• Aucun résultat trouvé

I. Le dendroctone de l'épicéa en France Cévennes est colonisé en 1984

Dans le document Disponible à / Available at permalink : (Page 28-34)

Le dendroctone de l’épicéa en France ; situation et mesures de lutte en cours

A. I. Le dendroctone de l'épicéa en France Cévennes est colonisé en 1984

(Lemperière, 1994). La progression du dendroctone vers le Sud-ouest est plus régulière : en 2001 il atteint le sud de l’Aveyron et le Tarn, en 2003 la frange ouest de l’Hérault. Plus anecdotique, l’apparition du ravageur dans les Pyrénées (Ariège) en 1989, est certainement la conséquence de transports de bois contaminés.

Une progression similaire du scolyte est également observée dans le Nord-ouest de la France avec l’arrivée de l’insecte en

Haute-Normandie via la Picardie, elle- même probablement atteinte de proche en proche par les populations venant de Belgique. La Basse-Normandie est à son tour colonisée (exception faite de la Manche), et en 2005 le dendroctone fait son apparition dans la Sarthe. Les départements du centre de la France, pourvus de boisements épars d’épicéas, semblent faire l’objet d’une colonisation plus aléatoire. L’éloignement des peuplements les uns des autres rend la progression du ravageur moins systématique.

1^51 («il? art«

11

m

Figure 2. Aire de répartition de D. micans(Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes, 2006).

Depuis cette introduction, l’insecte s’est légèrement propagé vers l’ouest. Un échange commercial de bois soutenu entre la Normandie et la Bretagne semble également responsable de la récente arrivée du dendroctone dans le Finistère (observation réalisée en 2004 par un

propriétaire forestier et confirmée en 2006 par le Département de la santé des forêts). En 2007, parmi les régions et départements relativement boisés en épicéa, seuls les suivants sont indemnes de ce scolyte : le centre de la Bretagne, la Manche et l’ouest du piémont pyrénéen.

-Figure 3. Progression du dendroctone dans les pessières françaises. Dates de premières observations du ravageur et voies de colonisation hypothétiques. En arrière-fond, l’intensité de la coloration traduit la densité des boisements en épicéa.

Dynamique des populations

L’importance des attaques du dendroctone est principalement liée à la taille de ses populations, elle-même dépendante de l’ancienneté de la colonisation du site par le ravageur. En effet, si les populations

invasives de D. micans croissent dans un

premier temps de façon importante, elles sont généralement rejointes puis régulées

après un certain nombre d’années par R.

grandis. Ce dernier, considéré comme le principal agent de contrôle naturel des populations du dendroctone, en est un prédateur exclusif. Les larves et les adultes de K grandis (Figure 4) se nourrissent essentiellement des œufs et des stades immatures (Baisier, 1990). Aussi, la

présence de R. grandis dans un peuplement

donné est-elle strictement inféodée à celle de D. micans. Si cette spécificité se traduit chez ce prédateur par une remarquable capacité de localisation des galeries du

dendroctone à courte distance (Meurisse et

al, sous presse), sa capacité de

dissémination à plus longue distance n’a en revanche jamais été mise en évidence. Ainsi, la fragmentation de l’habitat peut engendrer une discontinuité temporelle entre l’arrivée du scolyte et celle de son prédateur, donnant lieu à une expansion de l’aire de présence du dendroctone parfois

bien plus rapide que celle de R. grandis.

Cette situation engendre des dégâts importants sur les zones où le ravageur est invasif et peut perdurer pendant une dizaine d’années, laps de temps parfois nécessaire au prédateur pour rejoindre sa proie. Dans certaines régions séparées de l'aire d'extension principale par une barrière géographique, comme au Royaume-Uni, cette jonction peut également ne jamais se produire, nécessitant l’introduction

artificielle du prédateur (Fielding et al.

1997).

