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Partie III – Une approche pédagogique sur-mesure pour un public spécifique ?

Chapitre 14 Des pratiques pédagogiques universitaires concrètes

L'objectif de ce quatorzième et dernier chapitre de cette troisième partie théorique met en exergue des pratiques pédagogiques qui existent à l'université. Il se décline en cinq points. Un premier point soulève les réticences possibles et à dépasser pour aller au-delà des représentations. Le deuxième point met en lumière trois expériences cohésives d'enseignants- chercheurs passionnés par leur métier. Du sur-mesure en l'absence de certitudes est l'objet du troisième point. Un quatrième point se penche sur le pari d'éducabilité. Enfin le cinquième et dernier point s'intéresse à pourquoi et comment légitimer la pédagogie.

1. Au-delà des représentations

Même si l'enseignement fait partie des missions de l’université, la pédagogie universitaire s’inscrit depuis quelques années en France dans un contexte social de démocratisation des études supérieures et une volonté politique de réussite. Le processus de Bologne en 1999, en harmonisant l'organisation des cursus au plan européen pour favoriser, entre autres, la mobilité des étudiants et leur insertion, met en œuvre une forme de concurrence entre universités.

En effet, Nicole Poteaux (2013) souligne que le point d'orgue n'est plus seulement la transmission du savoir par l'enseignant mais les connaissances et les compétences que l'étudiant acquiert et s'approprie. Ce changement de paradigme est aussi une révolution culturelle de la tradition universitaire française alors que certains pays anglo-saxons travaillent dans cette dynamique pour et avec les étudiants depuis longtemps.

"On a toujours eu tendance à considérer qu’un bon chercheur ne pouvait être qu’un bon enseignant, dans la mesure où celui qui participe à la production de connaissances nouvelles semble a priori bien placé pour en assurer ensuite la transmission" (Parmentier, 2006, p. 199). Or, cela ne va pas systématiquement de soi et est davantage remis en question avec la massification qui soulève des questions liées à la motivation, au niveau des nombreux étudiants qui s'inscrivent à l'université parfois dans une filière qu'ils n'ont pas toujours choisie (refus de leur dossier dans les institutions sollicitées) ou pu choisir (par manque de places à l'université).

où des étudiants minoritaires et élitistes y venaient par choix, intellectuellement prêts à se nourrir du savoir enseigné.

Dans les faits, une majorité d’universitaires se contentent de transmettre les résultats de leurs recherches sans s’intéresser à la dimension pédagogique ne se sentant pas concernés par l’échec des étudiants (Albero, Linard, Robin, 2008), se considérant avant tout comme des chercheurs. Pour Nicole Poteaux, "ces représentations sociales montrent que l’université vit encore une fracture entre les tâches intellectuelles "nobles" et les tâches pratiques marginalisées et dévalorisées" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 56). L'enseignement au sens large et la pédagogie en particulier ont une connotation négative qui ne date pas d'hier comme explicité précédemment au chapitre 11.

En plus de la recherche, certains enseignants passionnés par leur métier de chercheur mais aussi d’enseignant inventent de nouvelles pratiques, au-delà du cours magistral, pour aider les apprenants dans leur parcours universitaire. En effet, les pédagogies actives semblent plus appropriées pour développer certaines compétences également requises dans le monde professionnel comme la créativité ou l'innovation. Ainsi, pour répondre aux besoins des nouveaux étudiants, des enseignants cherchent des pratiques pédagogiques innovantes et efficaces mais qui restent néanmoins disséminées (Rege Colet, Romainville, 2006).

Les trois expériences suivantes, loin d'être exhaustives et à contre-courant, permettent de découvrir des possibilités concrètes, y compris en France, en termes d'accompagnement d'adultes en reprise d'études à l'université mais pas seulement et ce, dès l'accueil. Ces pratiques innovantes sont une occasion de comprendre pourquoi et comment ce type d'expérimentations se réalisent sur le terrain universitaire.

2. Trois expériences cohésives d'enseignants-chercheurs passionnés

La première expérience pointe l'importance d'un accueil, propédeutique à l'entrée à l'université. La deuxième met sur le devant de la scène quatre pionniers qui ont cherché à innover à l'université tout au long de leur carrière. Enfin, la troisième expérience s'intéresse à la fois à enseigner et apprendre à distance.

