PARTIE II : P-IMPLIQUES PREMIERS
3.1 Des modèles préférés
Définition 38 (D-interprétation)
Soit D⊆S un ensemble de symboles propositionnels. Soit α∈FPS. On appelle D-interprétation une fonction de D
vers {vrai,faux}. C’est la restriction d’une interprétation du langage aux seuls symboles de D. On notera ID
l’ensemble des D-interprétations. Une D-interprétation I D-satisfait une formule α ssi ∃M un modèle de α tel que I⊆M. Une D-interprétation qui D-satisfait une formule α est appelée D-modèle de α.
Dans la suite du document, nous représenterons une D-interprétation par l’ensemble des littéraux qu’elle satis- fait.
Nous allons maintenant ajouter à la logique classique une relation de préférence entre les interprétations, et plus précisément sur les D-interprétations. Soit ∝ un ordre partiel strict entre les D-interprétations. Si D=S alors nous retrouvons la logique préférentielle classique de [Shoham 1987].
Soient M1,M2∈ ID. M1∝ M2 signifie que la D-interprétation M2 est strictement préférée à la D-interprétation M1.
Nous pouvons alors définir une nouvelle sémantique pour notre logique :
- les D-interprétations préférées d’un ensemble F de D-interprétations sont les éléments maximaux de F pour ∝.
- Une D-interprétation M D-satisfait préférentiellement la formule α (M |=Dα) ssi M D-satisfait α et M est maximale pour ∝ dans l’ensemble des D-interprétations qui D-satisfont α. M est appelée un D-modèle préféré de α.
Définissons par exemple un ordre partiel strict entre nos D-interprétations. Cet ordre partiel sera syntaxique : nous allons préférer les modèles contenant le plus de littéraux négatifs (cf. modèles minimaux de Herbrand), ou plus généralement contenant un maximum de littéraux « préférés ».
Définition 39 (D-interprétation préférée)
Soit D⊆S. Soit (Pref,Npref) une partition des littéraux de LD telle que Pref est une D-interprétation (donc Npref
l’est aussi). Pref est la D-interprétation maximale pour notre relation ∝ dans ID. Npref est la D-interprétation
minimale pour ∝ dans ID. Soient M1 et M2 deux D-interprétations. M2 est préférée à M1 (noté M1∝ M2) ssi
M2∩Npref ⊂M1∩Npref ssi M1∩Pref ⊂ M2∩Pref.
Littéralement, cela signifie que M2 est préférée à M1 ssi la partie non préférée de M2 est incluse dans celle de M1.
On retrouve dans cette définition la restriction à un ensemble consistant de littéraux. Par contre, nous travaillons ici sur une D-interprétation et pas seulement sur sa partie non préférée.
On peut montrer que E∧ est un impliquant P-restreint premier de α ssi (E∪(P\E)¬) est un D-modèle préféré de α pour D=symboles(P) et Pref=P¬.
Lemme 2 (équivalence entre les impliquants P-restreints et les D-modèles)
Soit α∈FPS. Soit P⊆LS un ensemble consistant de littéraux. Soit D l’ensemble des symboles de P. Soit E⊆P. E∧
est un impliquant P-restreint de α ssi (E∪(P\E)¬) est un D-modèle de α.
Preuve :
) Soit E∧ un impliquant P-restreint de α. D’après la Proposition 20 page 61, ∃ M un modèle de α tel que (E∪(P\E)¬) ⊆ M. Comme D est l’ensemble des symboles de P, (E∪(P\E)¬) est une assignation de tous les symboles de P, donc c’est un D-modèle.
⇐) Soit M un D-modèle de α. Alors ∃ M’ un modèle de α tel que M⊆M’. Soit E = M∩P. On montre facilement que M = (E∪(P\E)¬). On a donc E = M∩P ⊆ M’∩P. Supposons E⊂M’∩P. Alors ∃ p∈P tel que p∈M’ et p∉M. Comme M est une D-interprétation on a donc ¬p∈M. Donc p∈M’ et ¬p∈M. Contra- diction. Donc M’∩P=E. Donc E est un impliquant P-restreint de α.