De tels cas de dynamique explosive des populations, avec de fortes conséquences pour les peuplements d’épicéas, jalonnent l’histoire de cet insecte au cours de

-A.I. Le dendroctone de l'épicéa en France

l’extension de son aire de répartition. En

France, la progression du dendroctone a été notamment favorisée par la création de vastes pessières équiennes et mono spécifiques dans le Massif central. Initiés à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle avec la politique de restauration des terrains en montagne dans les secteurs les plus affectés par les phénomènes d’érosion, ces boisements ont surtout été mis en place après la seconde guerre mondiale sous l’impulsion du Fond forestier national. Générant des pessières uniformes et de grande étendue d’arbres de même sensibilité (même âge et même diamètre) aux agents de dégâts, ces

reboisements sont à l’origine de vastes zones de ressources pour les pullulations de dendroctone, en l’absence de tout contrôle par R. grandis. Par ailleurs, les mortalités d’épicéa liées aux pullulations ont probablement été accentuées en raison de conditions édaphiques et climatiques défavorables dans certains massifs. Dans les peuplements dépassant un certain diamètre, l’arrivée du dendroctone a ainsi pu provoquer d’énormes dégâts, avant que la mise en œuvre de moyens de lutte coordonnés et suffisants ne parviennent à ramener les populations d’insectes à un stade endémique (et les dégâts à un seuil acceptable).

Figure 4. Larve et adulte de R. grandis(Wermelinger B., Swiss Fédéral Institute for Forest, Snow and Landscape Research).

Facteurs prédisposant aux attaques

D. micans colonise généralement des arbres mûrs et sains, l’état de santé de l’arbre ne semblant pas intervenir dans le choix de l’hôte. Qualifié pour cette raison de ravageur primaire, le dendroctone est pourvu d’une résistance notable à la résine et aux effets toxiques des monoterpènes émis par l’arbfè en ^uise de défense

(Everaerts et al, 1988).

A l’arrivée du dendroctone dans un peuplement, les premières attaques sont

aléatoires (Gilbert et al. 2001). Par la suite,

la plupart des insectes émergents se dispersent à nouveau au hasard. Cependant, les nouvelles attaques semblent apparaître de préférence sur les arbres ayant subi des attaques antérieures. Pour expliquer cela,

Gilbert et al. (2001) font l’hypothèse de

certains facteurs de susceptibilité de l’arbre

préexistant à l’arrivée de l’insecte. Il pourrait s’agir de composés attractifs primaires, libérés en plus grande concentrations par les arbres fourchu et les aisselles des branches, par les blessures, ou encore résultant des blessures occasionnées par des dégâts d’exploitation (Granet & Perrot 1977). De même des observations récentes effectuées en Normandie montrent la présence d’attaques plus fréquentes sur les arbres ayant subi un élagage artificiel. Quoique jamais mis clairement en évidence, un lien pourrait également exister entre les attaques du ravageur et l’infestation des arbres par certains

champignons {Heterobasidion annosum et

Armillaria sp.) (Francke-Grossmann,

1954; Grégoire, 1988). Une certaine susceptibilité des arbres au dendroctone pourrait également être induite par la

27

-Chapter 1

présence de l’insecte lui-même (Gilbert et

al. 2001). Le ravageur serait alors attiré par

certains composés attractifs produits directement dans les galeries larvaires du scolyte ou, plus vraisemblablement, conduirait ses attaques aléatoirement tout en rencontrant plus de succès sur les arbres déjà colonisés. Dans ce dernier cas, l’installation du dendroctone la première année conduirait donc à une susceptibilité induite de l’hôte lors de la seconde. Lieutier (1992) propose une explication à ce phénomène relativement particulier chez les scolytes, chez lesquels l’installation et l’inoculation de champignons associés conduit généralement à la mise en place

d’une résistance induite. Chez D. micans,

contrairement aux autres espèces de scolytes, le creusement de la galerie maternelle est horizontal. Il en résulterait le drainage permanent des canaux résinifères, permettant ainsi un établissement plus aisé de nouveaux individus les années suivantes (Lieutier, 1992).

A plus grande échelle, les pullulations du dendroctone sont également influencées par l’état d’affaiblissement général des peuplements, résultant par exemple d’une mauvaise adaptation à la station, de choix sylvicoles inadaptés, ou encore lié à des

conditions climatiques difficiles. Gilbert et

al. (2003) démontrent des taux d’attaques

plus importants sur les flancs de versants fortement drainés. De même, une étude danoise (Bejer, 1984) établit une relation entre certains phénomènes de pullulation et les importants stress hydriques, à la fois estivaux et hivernaux, qui les ont précédés. D’importants stress hydriques hivernaux sont ainsi responsables d’épisodes récents de résurgences du dendroctone, comme cela a été observé récemment sur épicéa de Sitka en Normandie (Blot, communication personnelle) et au Danemark (Peter-Ravn, communication personnelle).