Un accueil universitaire

La création de ce cours d'accueil, proposé par Jean-Louis Le Grand en 1994-1995, a été expérimenté puis décrit et analysé en 2000 par Christian Verrier dans un de ses textes intitulé

Pour une pédagogie universitaire d'accueil71. Cette semaine d'accueil est toujours d'actualité à l'université Paris 8.

A travers une approche pédagogique particulièrement accueillante, cet enseignant-chercheur explicite comment transmettre des connaissances de base théoriques et méthodologiques à des adultes novices qui souhaitent intégrer une première année de licence en sciences de l'éducation. Il s’agit de créer un enseignement d’accueil pour donner les premières clés, pallier les manques voire les "handicaps socio-culturels" (Bourdieu et Passeron, 1964). L'objectif étant de donner toutes les chances à ces apprenants de réussir en se familiarisant avec l'institution, les savoirs et les savoir-faire à acquérir tout en écoutant aussi leurs doutes, leurs questionnements, leurs attentes à travers leurs expériences.

Christian Verrier est très attaché à la notion d’accueil : "accueillir, cela veut dire créer une situation humaine qui fasse que de nouveaux arrivants se sentent "bien", en quelque sorte "chez eux", institutionnellement parlant" (Verrier, 2000, p. 23) avec comme principe de rendre l’université abordable alors qu’elle peut être appréhendée comme impressionnante et parfois inaccessible. Aussi, selon lui, la pédagogie active s’impose pour cet accueil universitaire qui s'appréhende dans "un climat convivial, une atmosphère de confiance, une dynamique de groupe satisfaisante reposant sur une écoute attentive" (Verrier, 2000, p. 25). Aussi, il n'hésite pas à construire une pédagogie "chaude" contrairement à la pédagogie "froide" du monde universitaire que ces adultes rencontreront probablement aussi dans le cadre de leurs études.

L’auteur revient sur cette notion de plaisir, fondamentale pour apprendre par "un climat de "parole ouverte", de jeu, d’humour" (Verrier, 2000, p. 23) pour rendre les diverses connaissances accessibles. Néanmoins, il ne cache pas les exigences universitaires, la charge de travail que demande l'engagement en formation et les efforts intellectuels qui seront nécessaires pour apprendre et progresser. Aussi, son approche pédagogique cherche à rassurer, encourager et intéresser ces étudiants pour aller plus loin, de manière fiable et solide, tout au long de leur parcours universitaire. C’est une façon de redonner confiance à ceux qui ont connu des échecs, de leur donner envie, malgré la complexité, de désirer apprendre.

Il instaure un environnement propice à l’écoute, à la confiance et au respect mutuel. Pour lui, la sympathie entre étudiants est rarement prise en considération alors qu’elle lui paraît pourtant cruciale. Les travaux en petits groupes sont préconisés pour favoriser les échanges collectifs et sont aussi l'occasion d’apprendre à travailler ensemble sur des textes, des auteurs, à développer un esprit d’analyse et de synthèse, à prendre la parole en public pour présenter un exposé ou une fiche de lecture. Selon lui, le rôle de l’enseignant est d'accompagner ces travaux et d’inviter "à lire, à chercher, à critiquer, à se forger son propre point de vue par soi- même" (Verrier, 2000, p. 6).

Le cours magistral qu’il essaie néanmoins d’éviter est parfois incontournable notamment lorsqu'il s'agit de présenter la pluralité des disciplines de sciences de l'éducation ; il devient "magistral dialogué" à travers une posture de "questionneur échangeur mixte", "moniteur- guide" et rompt ainsi "avec les relations verticales de transmission des savoirs" propres à l’enseignement universitaire (Verrier, 2000, p. 25).

Il met en exergue l’importance du travail cohésif entre enseignants qui grâce aux échanges d’idées et à la confrontation des diverses expériences permettent de créer une dynamique efficace quant à l’enseignement sur le terrain avec les étudiants.

Ce type d’accueil préalable ou propédeutique à l’entrée à l’université semble essentiel, voire déterminant quant à l’engagement pour des études sur plusieurs années.

