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Cette recherche touche tout sénégalais sérère noon apte au consentement et vivant dans un des six villages de la paroisse de Koudiadiène, ou y séjournant ponctuellement (le cas des universitaires étudiants à Dakar, par exemple, et qui reviennent à la maison les fins de semaine ou pour toute autre occasion), peu importe l’âge ou le sexe, et qui pratique le chant choral en milieu catholique. Cette recherche ne présente donc aucun critère d’exclusion au sein de la population visée. À ce titre, la demande de certificat d’éthique qui lui est liée stipule que « la situation ne présente pas la participation de mineurs, mais la possibilité doit être envisagée qu’un membre s’ajoute aux prestations. Dans ce cas précis, le consentement sera demandé au parent ou au tuteur légal. » Cependant, plusieurs questions méritent d’être ici précisées quant à la difficulté d’application de certains critères du formulaire d’éthique que nous devons remplir à titre d’étudiant à l’Université de Montréal. Ainsi, comment faire dans une culture où l’âge de majorité n’est pas comprise en termes « d’âge », mais bien en termes de maturité et d’accomplissement? Comment faire dans une culture où la notion de « tuteur légal » n’existe pas? Cette lacune dans la demande de certificat d’éthique de recherche demeure toujours un obstacle de taille dans la préparation d’une telle recherche en contexte interculturel parce que le chercheur doit composer avec des critères exogènes à la culture d’accueil, voire ethnocentristes et qui, par découragement ou impossibilité d’admission d’une exception à ladite règle, limiteront grandement les possibilités sur le terrain. À ce sujet, certaines de ces possibilités seront exposées dans les limites de la recherche, au point suivant.

Parmi les participants à la recherche, les choristes se réunissent pour des répétitions et des manifestations publiques, lors des messes et fêtes religieuses; ces prestations musicales ont été filmées (audio-vidéo) afin de documenter les performances de la chorale (observation participante et non participante). Les chefs de chœur auront alors expliqué et contextualisé la présence du chercheur, ainsi que les raisons de l’enregistrement. Le consentement n’aura donc

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pas été demandé à chacun des membres de la chorale, mais bien aux dirigeants de l’ensemble, la raison principale étant que la composition de l’ensemble varie constamment en fonction des allées et venues des villageois, selon les saisons et les (im)prévus du quotidien. De même, l’autorisation d’enregistrer (audio-vidéo) dans l’église lors des messes aura été accordée par le curé et le vicaire de la paroisse, et non par chacun des membres; et par le maître du noviciat lorsque la messe était célébrée par lui et avec les novices, et non par ces derniers eux-mêmes.

Les entrevues et discussions semi-dirigées ont été mises en place en groupes restreints pour amener à la discussion, et en formule individuelle. Le recrutement a alors été fait par le chercheur lui-même, selon les précédents critères de sélection, lors de rassemblements organisés par la communauté, ou même grâce à des suggestions par les autres membres du village. Les rencontres se sont tenues à des moments choisis par les participants et selon une durée indéterminée, et à un endroit qu’ils jugeaient adéquat (le salon, la cour, le terrain de jeu, etc.). Certains thèmes généraux préétablis par le chercheur auront été abordés, dont : l’expérience musicale personnelle et/ou professionnelle et la connaissance de la théorie musicale; l’implication de la personne dans la vie musicale liturgique et/ou du village; la religion catholique globalement et l’animisme; la signification des chants (musique, texte, etc.) d’un point de vue personnel et pour le village; l’importance du chant choral aux niveaux personnel, familial, etc.; et, enfin, la connaissance de l’histoire du pays (ethnie noon, voire autres, mouvements, migrations, colonisation, etc.). C’est à partir de ces thèmes que les entrevues se sont déroulées, suivant les pistes amenées par l’informateur lui-même, n’empêchant pas, néanmoins, l’ajout spontané de thèmes supplémentaires. Ces thèmes n’étaient donc pas prescriptifs ni restrictifs à eux seuls, et pouvaient varier selon les réponses des participants (Savoie-Zajc, 2009). Les participants pouvaient décider de répondre ou non, sans devoir s’expliquer, et décider s’ils désiraient que leur nom soit changé dans un souci d’anonymat, cette dernière question leur étant posée lors de la lecture du formulaire d’information de la recherche, le cas échéant. Dans chacun des cas, l’autorisation aura été demandée à chaque personne présente, soit à la lecture du formulaire d’information verbal (annexe A), soit à sa simple remise pour une lecture approfondie ultérieure. Dans le contexte de la présente recherche, pour laquelle les villageois désiraient réellement une implication active, le formulaire d’information verbal n’aura en aucun cas été demandé lors du premier

terrain ni même lu, et ce, même avec l’insistance du chercheur voulant s’assurer d’une compréhension optimale de ce que représente une telle participation (notamment en ce qui a trait à la demande d’anonymat). Ce n’est qu’avec le changement de méthode d’observation, lors du second terrain, que ces formulaires verbaux auront été demandés, comme une réaction annonçant déjà une distanciation par rapport au « chercheur blanc » : la remise du formulaire de consentement écrit (annexe B) n’aurait pas été possible à cause du trop grand écart que cela aurait créé entre le chercheur et les participants.

À ce titre, le Comité plurifacultaire d’éthique de la recherche (CPÉR) de l’Université de Montréal oblige la création d’une pléthore de documents pour la recherche sur le terrain, documents qui tendent souvent à ignorer la complexité d’une situation de recherche à l’international, comme c’est le cas ici, dans un contexte où, par exemple, l’imposition de documents de recherche représente une position d’autorité, voire de domination, et qui rappelle, selon mes propres observations sur le terrain, un passé colonial relativement récent et marqué par des éléments historiques négatifs tels que l’esclavage. De plus, il est demandé d’indiquer avec beaucoup de précision certains aspects de la recherche tels que la durée des entrevues, le nombre de personnes rencontrées dans le cadre de la recherche, et même le nombre de personnes apparaissant sur les vidéos. Les considérations temporelles étant différentes au Sénégal, en plus de la quasi absence de contrôle sur la variabilité du temps alloué à chaque entrevue, cet aspect aura demandé une certaine adaptation dans la spontanéité, tout comme une gestion beaucoup plus large de la notion « d’implication » dans la recherche. En effet, le nombre de participants pouvait varier au cours d’un enregistrement ou d’une entrevue, sans aucun préavis. Même une entrevue dite « individuelle » pouvait finalement inclure les commentaires de personnes à proximité. Ces derniers éléments sont représentatifs d’un besoin d’adaptation de la « théorie » soutenant le certificat d’éthique de la recherche sur le terrain (annexe C) et ce, même jusqu’à la notion de confidentialité où des informations considérées « confidentielles » pouvaient être communiquées à d’autres par les participants eux-mêmes, sans gêne que ce soit.

Enfin, il est indiqué dans le formulaire de demande, que « [l]e formulaire [de consentement] doit obligatoirement être soumis en français ou en anglais ainsi que dans toutes autres langues utilisées » (p. 11). Ici encore, il aura fallu clarifier le présent cas où la langue

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est non seulement codifiée depuis peu, mais aussi que, la pratique étant différente de la théorie, cette codification ne s’est pas rendue sur le terrain parce que non enseignée, sans oublier qu’un dialecte tel que le noon diffère s’il est observé dans tel ou tel village. Une traduction aurait donc été impossible, et c’est le français qui a été retenu, langue officiellement reconnue par l’État, bien que la langue véhiculaire ait été le wolof, sans que cette décision ne nuise aux entrevues.