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DE L’INTÉRÊT DU CONCEPT DE GOUVERNEMENTALITÉ POUR

LA GESTION DES PARTENARIATS D’EXPLORATION : LE DOUBLE DÉFI DE LA COHÉSION ET DE LA COORDINATION

Le pilotage des coopérations inter-organisationnelles peut parfois s’avérer particulièrement complexe, comme on l’a vu dans la section 1 dans le cas de coopérations asymétriques. Il l’est encore davantage dans certaines situations de forte incertitude, où les objectifs de la coopération ne sont pas définis clairement à l’origine, mais sont progressivement caractérisés. C’est le cas des partenariats d’exploration, concept théorisé par Segrestin (2003) que nous présentons dans cette section.

La littérature s’est souvent limitée à des cas de coopération dans lesquels les objets concernés, les savoirs mobilisés, les relations établies étaient connus, formalisés et stabilisés. Or, de plus en plus de partenariats concernent désormais des objets innovants, pour lesquels les savoirs à mobiliser ne sont pas immédiatement accessibles. Malgré les typologies foisonnantes existant sur les coopérations inter-organisationnelles, révélatrices de la complexité du phénomène, il est parfois difficile d’y reconnaître ce dernier type de coopérations. La plupart des cadres théoriques existant sont donc en défaut lorsqu’il s’agit d’appréhender ce modèle de relation inter-organisationnelle. C’est la raison pour laquelle Segrestin, en faisant appel à une perspective de régime de conception innovante (Le Masson, Weil, & Hatchuel, 2006), propose le concept de « partenariat d’exploration ».

Dans cette section, nous tâcherons dans un premier temps de définir l’activité d’exploration collective, avant de souligner l’importance de revenir aux deux dimensions fondamentales de la coopération selon Barnard (1968). Nous nous pencherons ensuite sur les principales difficultés rencontrées dans la conduite de partenariats d’exploration, avant de dégager des leviers managériaux permettant de les contourner, puis de nous poser la question de la régulation de ces partenariats par le droit et plus largement par la puissance publique.

1. Définition et caractérisation de l’activité d’exploration collective

A. Une définition de l’exploration

Segrestin (2003) définit ainsi l’activité d’exploration (p. 13) : « L'exploration consiste

pour nous en cette activité d'investigation et de reconnaissance de nouveaux champs d'action ou, plus spécifiquement, de "champs d'innovation" (Fixari et Hatchuel, 1998, Aggeri, Fixari et Hatchuel, 1998). Cette activité est nécessairement collective, d'autant plus qu'elle concerne des objets qui mobilisent plusieurs disciplines, mêlent différentes problématiques et ne rentrent pas forcément dans les catégories habituelles de compétences. Elle ne porte ni sur des produits tangibles, ni sur des projets clairement établis : elle vise au contraire à cerner des potentiels d'action. De la même manière, l'exploration collective ne se déroule pas

 

 

Chapitre  1    

   

forcément dans des groupements constitués : les acteurs cherchent au contraire à évaluer les collectifs nécessaires et les formes de regroupement appropriées. »

Nous pouvons retenir plusieurs choses de cette définition. En effet, l’exploration collective se distingue d’autres formes de coopérations plus « classiques » par:

§ La nature de l’objet de la collaboration, qui n’est pas défini clairement à l’origine du processus, mais qui est construit progressivement. On se place ainsi dans un régime de conception innovante, par opposition à un régime de conception réglée (Le Masson et al., 2006). La coopération vise à identifier des potentiels d’actions inconnus.

