• Aucun résultat trouvé

Des éléments en faveur d’une singularité marquée

Partie II : Le cas particulier du sujet noir

II. Des éléments en faveur d’une singularité marquée

1) Une sensibilité accrue au sel largement évoquée

La sensibilité au sel correspond à l’élévation de la pression artérielle qui suit l’ingestion d’une grande quantité de sodium. En effet, par des mécanismes déjà évoqués, le lien entre sodium et pression artérielle est évident.

Il a été clairement établi à travers plusieurs études que les afro-américains, hypertendus ou non, subissent une élévation plus importante de la pression artérielle après ingestion de sel contrairement aux autres groupes ethniques(139),(140).

Chez les jeunes adultes de 18 à 23 ans, après 14 jours d’un régime enrichi en sodium, on mesure une élévation de pression artérielle pour 37% chez les jeunes afro- américains et seulement pour 18% des américains blancs(141). Les personnes les

moins sensibles au sel ont une meilleure excrétion urinaire du sodium. Pour les autres, l’élévation de la pression artérielle va de pair avec une prise de masse corporelle. L’excrétion urinaire de sodium des jeunes sensibles au sel n’est pourtant pas à remettre fondamentalement en cause : il semblerait plutôt que l’augmentation de la pression artérielle soit liée à des modifications des résistances périphériques.

D’après cette étude, il a été démontré la capacité du sel à modifier la réactivité vasculaire, et dans une moindre mesure à potentialiser les effets du système nerveux sympathique. En effet, des recherches sur modèle animal démontrent une altération des réponses neurohormonales en cas d’HTA liée au sel(142). Les rats présentent après

six semaines d’ingestion de fortes doses de sodium : - Une activité augmentée de la noradrénaline.

- Une augmentation de l’entrée de calcium dans les cellules

- Une altération de l’activité de la pompe transmembranaire sodium – potassium. Une étude, japonaise toujours chez le rat conforte ces constatations en concluant à une activité sympathique plus élevée à la suite d’un régime riche en sel. Après 6 semaines, les chercheurs ont observé une activité du baroréflexe augmenté chez des rats auparavant normotendus. Chez les rats déjà hypertendus, le sel a non seulement aggravé l’HTA mais également causé une suractivité sympathique et une altération du système baroréflexe(143).

85

Pour mesurer l’impact de la consommation de sodium, une expérience visant à interrompre un régime alimentaire faible en sel chez des afro-américains a été réalisé. Le retour à une alimentation plus riche en sodium occasionne une augmentation de plus de 5% de la pression artérielle chez 27% des personnes normotendus et 50% des personnes souffrant d’HTA(144). En réalisant la même expérience chez le sujet

caucasien, on obtient des résultats identiques pour seulement 15% et 24% des normotendus et hypertendus.

À la vue de ces nombreux éléments, la sensibilité au sel paraît être une piste étiologique solide dans la pathogénèse de l’HTA chez les populations noires, même si tous les mécanismes de ce phénomène ne sont pas encore bien connus. Une composante héréditaire est très certainement à craindre(145),(146).

2) Une activité sympathique excessive

Des chercheurs suggèrent, indépendamment de l’action du sel, une stimulation sympathique chronique importante en réponse à différents facteurs environnementaux et sociaux.

Le stress est un facteur qui va agir sur l’organisme, occasionnant une élévation de pression artérielle par différents mécanismes.

86

Figure 17 : Représentation schématique traduite de l'interaction entre les facteurs psychosociaux et physiologiques dans le développement de l'HTA(147)

Plusieurs études réalisées outre-Atlantique ont démontré une réponse au stress plus importante chez les afro-américains. Cela est notamment visible dès l’adolescence où, face au stress généré par les jeux vidéo, les élévations de pression artérielle sont plus marquées chez les adolescents noirs que chez leurs homologues non noirs(148). Loin

d’être anecdotique, cette expérience suggère que, dès le plus jeune âge, il existe des disparités au niveau de l’activité cardiovasculaire, en fonction du phénotype. Cette disparité pourrait, plus tard, expliquer la différence de prévalence que l’on observe pour l’HTA.

Une autre étude réalisée sur des jeunes filles normotendues ayant toutes des antécédents familiaux d’HTA vient corroborer les résultats des premiers travaux. Les

87

chercheurs constatent des pressions artérielles plus importantes chez les jeunes filles noires après les avoir soumises à des changements de posture, des jeux vidéo et des stimulations par le froid(149). L’élévation tensionnelle passe par des pics hypertensifs

plus importants dus à une augmentation des résistances périphériques et non pas à une activité cardiaque plus importante. Ces éléments démontrent une réponse tensionnelle plus importantes chez les enfants noirs à la suite d’un stress physique – le froid – ou mental.

Quelques résultats mettent en lumière une activité plus importante du système nerveux sympathique périphérique chez les noirs par rapport au blanc, notamment en réaction au froid(150).

Les travaux se poursuivent et se précisent car un groupe de chercheurs a mis en évidence une différence d’activité cardiovasculaire marquée à la suite de tests de préhension et d’équilibre, toujours chez des enfants(151).

Or, la conséquence de cette activation sympathique chronique et excessive dès le plus jeune âge pourrait être à l’origine du développement précoce de l’HTA. Cette hyperactivité sympathique est déjà considérée comme un facteur indépendant majeur depuis plusieurs années(152),(153).

3) Un cycle circadien tensionnelle moins marqué

Plusieurs documents mentionnent un phénomène de « dipping » moins important chez les personnes d’ascendance africaine(154),(149). Le « dipping », c’est la diminution de la

pression artérielle nocturne. Or, cette diminution de pression est importante, car la persistance d’une pression élevée expose à un risque cardiovasculaire plus important et une atteinte d’organes cibles plus fréquente(155) -(156)(157). La pression artérielle mesurée

le jour méconnait l’ampleur des effets sur les organes cibles. Cette information appuie l’importance d’une prise de mesure sur 24 heures chez le patient hypertendu. Cela pourrait également ouvrir la réflexion quant aux horaires de prise des médicaments. Des chercheurs nuancent toutefois en arguant que cette diminution insuffisante de la pression durant la nuit serait dépendante de l’environnement car elle toucherait comparativement les noirs américains plus fréquemment en épargnant les noirs vivant en Afrique du Sud(158). Il est donc possible que la question soit plus cruciale au sein

des diasporas africaines des pays à haut revenu.

88