Nature des dégâts

Les dégâts causés par D. micans sont liés à

la consommation de l’assise cambiale par les larves ; la destruction d’une ou plusieurs

plages de ce tissu entraîne une perte de croissance locale générant un méplat au niveau de la partie lésée, un défaut lié à la cicatrisation de l’assise cambiale et un affaiblissement de l’arbre. Lorsque ses populations sont faibles, le dendroctone se comporte en espèce discrète ne générant que de très faibles dégradations dans les peuplements d’épicéas. Les arbres attaqués subissent toutefois un stress qui peut être mis à profit par des ravageurs ou des pathogènes secondaires. De plus, la partie lésée constitue une zone de moindre résistance mécanique du fût : le risque de bris de la tige sous l’action du vent s’en trouve accru (observations Département de la santé des forêts). En cas d’attaque plus importante, la multiplication du nombre de chambres familiales sous-corticales forme autant de zones de destruction du cambium et du phloème. Les tissus conducteurs peuvent aussi être rendus non fonctionnels suite à des réactions de défense de l’arbre ou au développement secondaire de champignons (observations Département de la santé des forêts). Dans le pire des cas, la circulation de la sève est détériorée sur la totalité de la circonférence de la tige. Ce dernier scénario, qui provoque de façon inéluctable la mort de l’arbre, n’a cependant lieu que dans les zones de forte pullulation du dendroctone, au niveau des fronts de progression du ravageur. En France, les attaques de dendroctone n’ont été notées par le Département de la santé des forêts que sur épicéas. De manière générale, l’épicéa de Sitka se montre plus sensible aux attaques du scolyte que l’épicéa commun, comme cela a été récemment observé dans le Massif central.

Particularités biologiques

L’espèce Dendroctonus micans est

caractérisée par le comportement grégaire de ses larves, phénomène unique chez les espèces de scolytes eurasiens (Grégoire, 1988). Après éclosion, les larves se nourrissent du phloème et du cambium de l’arbre infesté, l’ensemble des larves issues de la même ponte se rassemblant au sein

-A.I. Le dendroctone de l'épicéa en France

d’un véritable "front d’alimentation"

(Figure 5).

Cette agrégation des larves au sein d’une même chambre sous corticale favorise vraisemblablement la résistance de l’espèce aux réactions de défense de l’arbre, et perdure jusqu’à la nymphose. Les jeunes femelles sont ensuite fécondées par leurs propres frères, directement sous l’écorce, ce qui représente un phénomène typique d’endogamie. Elles s’en échappent ensuite individuellement, et s’envolent à la recherche d’un nouvel arbre hôte afin d’y effectuer leur ponte. Ce profil d’attaque solitaire des jeunes adultes sur un arbre vivant et qui restera vivant durant tout le cycle de l'insecte, est également relativement particulier parmi les autres espèces de scolytes. Par ailleurs, le dendroctone ne semble associé à aucun

champignon pathogène (Lieutier et al.

1992).

Figure 5. Larves de dendroctone dans la chambre

sous-corticale (Grégoire J.-C., Université Libre de Bruxelles).

La ponte est déposée au fond d’une galerie maternelle située au collet de l’arbre, voire sur les racines émergeantes, ou sur le tronc jusqu’à une hauteur de 8 à 10 mètres. Les hauteurs préférentielles des attaques semblent varier en fonction des régions concernées. Si dans la majorité des cas les attaques sont plutôt basales, elles se portent préférentiellement dans la partie supérieure de la grume en Normandie. En

Grande-Bretagne, les attaques de dendroctone sont majoritairement distribuées au niveau de la couronne (Fielding & Evans, 1997). La résine, émise par l’arbre qui réagit à l’agression, mêlée aux déjections des larves et à la sciure, s’écoule par l’entrée de la galerie maternelle en formant un grumeau de résine caractéristique. Celui-ci est qualifié de "praline" par les forestiers. Ces pralines sont caractéristiques de la présence de l’espèce et leur décompte permet une évaluation de l’importance de l’infestation (Figure 6).

Figure 6. Praline de résine caractérisant la présence

du dendroctone (Stavrakas G Office National des Forêts).

