype chondrocytaire survient cependant à un stade plus avancé de la maladie. Elle aboutit à la production de collagène de type I, III et X qui altèrent les propriétés biomécaniques du cartilage articulaire (Matyas et al. 1999), ceci contribuant certainement à l’entretien des phénomènes dégénératifs.

d Rôle de l’os sous-chondral

L’arthrose peut être considérée comme une maladie du cartilage mais celui-ci n’est pas la seule cible puisque l’os sous-chondral est aussi atteint (Lajeunesse et Reboul 2003). Ainsi, ces changements de l’os accompagnant l’arthrose apparaissent assez tôt au cours du processus pathologique (Buckland-Wright et al. 2000). L’étude des paramètres histomorphométriques a mis en évidence une relation étroite entre la dégradation du cartilage et les modifications de l’os sous-chondral (Botter et al. 2009), les changements structuraux de l’os sous-chondral précèdant la diminution de l’épaisseur du cartilage et du pincement articulaire (Buckland-Wright 2004). Pour certains auteurs, le remodelage osseux anormal serait à l’origine de l’arthrose alors que pour d’autres, la perte de cartilage serait l’évènement primaire devant les

une activité métabolique élevée des ostéoblastes qui résulte d’une déminéralisation de la matrice osseuse (Lajeunesse et Reboul 2003).