§ De même, les collectifs ne sont pas nécessairement figés mais sont susceptibles d’évoluer au gré de l’exploration : « l'exploration visant à déterminer ce qu'il faut

apprendre et les ressources nécessaires, l'organisation et l'identité-même des acteurs concernés font également partie des éléments à concevoir et sur lesquels porteront les apprentissages » (Segrestin p. 65)

Segrestin précise ainsi les principales caractéristiques de l’exploration (p. 70) :

§ « L'exploration concerne un problème mal posé, un concept pour lequel aucune

concrétisation n'existe et sur lequel les connaissances disponibles sont très réduites ou peu exploitables directement. »

§ « [L’exploration est une] démarche visant à examiner, à parcourir, à expérimenter,

et à "cartographier" l'espace potentiellement ouvert par un tel concept. Il s'agit moins dans un premier temps de bâtir des projets que de repérer les lieux, de les décrire de manière plus ou moins méthodique. »

§ « L'exploration est donc le processus par lequel on est amené, en cherchant à

cartographier un espace d'innovation, à concevoir en parallèle l'instrumentation correspondante. Plus généralement, la détermination des ressources nécessaires et des moyens fait partie intégrante du processus d'exploration. »

§ « Les résultats de l'exploration sont donc radicalement incertains. Ils dépendent en

effet du type d'instruments, des ressources et des stratégies que l'on adopte. Ils dépendent notamment des critères d'évaluation que l'on élabore. »

§ « Enfin, l'espace des possibles ne préexiste pas au processus d'exploration. Il ne

s'agit pas d'un dévoilement, mais d'une élaboration, et les projets qu'il pourra contenir dépendront de la manière dont il aura été conçu. »

B. L’exploration, une double crise de la coopération

On voit bien que cette définition de l’exploration est susceptible de perturber les managers et de remettre en question les mécanismes usuels de coopération. En effet, si elle est à même d’entraîner des innovations managériales ou organisationnelles potentiellement importantes, l’exploration collective entraîne une double crise de la coopération :

- Premièrement : une crise de l’action collective, qui doit se bâtir en l’absence de critères de performance et d’efficacité, puisque les objets autour desquels elle doit se construire ne sont pas connus a priori ;

- Deuxièmement : une crise du collectif, puisque les acteurs qui s’engagent dans une dynamique d’exploration ne connaissent ni les intérêts qu’ils peuvent en espérer, ni les risques auxquels ils s’exposent. Le périmètre du groupe, la nature des relations entre ses membres, son identité collective, ses règles de fonctionnement sont autant de dimensions qui ne sont pas définies au préalable et qu’il convient d’explorer en tant que telles.

Les théories classiques sur la coopération ne permettent pas selon Segrestin de bien saisir ces interrogations portant sur les dynamiques d’exploration collective, dans la mesure où elles étudient de manière découplée d’une part la construction et la régulation d’un collectif, et d’autre part l’efficacité d’un collectif à atteindre un objectif donné. Elle suggère ainsi de revenir aux deux dimensions fondamentales de la coopération, telles que définies par Barnard (1968), afin de les étudier conjointement, pour se pencher sur leur articulation et même en réalité leur co-détermination.

2. Retour au dyptique de la coopération selon Barnard : coordination et cohésion Le pilotage de cette exploration collective nécessite selon Segrestin de concevoir simultanément des modalités de coordination et un cadre de cohésion. Coordination et cohésion forment d’ailleurs d’après Barnard (1968) les deux dimensions fondatrices de la coopération. La coordination renvoie plutôt à l’efficacité de l’organisation collective, tandis que la cohésion correspond davantage aux intérêts à agir du collectif, à la légitimité du système d’action.

Pour Barnard, trois éléments sont nécessaires à la constitution d’un collectif : - Les individus qui composent le collectif ont la volonté de coopérer ; - Ces individus ont les moyens de communiquer entre eux ;

- Ils partagent un objet (« common purpose ») qui est accepté par chacun d’entre eux.

 

 

Chapitre  1    

   

priori, puisque chaque individu a des intérêts particuliers qui ne coïncident pas nécessairement avec ceux du groupe. La participation d’un individu à un collectif dépend donc de la capacité du groupe à satisfaire au moins une partie de ses aspirations. Les conditions de communication permettent alors de comprendre les intentions de différents acteurs et de partager l’objet de l’organisation, lorsque celui-ci a été défini, en cherchant à s’assurer que cet objet est compris et accepté par les individus constituant le collectif. Notons que cet objet peut tout à fait évoluer dans le temps, Barnard insistant ainsi sur le caractère dynamique de la coopération.

