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DEMANDES D'ASILE : DE L'INEFFICACITÉ DES RECOURS

Dans le document Des zones d'atteintes aux droits (Page 46-49)

’étranger qui a sollicité l’asile à la frontière et qui s’est vu opposer un refus par le ministère de l’intérieur peut contester cette décision, dans le délai de 48 heures, devant le juge administratif. Ce dernier dispose de 72 heures pour rendre sa décision. Ce recours est suspensif, ce qui signifie que le renvoi du demandeur d’asile ne peut être exécuté durant ces délais.

En pratique, il est certain qu'un étranger prorogation possible les samedis, dimanches et jours fériés. Elle doit être écrite en français et suffisamment motivée en fait et en droit, au risque d'être rejetée sans audience si les conditions de recevabilité ne sont pas réunies.

Ces exigences imposent donc d’être assisté mais la législation ne prévoit pas de permanence d’avocats en zone d’attente. Ainsi, les étrangers qui n’ont pas les moyens de assistance juridique n’est possible entre le vendredi soir et le lundi matin.

19 L’Anafé dispose d’un local situé à l’étage de la ZAPI 3, une ancienne chambre transformée en bureau. L’association est présente en moyenne trois jours sur sept. Le bureau est ouvert en décision de rejet du ministère de l’intérieur lui est notifiée. Le lendemain, il est présenté

Amin

, Palestinien, arrive à Roissy le 3 janvier 2012. Sa demande d’asile est rejetée le lendemain. Le jour suivant, il se présente au bureau de l’Anafé pour solliciter son aide pour rédiger un recours contre cette décision. L’absence d’interprète et une coupure d’électricité ne permettent pas aux intervenants de l’Anafé de rédiger un recours dans le délai imparti. Amin est placé en garde à vue le 12 janvier.

Felix

, ressortissant nigérian, sollicite son admission au titre de l’asile le jour même de son arrivée à l’aéroport de Roissy, le 18 juin 2013. Le rejet lui est notifié le lendemain. Ne disposant pas de moyens pour désigner un avocat et n’ayant pas les connaissances juridiques et linguistiques nécessaires pour rédiger seul un recours, il tente de faire appel à l'assistance de l'Anafé. Or, l’Anafé n'assure pas de permanence pendant le délai de 48 heures dont il dispose. Si bien que lorsqu'il s'entretient avec des intervenants de l'Anafé, il est trop tard. Après plusieurs tentatives de renvoi, Félix est placé en garde à vue au bout de dix jours de maintien.

L

Anafé – Des zones d’atteintes aux droits

Maya

, vietnamienne, a fui son pays et demande l’asile à la frontière le 15 mai 2014.

Bien qu’apportant plusieurs articles de journaux venant conforter ses déclarations, sa demande est considérée comme « manifestement infondée » le 16 mai. Ce rejet lui est notifié le soir, à 21h34. Or l’Anafé n’est pas présente en ZAPI le week-end. De plus, Maya n’a pas les moyens financiers pour payer les services d’un avocat. Ainsi elle ne peut exercer son droit à un recours effectif. Bien que cela soit signalé lors de son deuxième passage devant le juge le 27 mai, celui-ci autorise la prolongation de son maintien pour huit jours supplémentaires. Maya est réacheminée vers Hanoi le 1er juin.

Seid

, de nationalité érythréenne, dépose une demande d’asile dès son arrivée à l’aéroport d’Orly le 21 février 2014. Il se voit notifier un rejet le 25 février. Les bénévoles de l’Anafé l’aident à rédiger un recours, considéré comme irrecevable car « hors délai ». En effet, les

bénévoles n’avaient pu avoir accès à la notification comportant l’heure exacte de rejet, les officiers de police ne l’ayant pas faxée avec les autres documents. Seid n’a donc pu exercer son droit à un recours effectif. Il est refoulé le 5 mars vers Tunis.

lors que le demandeur dispose de 48 heures pour contester une décision de rejet devant le Tribunal administratif, il arrive que la PAF tente de le renvoyer avant le dépôt de ce recours. Et, lorsqu’il

parvient à déposer ce recours, il arrive que la PAF tente quand même de le renvoyer en violation du caractère suspensif d’un tel recours qui prohibe tout réacheminement tant que le juge n'a pas rendu sa décision.