Pour cet enseignant-chercheur, cet accueil de base serait judicieux voire indispensable tout au long des études quel que soit le cursus et le diplôme préparé. En effet, il est possible d'intégrer une licence ou un master sans avoir fait d'études supérieures, sans connaître les codes, sans avoir eu l'occasion d'écrire de mémoire ni d'avoir lu d'ouvrages spécifiques de recherche, quand certaines personnes réintègrent l'université mais dans une autre discipline avec des exigences très différentes.

En effet, combien d'étudiants, quel que soit leur âge, s'inscrivent à l'université en se contentant d'imaginer ce qui les attend uniquement à travers des maquettes de cours ?

Innover à l'université

a/ Quatre parcours de pionniers

sciences de l'éducation et en chimie à l’université à travers l’aventure pédagogique de quatre enseignants-chercheurs : deux femmes et deux hommes de disciplines différentes choisis pour leur côté avant-gardiste et associés tout au long de la recherche.

. Nicole Bernard72, professeur en biologie à Paris 6-Pierre et Marie Curie pendant plus de 30 ans a progressivement créé, développé et dirigé L'UTES (L'Usage de Technologies Educatives en Sciences) au détriment de ses travaux de recherche. Ce centre de ressources numériques, transversal à plusieurs disciplines scientifiques, permet à des étudiants d'utiliser des logiciels en libre accès, de bénéficier de pratiques pédagogiques encadrées par des enseignants-chercheurs dans un environnement attrayant. Cette pédagogue a su innover aussi sur le plan architectural, au niveau de l'ergonomie mais aussi des couleurs des espaces afin qu'étudiants et enseignants s'approprient les lieux et l'usage des technologies.

Dès la première initiative originelle d'un didacticiel pour des étudiants en biologie qui a donné naissance à l'UTES, elle a toujours œuvré en équipe et est convaincue que c'est le partenariat qui permet un travail et des produits de qualité. Les informaticiens répondent aux demandes des pédagogues qui eux-mêmes s'adaptent à celles des étudiants. D'autres didacticiels ont été créés, toujours innovants. La démarche de ces pionniers créatifs s’est inscrite dans l’innovation et la recherche, le propre de leur métier et au service de propositions pédagogiques pour répondre à des besoins.

Pour Nicole Bernard, cette période très créative est aussi "une grande jubilation intellectuelle" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 32). En effet, le petit groupe d'enseignants-chercheurs passionnés par la pédagogie participant à cette innovation éprouvent beaucoup de plaisir dans ces échanges animés y compris lorsqu'ils ne sont pas d'accord.

Ce premier didacticiel est un produit pédagogique nouveau qui intéresse leurs pairs et va recouvrer leur soutien. Même si ces projets ne sont pas conformes aux habitudes, ils doivent s'inscrire au sein de l’université, aussi Nicole Bernard se soucie du politique et cherche à être légitime auprès des décideurs. Elle rend hommage aux différents présidents d'université qui l'ont soutenu car sans eux, le centre de ressources n'aurait pu ni exister, ni perdurer, ni évoluer.

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Nicole Bernard est aujourd'hui retraitée – L'UTES est toujours d'actualité à UPMC Sorbonne universités et se décline en 3 axes : offrir aux étudiants et enseignants un lieu permettant "d'utiliser des ressources numériques dans d'excellentes conditions" en libre service ou en cours. Créer des ressources numériques pour permettre aux étudiants de travailler en autonomie et accompagner les enseignants dans l'utilisation de ressources matérielles

Reconnue, elle sait être ferme et diplomate et se définit comme une femme de terrain, dans l'action, qui agit selon des convictions et des valeurs, laissant de côté un parcours carriériste. Sa démarche est rigoureuse et rationnelle. Innover, c'est progresser sans gêner, en ménageant les susceptibilités et les tensions. Aussi, il lui semble évident de travailler "avec les membres de sa communauté universitaire et surtout pas contre eux" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 37).

Pour se consacrer en partie à l'innovation pédagogique, un mi-temps lui a été octroyé tout au long de sa carrière. Sa charge de travail est néanmoins conséquente. Elle se soucie de ""l’ouvrage bien fait" qui lui vient de son éducation" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 40). Attachée aux conditions de travail des membres de son équipe à L'UTES, exerçant dans l'ombre à l'université et avec passion, elle veille à leur "bien-être".