Formalisations
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Proposition 27 (équivalence entre un impliquant P-restreint premier et un D-modèle préféré)
Soit α∈FPS. Soit P⊆LS un ensemble consistant de littéraux. Soit D l’ensemble des symboles de P. Soit E⊆P. E∧
est un P-impliquant premier de α ssi (E∪(P\E)¬) est un D-modèle préféré de α pour Pref=P¬ et Npref=P. Preuve :
) D’après le lemme précédent, (E∪(P\E)¬) est un D-modèle de α. Nous devons montrer que c’est aussi un D-modèle préféré. Supposons que ce soit faux. Donc ∃ M un D-modèle de α tel que (E∪(P\E)¬) ∝ M, c’est à dire M∩Npref ⊂ (E∪(P\E)¬) ∩Npref. Or si nous posons Npref = P et Pref=P¬ (ce qui respecte les conditions sur Pref et Npref), nous obtenons E’= M ∩ P ⊂ E. Donc ∃ E’⊂E tel que E’∧ est un impliquant P-restreint de α. Cela contredit le fait que E∧ soit premier.
⇐) Soit M un D-modèle préféré de α. M∩P est un impliquant P-restreint de α. Supposons que M∩P ne soit pas premier. Donc ∃ M’ un modèle de α tel que M’∩P⊂M∩P. Or (M’∩P)∪(M’∩P¬) est un D- modèle de α (lemme précédent). Donc M ∝ (M’∩P)∪(M’∩P¬). Donc M n’est pas un D-modèle préfé- ré de α. Contradiction.
Le terme « préféré » nous a été reproché lorsque nous avons publié nos travaux dans [Castell, et al. 1996] car nous utilisons une relation de préférence « syntaxique » très spéciale, qui ne correspond pas vraiment à la notion de préférence usuelle en raisonnement non monotone (qui est plutôt sémantique). C’est pourquoi nous avons changé la terminologie dans [Le-Berre 1996].
3.2 … aux P-sous-modèles possibles …
La notion de sous-modèle restreint est exactement notre actuelle notion d’impliquant P-restreint.
Définition 40 (P-sous-modèle possible)
Soit α une formule de FPS. Soit P un ensemble consistant de littéraux. On dira que p⊆P est un P-sous-modèle
possible de α ssi il existe un modèle de α dont p est la restriction à P : ∃M un modèle de α tel que M∩P=p. Nous définissions alors la notion de P-impliquant restreint :
Définition 41 (P-impliquants restreints)
Soit α une formule de FPS. Soit P un ensemble consistant de littéraux. On dira que p⊆P est un P-impliquant restreint de α ssi toute interprétation contenant p est un modèle de α
Ces notions étaient maladroites car elles redéfinissaient une notion déjà existante : la notion de P-impliquants, et ne réussissait pas à donner l’intuition de la sémantique associée à la notion de P-sous-modèles possibles. La prochaine étape sera la bonne.
3.3 … jusqu’aux modèles P-restreints
Nous présentons enfin dans [Castell, et al. 1998] une sémantique proche de celle présentée dans cette thèse : la notion de modèle P-restreint.
Définition 42 (Modèle P-restreint)
Soit α une formule de FPS. Soit P un ensemble de littéraux. On dira que p⊆P est modèle P-restreint de α ssi il
existe un modèle de α dont p est la restriction à P : ∃ M modèle de α tel que M∩P=p.
On peut montrer que si l’on prend pour P un ensemble consistant de littéraux, alors la notion de modèle P- restreint et celle d’impliquant P-restreint sont équivalentes.
En effet, Supposons que E soit un impliquant P-restreint de α. Alors ∃ I un impliquant de α tel que I∩P=E. Nous pouvons maintenant construire un modèle M de α tel que M∩P=E en complétant I par un ensemble consis- tant de littéraux n’apparaissant pas dans P (Si P est inconsistant, c’est à dire contient deux littéraux complémen- taires, il n’est pas toujours possible de construire un tel modèle). Donc E est aussi un modèle P-restreint de α.
Contre exemple : Soit BC = { A, c } avec S={A,B,c} et P={A,B,¬B}. BC admet deux modèles , A∧¬B∧c et A∧B∧c qui donnent deux modèles P-restreints A∧¬B et A∧B. A∧c est un impliquant de BC. On en déduit l’impliquant P-restreint A. Il est impossible de construire un modèle M∧ de α tel que M∩P={A} car M doit
Partie II : P-impliqués premiers
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contenir B ou ¬B (donc M∩P={A,¬B} ou M∩P={A,B}). Si P={A,¬A,B}, alors c’est possible car pour chaque littéral de P restant à satisfaire, son complémentaire n’est pas dans P : on prendra M = {A,¬B, c}.
Si maintenant P={A,¬B}, il est toujours possible de construire M.
Nous allons maintenant nous intéresser à la complexité de ces différents algorithmes. Nous étudierons tout d’abord celle-ci dans le pire des cas et ensuite nous essayerons de rapprocher ces résultats des observations faites sur nos implantations des ces algorithmes.