Yonas

, de nationalité érythréenne, est placé en zone d’attente de Roissy le 27 novembre 2013 et sollicite immédiatement son entrée au titre de l'asile. Sa demande est rejetée le jeudi 28 vers 19 heures. Il se présente alors au bureau de l’Anafé au moment de la fermeture de la permanence et il est convenu qu'il se présente le lendemain matin afin de déposer la requête dans les délais. Vendredi 29 novembre au matin, l’Anafé cherche en vain à le rencontrer. Il est en aérogare où la PAF tente de l’embarquer à destination du Bahreïn, pays de provenance20. Selon son témoignage, il est réveillé à 7 heures et amené à l’aéroport. Il refuse de monter dans l’avion, exprimant son souhait d’être entendu par un juge. Il passe alors toute la journée au poste de police, dans l’impossibilité matérielle d’être aidé pour la rédaction de son recours. Il est alors présenté le samedi devant le juge qui ne peut que constater les graves manquements aux textes nationaux et internationaux et décide de le libérer.

Assane

, d'origine malienne, est maintenu en zone d'attente de Marseille. Il arrive le 8 août 2014, dépose sa demande d'asile le lendemain, qui est rejetée le 11 août. Son avocat dépose un recours auprès du Tribunal administratif de Marseille. Dans l'attente de son audience, il subit pourtant deux tentatives de renvoi le 14 août. Ce

n'est que grâce à son refus d'embarquer qu'il peut être présenté le 15 août devant le juge administratif, qui annule la décision du ministère de l'intérieur.

Il sera alors libéré.

20 Voir communiqué Anafé, 3 décembre 2013 : « Zone d’attente de l’aéroport de Roissy : La France tente de refouler illégalement un demandeur d’asile érythréen ».

A

e juge unique doit statuer dans un délai pratique transmis qu’ultérieurement à la personne maintenue au risque qu’elle soit éloignée avant de les recevoir.

Le caractère effectif d’un recours ne s’apprécie pas seulement au regard des conditions dans lesquelles un requérant peut saisir une juridiction mais aussi des conditions d'examen de la requête par le juge. Cette exigence est d’autant plus impérative que les conséquences d’une erreur commise quant à l’appréciation 21 Décret n° 2012-89 du 25 janvier 2012 relatif au jugement des recours devant la Cour nationale du droit d’asile et aux contentieux des mesures d’éloignement et des refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, réformant l’article R. 777-1 du code de justice administratif : « Dans le cadre des recours en annulation formés contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile mentionnés à l'article L. 777-1, le jugement est prononcé à l'audience. Le dispositif du jugement assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience, qui en accusent aussitôt réception ».

Pour l’Anafé, les requêtes transmises au juge se rapportent souvent à des faits complexes, nécessitant de réels débats sur le respect des droits du demandeur d’asile et sur les éléments justifiant du bien-fondé ou non de sa demande. L’Anafé considère donc que le décret du 25 janvier 2012 affecte le caractère effectif de ce recours et a saisi le Conseil d’État en vue de son annulation. Ce dernier a pourtant considéré que le texte ne portait pas atteinte au droit à un recours effectif et qu’il n’y avait donc pas lieu de l’annuler22.

Comme le souligne Cyril Brami23, ce décret

« garantit aussi (surtout ?) l’efficacité du dispositif de maintien en zone d’attente », car à l’issue du délai légal de maintien, l’étranger

23 Consécration du caractère effectif du recours contre le refus d'admission sur le territoire au titre de l'asile, CE, 29 avril 2013, n° 357848, AJDA, 2013, p. 1696.

L

Anafé – Des zones d’atteintes aux droits

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