Ce mélange de résine et de sciure présent dans les galeries larvaires du scolyte, mêlé aux déjections des larves contient un grand nombre de composés chimiques volatils

caractéristiques du dendroctone

(principalement des monoterpènes

oxygénés). Résultant initialement des mécanismes de détoxification de la résine qrar—tes larves, ces composés agissent également en tant que phéromones et permettent l’initiation du comportement d’agrégation chez tes larves du dendroctone. Très volatiles, ces substances constituent

également un ensemble attractif pour R.

grandis ; elles sont dans ce cas appelées kairomones car elles déclenchent une réponse comportementale chez une autre espèce, dont l'effet est négatif pour l'espèce émettrice. Les kairomones agissent tout d’abord à l’extérieur des galeries du

29

-Chapter 1

dendroctone, où elles permettent, au cours

du vol des adultes de R. grandis, la

localisation des arbres attaqués. Cette attraction se poursuit après l’atterrissage, en permettant au prédateur la détection à courte distance des trous d’entrée du scolyte. Enfin, des kairomones agissent

également sur R. grandis à l’intérieur même

des chambres en tant que régulateur de ponte et phagostimulants. Elles assurent enfin une exploitation optimale des ressources disponibles, par une adaptation

du nombre d’œufs pondus par R. grandis en

fonction de la quantité de larves de dendroctone disponibles.

Méthodes de lutte

Sur le front d’infestation de D. micans, la

lutte comprend deux volets complémentaires et successifs : l’intervention sylvicole et la lutte biologique. Les coupes sanitaires visent la rapide diminution du niveau de population du ravageur. La lutte biologique permet ensuite son maintien à bas niveau de manière durable et sans nouvelle intervention du gestionnaire.

L’intervention sylvicole consiste à repérer le plus précocement possible les tiges attaquées (recherche de pralines), puis à les exploiter, à les débarder et à détruire les insectes avant leur envol. Dans le cas de faibles attaques, des éclaircies sanitaires peuvent être pratiquées, mais pour des attaques plus importantes des coupes rases sont nécessaires, à titre exceptionnel. L’enlèvement rapide des arbres infestés est souhaitable, un stockage prolongé des produits pouvant permettre aux larves d’achever leur cycle de développement et d’infester à nouveau les peuplements environnants. Ce retrait doit cependant toujours s’accompagner d’un écorçage des arbres abattus pour s’assurer de l’élimination immédiate des larves. Le transport de grumes contaminées peut en effet favoriser l’émergence de nouveaux foyers dans des peuplements encore indemnes, voire dans des régions encore non infestées. C’est de cette manière que

l’on explique l’introduction du dendroctone au Royaume-Uni en 1982 (Bevan & King, 1983), et en Bretagne en 2006 (Douzon, communication personnelle). Si l’écorçage manuel est aujourd’hui abandonné en raison de son coût, on peut cependant penser que le travail des abatteuses, qui conduit à une élimination partielle de l’écorce, constitue un substitut efficace en matière de lutte contre le dendroctone. La lutte biologique consiste à réaliser

l’implantation de populations de R. grandis

dans les peuplements d’épicéas attaqués où il fait défaut. Dans les sites fortement attaqués, la réalisation préalable d’éclaircies sanitaires est indispensable.

Elle permet aux R. grandis introduits une

dispersion plus rapide sur l’ensemble du peuplement traité. Cette introduction artificielle a pour objectif de raccourcir le délai (extrêmement variable - parfois le prédateur ne rejoint jamais sa proie - en conditions naturelles) entre l’arrivée du dendroctone dans une zone, et celle de son prédateur. Dans le Massif central, ces introductions ont débuté en Margeride à partir de 1978 (Haute-Loire, Lozère), puis de manière plus intensive dans les années 1980 avec la réalisation de lâchers dans les Cévennes et le Lingas (Gard et Lozère), de même que dans le Mézenc (Ardèche, Haute-Loire). Avec la progression du dendroctone vers le sud du Massif, les années 1990 voient l’introduction progressive du prédateur dans le Lévezou (Aveyron) puis dans les Monts de Lacaune et en Sommail-Espinouse à partir de 2004 (Aude, Aveyron, Hérault, Tarn). Sur le front ouest, les premiers lâchés sont effectués en Seine-Maritime (1986), et plus récemment dans l’Orne (2004), dans la Sarthe (2005), et même en Bretagne (2007). Les prédateurs sont fournis par un élevage réalisé à l’Université libre de Bruxelles. Si les zones de lâchers sont classiquement situées sur le front de progression du ravageur, il arrive que des foyers de population à comportement épidémique se réaniment en arrière du front, comme ce fut

-A.I. Le dendroctone de l'épicéa en France

Dans le document Disponible à / Available at permalink : (Page 28-34)

Documents relatifs