Dans le même sens, en cours avec les étudiants, l'attention à chacun n'enlève rien à l'exigence intellectuelle en associant des "qualités de cœur et la rigueur de la raison" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 38).

. Michel Armatte73 est maître de conférences à Paris-Dauphine depuis 1968 et responsable de CANEGE (Campus numérique en économie et gestion), un des premiers en France.

Créateur et dans l'action sur le terrain, il était à l'initiative d'une première plateforme à distance qui n'a pas remportée le succès espéré. Cette expérience lui a fait prendre conscience que ce type d’innovation s'insère dans une aventure humaine et collective et qu’il est nécessaire de se focaliser sur ""le cœur de son métier", à savoir pour l’université, la mission de formation, l’enseignement et les contenus à transmettre" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 43).

Créé en 2000 dans le cadre de "Campus numérique" subventionné en partie par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, CANEGE regroupait cinq universités en partenariat avec le CNED. Chaque université proposait plusieurs formations diplômantes à distance. Pour ce type d’apprentissage, des temps en présentiel sont à prendre en considération. En effet, certains apprenants ont fait la demande de pouvoir disposer d'une salle pour rencontrer d'autres étudiants, partager et s'entraider.

73 Michel Armatte est toujours maître de conférences à Paris-Dauphine et chercheur au Centre Alexandre Koyré

(CNRS-EHESS). Les partenaires de CANEGE sont membres de l'association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion - AUNEGE. www.aunege.fr.

L'Université Numérique Thématique en Economie et Gestion a été créée en 2005 s'inscrivant dans la politique de développement des TICE du Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui ne soutenait plus les campus numériques ni les dispositifs de formation à distance. L'université Paris-Sud

Ce campus, dont les enjeux économiques et organisationnels sont de taille, est coordonné par un chef de projet, Michel Armatte, un comité de pilotage et des référents techniques et administratifs. Des enseignants rédigent des supports de cours qui sont ensuite travaillés avant d'être mis en ligne quand d'autres enseignants assurent le tutorat sans statut spécifique pour accompagner les étudiants à distance tout au long de leur cursus.

Michel Armatte se questionne : les enseignants-chercheurs sont-ils prêts à se lancer dans une aventure nouvelle, avec une charge de travail conséquente ? Et à terme de suivre individuellement de nombreux étudiants à distance "susceptibles d’exiger des enseignants une réactivité dans l’instant ?" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 44) alors que la pédagogie n'est pas valorisée à l'université. Pour les plus opiniâtres, intéressés par de nouvelles pratiques pédagogiques, cet universitaire propose "un accompagnement par un centre d’ingénierie pédagogique" qui assure aussi un encadrement technique et un soutien réflexif (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 49).

En effet, créer un cours en ligne "revient à exercer un nouveau métier" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 49). Selon Michel Armatte, les talents d'acteur et d'orateur ne sont plus suffisants. Pour un même cours, il tient compte des apprenants et leur propose différentes entrées possibles : cours rédigé, exemples concrets, discours plus abstrait ou détour par l’histoire ou encore projets de manipulations. Ainsi, il pense à la diversité de son public qui s’inscrit à distance pour de multiples raisons et essaie d’offrir un choix plus large pour qu'ils s’approprient les connaissances à acquérir en tenant compte des différents profils pédagogiques. Ces alternatives sont réellement chronophages et s'inscrivent bien au-delà des heures dévolues habituellement à l'enseignement à l'université. Comment demander à des enseignants de s'impliquer et avec quelle reconnaissance ?

Michel Armatte ne cache pas son épuisement face à ses diverses missions car au-delà de ce projet, il est aussi enseignant-chercheur et directeur d'UFR.

. Nicole Poteaux74 exerce à l'université Louis Pasteur à Strasbourg depuis 1989. Elle est à l’initiative de la création des CRL – des centres de ressources en langues étrangères. Décrite comme une anticonformiste, l'université va lui permettre de répondre à ce besoin d'être dans l'action, dans la réalité du quotidien pour proposer des changements, coordonner et organiser.