D’après Barnard, le fonctionnement durable d'une organisation dépend alors de deux processus interdépendants. Le premier renvoie à la capacité de l'organisation à définir et à réaliser son objet, le second concerne la "création et la distribution des satisfactions" entre les membres du groupe (Segrestin 2003, p. 74). Ces deux processus font ainsi référence à deux dimensions, coordination et cohésion, que nous définissons plus précisément ci-après, et qui constitueront notre grille de lecture de base dans l’analyse des partenariats d’exploration. Segrestin indique que dans la littérature, ces deux dimensions ont été souvent étudiées de manière cloisonnée d’un point de vue disciplinaire, la dimension « coordination » étant davantage l’objet d’étude des chercheurs en gestion, tandis que l’aspect « cohésion » intéressait plutôt les juristes et les économistes.

§ La coordination

Pour Segrestin (p. 76), ce terme de coordination fait référence à « l'ensemble des

dispositifs permettant de réguler les interdépendances induites par une activité entre plusieurs acteurs, y compris la formulation de l'objet de cette activité. » C’est un concept qui

renvoie à la notion d’efficacité de l’action collective, ce qui suppose que l’objet de la coopération soit défini, et qu’il existe des critères d’évaluation permettant de mesurer la performance de ces mécanismes de coordination. La notion de coordination a été au cœur des travaux de Mintzberg (1979), qui indique ainsi que : "toute activité humaine organisée – de la

poterie à l'envoi d'un homme sur la lune – doit répondre à deux exigences fondamentales et contradictoires : la division du travail entre les différentes tâches à accomplir et la coordination de ces tâches pour l'accomplissement de ce travail. La structure d'une organisation peut être définie comme la somme totale des moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches"

.

La coordination est donc la manière de définir, de diviser un travail, puis d’assigner les tâches induites par cette division à différents acteurs qui les assureront en parallèle. Cela suppose donc une série de préoccupations : définir de manière précise l’objet de la coopération, identifier les ressources et les compétences nécessaires à sa réalisation, connaître un certain nombre de contraintes, notamment temporelles, etc.

Les mécanismes de coordination (définis précisément par Mintzberg) permettent de comprendre comment fonctionne une organisation, mais ils ne suffisent pas à expliquer ce qui fait qu’un ensemble d’individus accepte de s’engager dans un collectif d’action. En effet, la

notion de coordination ne permet pas d’appréhender les intérêts particuliers des individus d’un groupe et la manière dont ces intérêts peuvent se concilier autour d’un objectif commun. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de faire également appel au concept de cohésion.

§ La cohésion

C’est justement cette question de l’adhésion au collectif qui est au cœur de la notion de cohésion. Qu’est-ce qui fait qu’un ensemble d’individus aux aspirations souvent discordantes trouve un intérêt à collaborer (le fameux « common purpose » de Barnard) ?

Pour Segrestin (p. 81) : « La cohésion est la structure sociale de légitimité dans

laquelle vont s'inscrire les relations. En d'autres termes, la cohésion renvoie à l'ensemble des dispositifs qui, dans un collectif où les intérêts des individus, de l'organisation, et de la société peuvent diverger, permettront de résoudre les conflits éventuels. […] La cohésion est donc le cadre de l'action sur lequel les acteurs s'entendent et qui permet, sans déterminer l'action, qu'elle soit engagée et poursuivie dans des conditions acceptables pour tous. »

Quels dispositifs sont susceptibles de permettre de faire converger les intérêts, et de favoriser l’adhésion des individus à un objet collectif ? Les économistes mettent en avant la nécessité de mettre en place une structure de gouvernance permettant de partager les risques et les intérêts, éventuellement en précisant ces modalités de partage sous la forme d’un contrat (voir les travaux de Williamson (1979)). Pour Segrestin, la légitimité d’un système de cohésion est issue du droit : les dispositifs formalisés du droit permettent de « transformer les

intérêts propres du collectif en droits et en obligations mutuelles » (p. 82). Le droit permet

d’anticiper et de résoudre d’éventuels litiges qui pourraient opposer les membres d’un collectif donné, par le biais de trois mécanismes : un mécanisme d’assomption du risque (pour répartir ou mutualiser les responsabilités des acteurs), un mécanisme de partage des résultats ou opportunités défini ex-ante, et enfin un mécanisme qui explicite le partage du pouvoir entre les individus lors des prises de décision.

