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: Degré de conformisme auto-déclaré et expérience victimaire

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entre autres, à vérifier l’influence du degré de conformisme sur cette expérience. Comme il a déjà été signalé dans le chapitre IV, il s’agit d’un seul aspect de conformisme ; le conformisme religieux auto-déclaré. Dans un premier lieu, il sera procédé à la vérification de son état chez les élèves de notre échantillon. Dans un deuxième lieu, sera étudiée sa dépendance avec les taux de victimation. En dernier lieu, sera vérifiée la dépendance entre les trois autres variables examinées dans cette thèse et l’expérience victimaire.

Notamment, l’âge, le sexe et l’appartenance à une classe sociale.

Conformisme auto-déclaré et expérience victimaire 1. Des élèves qui s’auto-déclarent globalement conformistes

Le conformisme varie selon le système de valeurs de chaque société. Dans un pays laïc, peut être considéré comme conformiste l’individu qui incarne les valeurs de la laïcité.

Dans un pays religieux, ce sera plutôt celui qui incarne et adopte, au moins en apparence, les normes et les percepts de sa religion. Généralement, on est conformiste lorsqu’on adopte le système de valeurs majoritaire de son pays. Au Maroc, ce système de valeurs est largement lié à la religion. Pour Bourqia (2010), « la société marocaine est une société majoritairement musulmane. L’islam a façonné la vision du monde, le mode de vie et les traditions. On pourrait distinguer entre l’islam comme dogme, et l’islam tel qu’il a été intégré dans un environnement culturel d’une société donnée. Ce n’est pas à tort que certains anthropologues parlent de l’islam des savants religieux et de l’islam populaire qui s’est imbriqué dans les pratiques des cultures locales. Il demeure que la religion est la source suprême des valeurs. » (p. 10).Ainsi, nous avons jugé opportun de travailler sur le conformisme religieux. Toutefois, ce choix est confronté à un problème épistémologique. Peut-on parler d’un conformisme religieux ou de conformismes religieux? Partant de notre définition de la religion qui renvoie à des rites, des prières, des sacrifices, des croyances, des représentations, des mythes, des dogmes, des systèmes de valeurs, des organisations et un personnel, nous postulons qu’il s’agit de conformismes.

En effet, il est difficile d’imaginer un conformisme englobant toutes ces composantes.

Par conséquent, l’individu peut être conformiste sur un plan et non conformiste sur un

Partie II. Chapitre VI : Degré de conformisme auto-déclaré et expérience victimaire autre. Ainsi, ne pouvant pas nous emparer de tous les niveaux du conformisme religieux, nous en traiterons deux dimensions. Celles de la pratique et de l’engagement religieux auto-déclarés.

En vue de définir le degré de conformisme religieux auto-déclaré, nous avons introduit une nouvelle variable intitulée « Degré de conformisme auto-déclaré » et ce en effectuant une classification automatique des réponses concernant les deux variables susmentionnées. Globalement, notre méthode de mesure est fondée sur l’auto-catégorisation des élèves dans une situation de libre expression. Ainsi, en nous basant sur la théorie de Kelman (1958), nous jugeons que le choix de la catégorie des conformistes pour notre échantillon s’inscrit dans la troisième forme de conformisme (l’intériorisation). Dans cette position, l’élève adopterait ce qu’il déclare. Le contenu du processus d’influence est intégré dans son système de valeurs. Ainsi, son auto-catégorisation ne vient ni du contrôle social, ni de la visibilité d’un groupe dominant. Il adopte cette position indépendamment de la source d’influence. Cela devient possible quand ce qu’il adopte a une haute crédibilité pour lui. De surcroît, comme nous le verrons plus tard, l’aspect valorisant de la religion pourrait être la cause de l’auto-catégorisation comme conformiste. De manière générale, les données collectées ont permis de classer les élèves (tableau 57) selon la répartition suivante : 55% se déclarent « conformistes », 25,2% « moyen conformistes », 10% « peu conformistes » et 9,8% « non conformistes ».

Tableau 57: Pourcentages du degré de conformisme auto-déclaré

Degré de conformisme auto-déclaré Nombre de citations Pourcentages

Conformiste 668 55,0%

Moyen conformiste 306 25,2%

Peu conformiste 122 10,0%

Non conformiste 119 9,8%

Total 1215 100%

La différence avec la répartition de référence est très significative. Chi2 = 657,94, ddl = 3, 1-p = >99,99%.

Les cases grisées en gras (italique) sont celles pour lesquelles l'effectif réel est nettement supérieur (inférieur) à l'effectif théorique.

L’auto-catégorisation en tant que conformistes suscite des interrogations quant à ses raisons. Car il s’agit ici de réponses anonymes dans des conditions garantissant la liberté d’expression. Sont-ils vraiment conformistes ? La religion constitue-t-elle un facteur de valorisation de l’individu au sein de la société marocaine pour choisir de

s’auto-catégoriser comme religieux? La pratique et l’engagement religieux constituent-ils un élément dissuasif de violence ou un facteur de risque ? Ces questions et d’autres feront l’objet d’analyses au fur et à mesure de la présentation de nos résultats.