74 Nicole Poteaux est aujourd'hui professeur émérite en sciences de l'éducation à l'université de Strasbourg.

Les sept Centres de Ressources de Langues à l'université de Strasbourg accueillent plus de 10 000 étudiants. Un CRL est un lieu composé de cinq espaces : lecture, vidéo, audio, informatique, salle de conversation et

Ce penchant pour l’innovation, elle le doit à un enseignant-chercheur qui l'a accompagnée dans le cadre d'une maîtrise d'anglais. Passionné de pédagogie, il est à l'origine d'un tout premier laboratoire de langue dans les années 1960. Ce "mentor" pour Nicole Poteaux l'a sollicitée en formation continue à l'université puis autour de l'apprentissage des langues en autonomie à l'université.

Ce projet est une réussite même s'il ne remporte pas l'adhésion de tous. Elle est convaincue que "le tutorat, la préprofessionnalisation ou encore la pédagogie qui semblent a priori si "accessoires" sont fondamentales pour le fonctionnement de l'université" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 55) et notamment en contexte concurrentiel et de baisse des effectifs étudiants. Elle est "reconnue par la communauté universitaire" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 54), capable de mobiliser autour de valeurs communes. En signe de reconnaissance de son implication, à la demande d'un président d'université, elle a reçu la Légion d'honneur.

Sa volonté est de respecter le rythme de chacun dans son processus d’apprentissage et surtout de croire en les capacités de progrès de tous les étudiants. Nicole Poteaux défend la démocratisation du savoir à l’université et pense que le rôle des enseignants est d'aider les apprenants. Elle précise aux enseignants qui souhaitent travailler avec elle : ""ici plus question d’être une star !". Autonomie, parcours individualisé, rythme singulier sont les maîtres-mots de la pédagogie qu’elle défend." Elle milite pour que le professeur exerce "un métier de coulisses", "refusant d’être sur le devant de la scène." En fait, elle est défavorable au système élitiste et pense que la pédagogie traditionnelle est "inefficace et périmée" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 58). Elle préconise un accompagnement plus individualisé à travers des petits groupes d'apprenants suivis par une équipe d'enseignants référents, spécialistes d’une discipline pour davantage d'interactions permettant ainsi aux étudiants d'être plus acteurs de leur formation.

En parallèle, Nicole Poteaux a créé une structure de pédagogie inter-universitaire destinée aux enseignants qui souhaitent réfléchir, échanger quant à leurs pratiques pédagogiques mais aussi mutualiser leurs expériences et leurs compétences. Quelques professeurs animent ce "réseau de passionnés pour toutes les questions relevant de la pédagogie" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 55). Mais dans les faits, ces pratiques d’autoformation et d’accompagnement d’étudiants ne sont pas appréciées à l’université quand enseigner en amphithéâtre est une mission jugée comme "beaucoup plus sérieuse et prestigieuse." Si l’enseignement et la recherche font partie des activités instituées, la pédagogie, difficilement mesurable, "ne peut bénéficier que d’une reconnaissance relative et limitée" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 56).

Son dynamisme, autour de ces divers projets pédagogiques novateurs, se traduit par une suractivité où être sur tous les fronts est parfois harassant.

. Alain Rahm75 est enseignant-chercheur à l'université de Bordeaux depuis 1968. Il crée puis dirige avec une équipe enthousiaste l'Espace Alpha, un centre d'autoformation (audiovisuel et informatique) destiné aux étudiants – dont le nombre ne cesse d'augmenter – et aux enseignants. L'objectif de ce lieu est celui de produire des échanges et de la créativité. Aussi pour lui, c’est "un espace interdisciplinaire, interculturel et intergénérationnel" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 68).

Lors de son DEA en chimie, il est nommé assistant et a la possibilité d’enseigner mais l’intérêt qu’il rencontre pour la pédagogie est loin d'être apprécié. Son directeur de thèse et celui du laboratoire lui rappellent que "la tâche essentielle et première d’un universitaire est la recherche et que la pédagogie est tout à fait seconde, pour ne pas dire secondaire" (Albero, Linard, Robin, 2008, p. 61). Malgré ce discrédit clairement affiché, Alain Rahm est certes