* * *

Ces deux dimensions de la coordination sont, on le voit, complexes à assurer dans un contexte d’incertitude dans lequel l’objet de la coopération n’est pas défini et le périmètre du collectif n’est pas stabilisé. Ainsi, dans le cadre des partenariats d’exploration, on fait face à une crise simultanée de la cohésion et de la coordination du collectif, ce qui implique d’étudier conjointement ces deux paramètres.

3. Les partenariats d’exploration : la crise simultanée de la cohésion et de la coordination

Précisons à présent en quoi ces deux dimensions, cohésion et coordination, sont affectées dans le cadre d’un partenariat d’exploration (Segrestin, 2006).

 

 

Chapitre  1    

   

§ La précarité de la coordination

Premièrement, dans les régimes de conception innovants, il est souvent difficile de diviser le travail en un ensemble de missions découplées les unes des autres, et par ailleurs de prescrire des objectifs à atteindre. Les mécanismes de délégation et de prescription sont en effet particulièrement complexes à instaurer quand on manipule des objets incertains.

Dans les situations d’exploration, la coordination autour d’objets qui restent à concevoir est donc précaire, puisqu’il est difficile d’estimer les ressources nécessaires, les retombées possibles quand on ne maîtrise pas les objets sur lesquels on travaille. Cette incertitude sur les objets est inhérente aux partenariats d’exploration. A partir d’exemples précis issus d’activités industrielles, Segrestin montre que « les choix de coordination en

situation d’exploration sont inévitablement chahutés et précaires : c’est à l’évidence un rôle important du management que de gérer les révisions de ces choix dans de bonnes conditions » (p. 80).

§ La précarité de la cohésion

Deuxièmement, les modèles de cohésion habituels ne peuvent s’appliquer dans les régimes de conception innovante. Comme on l’a vu précédemment, le système de cohésion d’un collectif est généralement défini ex-ante à l’aide de modèles économiques ou de contrats encadrés par le droit. Les cadres de cohésion sont le plus souvent considérés comme des prérequis de toute forme d’action collective, puisqu’ils sont censés garantir de manière stable les intérêts des individus membres du collectif avant le début de la coopération, en définissant leurs droits et obligations mutuelles. Cela repose sur l’hypothèse qu’il ne peut y avoir d’action collective sans cohésion définie et stabilisée en amont.

Cette hypothèse n’est plus valable dans le cadre d’une situation d’exploration. En effet, selon Segrestin, l’innovation déstabilise l’espace des préférences possibles, dans la mesure où « on peut se dire que si des entreprises se livrent à des activités d’exploration,

c’est précisément parce qu’elles ne connaissent pas a priori leurs préférences et cherchent à les appréhender » (p. 83). Le cadre de cohésion ne peut donc pas être stabilisé et prédéfini

avant le début de la coopération, puisque les différentes parties prenantes vont chercher à explorer leurs intérêts potentiels, qu’elles ne connaissent pas a priori. Le système de cohésion doit donc au contraire être suffisamment souple et indéterminé, en réaffirmant l’autonomie des parties. Les engagements mutuels étant faibles voire inexistants, cela entraine inévitablement une certaine précarité du collectif. La coopération doit ainsi s’organiser sur des horizons temporels réduits. A l’issue de chaque étape du processus collaboratif, un bilan des résultats et des apprentissages est effectué, les prochaines orientations sont établies, mais les individus sont libres de ne pas poursuivre la coopération.

§ Caractérisation des partenariats d’exploration

Les partenariats d’exploration sont donc une forme particulière de coopération, caractérisés par une indétermination portant à la fois sur les modalités de coordination et de

cohésion. Ces partenariats ont alors pour vocation de conduire un double processus de conception, qui se fait de manière itérative et simultanée.

Premièrement, il s’agit de qualifier les objets de l’action collective. Cela implique de cartographier, en veillant à élargir l’espace des possibles plutôt qu’à le restreindre, les opportunités et les risques, les ressources nécessaires, les critères d’efficacité, et les voies d’apprentissages liés à cet objet de coopération.