Selon la théorie du feu de l’enfer de Hirschi et Stark (1969), la religion jouerait un rôle dissuasif contre les comportements déviants dans la société. Ainsi, elle amènerait les individus à agir en espérant des récompenses promis dans l’au-delà. Cette crainte de subir le châtiment divin les pousserait à moins s’impliquer dans les actes de violence.

Néanmoins, il faut rester prudent sur les résultats de cette théorie, car c’est au nom de ces récompenses divines espérées ou promises que certains perpétuent des actes violents. Par ailleurs, selon la théorie du contrôle social de Hirschi (1969), les individus respecteraient la loi à cause des contraintes sociales qui l’empêchent d’assouvir leurs désirs de façon illégale. Cependant, pour que ces contraintes sociales agissent sur lui, il faut que celui-ci soit intégré dans son groupe social. La religion, constitue une de ces contraintes. En transposant cette théorie sur la sphère scolaire, la religion jouerait probablement un rôle dissuasif contre les actes de violence. Cette dissuasion intériorisée par l’élève constitue un produit de conformisme religieux.

De plus, dans les pays collectivistes, dont le Maroc, le respect des normes affirme l’attachement à la société. Baier et Wright (2001) suggèrent que les institutions religieuses procèdent également de la dissuasion proposée par ladite théorie. En outre, la théorie de l’éveil d’Eysenck (1964) mentionne que la religion, comme les autres activités, joue un rôle dissuasif en occupant les gens à faire autre chose que des activités criminelles. Les criminels seraient alors des individus pour qui la demande extraordinaire de stimulation neuronale n’est pas satisfaite par des activités sociales. Selon cette théorie, les élèves pratiquants sont plus occupés par la pratique que par les comportements déviants. Cette implication dans la pratique religieuse mènerait l’élève à mieux se conformer aux règles de discipline de son établissement. Par ailleurs, selon la théorie des groupes de références de Bock, Cochran, & Beeghley (1987), le réseau social de l’élève pourrait influencer son comportement. En effet, plus il est pratiquant, plus les élèves auxquels il s’associe le seront également, et vice versa. Cette fréquentation peut soit renforcer ses croyances normatives et le dissuader de commettre des actes de violence scolaire soit le pousser à se radicaliser et pour certains, à tomber dans la violence.

Partie II. Chapitre VI : Degré de conformisme auto-déclaré et expérience victimaire En somme, nous postulons que dans les pays où la religion constitue une importante instance de socialisation dans les sphères privée et publique, la victimation dépend en partie du degré de conformisme religieux. Plus l’élève est pratiquant plus il manifeste un degré de conformisme élevé qui influence son expérience victimaire. Au Maroc, cette adhésion conformiste à la religion accompagne l’élève à l’école. Cette question a fait l’objet de nos entretiens avec les professeurs. En réponse à la question du lien entre religion et violence en milieu scolaire, Brahim, professeur de français au lycée, aborde les caractéristiques de l’élève pratiquant. Il pense que les pratiquants sont plus matures et plus calmes et par conséquent moins impliqués dans la violence scolaire. Pour lui,

« Les filles et les garçons pratiquants se montrent plus sérieux et plus attentifs que les autres, ils travaillent beaucoup et respectent tout le monde. Ils se caractérisent par leur calme et leur maturité dans leurs discours. » (Entretien 5, lignes 77-80)

Toutefois, Brahim ne nous a pas expliqué pourquoi les élèves pratiquants sont moins impliqués dans la violence scolaire. Pour Badiâa, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre, les élèves pratiquants sont moins concernés par la violence scolaire. Elle évoque le rôle dissuasif de la religion contre les comportements violents. Elle stipule que :

« La religion demande à l’individu de ne pas utiliser la violence.

Donc elle réduit la violence scolaire chez les enfants. » (Entretien 4, lignes 65-66)

Néanmoins, c’est au nom de cette même religion que les individus commettent de la violence. Ainsi, stipuler que la religion demande à ses fidèles de ne pas utiliser la violence reste une simple assertion. Khalid, professeur d’éducation islamique au lycée, accuse les élèves non pratiquants de s’adonner à la violence en se basant sur sa propre expérience au sein de la classe en stipulant que de son point de vue :

« Les élèves non pratiquants sont ceux qui commettent fréquemment des actes de violence. » (Entretien 8, lignes 75-76)

Toutefois, il faut rester prudent sur ce constat, car il y a un risque de biais dans la mesure où Khalid est professeur d’éducation islamique. Ses réponses pourraient être plus subjectives que les autres professeurs sur cette question. Les élèves peuvent aussi, face à ce professeur, se montrer pratiquants et pacifistes pour se valoriser auprès de lui. De son côté, Lhoucine fait appel à la notion d’obéissance chez les élèves pratiquants et son rôle dans la relation entre élèves et professeurs. Nous reviendrons plus en détail sur cette

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