Deuxièmement, l’exploration doit permettre de réunir les conditions de l’action collective. La constitution d’un cadre de cohésion est un processus délicat en raison du paradoxe inhérent aux partenariats d’exploration : « les acteurs doivent mener des actions

d’exploration qui les engagent nécessairement, alors même qu’un des enjeux forts, étant donné l’instabilité de leurs préférences et des résultats de leurs apprentissages, est de préserver la possibilité de se désengager » (Segrestin 2003, p. 91). Il s’agit alors de réfléchir

aux conditions permettant l’éventuelle émergence d’un intérêt commun, qui n’existe pas au préalable, mais qui est susceptible d’apparaître grâce aux actions menées.

4. Manager les partenariats d’exploration : l’importance du couplage cohésion- coordination

Ce double processus de conception pose la question des techniques managériales permettant d’assurer un couplage entre ces deux dimensions, qui selon Segrestin ont souvent tendance à être appréhendées de manière indépendante, l’une des deux au moins étant considérée comme stabilisée. L’exploration nécessite en effet un pilotage simultané de deux processus de conception parallèles mais interconnectés. Pour piloter un processus d’exploration collective, le manager doit par exemple chercher à :

- Circonscrire les espaces d’exploration en stabilisant à chaque fois l’une des deux dimensions de la coopération, tout en veillant à ne pas perturber l’équilibre fragile entre ces deux dimensions ;

- Gérer les transitions entre ces différents espaces d’exploration circonscrits, en cherchant à maintenir les conditions de cohésion du collectif.

Ceci implique de développer de nouveaux instruments de gestion et de nouvelles compétences managériales. Ce principe général est décliné dans l’encadré suivant en ce qui concerne le pilotage des deux grandes dimensions de la coopération.

 

 

Chapitre  1    

   

« Au niveau de la coordination, l'analyse révèle l'importance du management capable de

désigner des directions d'apprentissage et de réviser progressivement les choix organisationnels et l'objet des missions tout en organisant la capitalisation des connaissances produites et la régénération des champs d'exploration. » (Segrestin p. 329)

« Au niveau de la cohésion, l'étude de cas empiriques montre le foisonnement de nouvelles

techniques destinées à permettre aux partenaires d'engager l'action sans s'engager et à assurer une certaine récursivité des choix et des orientations conjointes. » (Segrestin p. 329)

Encadré 1 - Les leviers managériaux de l’exploration collective selon Segrestin (2003)

5. D’une évolution du droit à la question plus large de la régulation par la puissance publique

Une autre préconisation formulée par Segrestin consisterait à réfléchir à une évolution du droit pour permettre la création de « contrats d’exploration », constituant un cadre légal formalisé, destiné à structurer et à faciliter l’exploration conjointe.

En effet, elle souligne l’intérêt de différents dispositifs juridiques visant à « qualifier

la logique de l’exploration et à définir les "objets de gouvernement" ou bien ce qu'on peut appeler des catégories pour l'action des entreprises ». Ainsi, en « définissant des titres, des obligations et des prérogatives, établissant les statuts et les types de groupement, spécifiant les règles de fonctionnement des groupements, le droit fournit des "catégories d'action" aux acteurs économiques, il constitue un vecteur puissant d'explicitation et de formation, donc de diffusion et de régulation des pratiques. » (Segrestin, p. 329).

Or, le droit des affaires a tendance à rester en retrait des pratiques : il considère comme constitués les objets et les intérêts de la coopération, sans s’interroger sur le processus de leur construction. Par conséquent, la liberté contractuelle, au lieu d’aider les entreprises, les laisse dans une situation de forte incertitude. Segrestin a donc réfléchi aux caractéristiques d’un cadre d’association d’exploration qui soit capable d’encadrer les pratiques. L’enjeu consiste à spécifier la logique de l’exploration et à en cerner les conditions, les risques et les instruments. Elle propose ainsi un modèle de contrat spécial d’exploration (p. 320).

Nous ne nous attarderons pas dans la suite de cette thèse sur cet aspect légal, qui

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