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De l’infection au VIH-1 au Syndrome D’immunodéficience Acquise

1. La primo-infection

Le VIH-1 se transmet au cours des rapports sexuels non protégés ou par contact sanguin avec du sang de patients séropositifs, des cellules infectées, ou des particules virales libres de phénotype R5 (virus qui utilisent CCR5 comme corécepteur). Les premières cellules ciblées par le VIH sont les cellules immunitaires résidentes des muqueuses anales et vaginales telles que les DCs, les macrophages, et les LT CD4+. Peu de temps après la primo-infection, le virus se dissémine dans l’organisme et atteint notamment certains organes stratégiques tels que les organes lymphoïdes secondaires (MALT « mucosa associated lymphoid tissue » et GALT « Gut associated lymphoid tissue ») où résident la majeure partie des cellules cibles du VIH. Les DCs agissent comme un « cheval de troie ». Elles transportent le virus du site de primo-infection vers les nœuds lymphatiques en le

Figure 17 Histoire naturelle de l’infection au VIH-1.

L’évolution du nombre de LT CD4 dans le sang au cours du temps est représentée en noir. La courbe verte représente la charge virale. L’émergence des virus CXCR4 tropiques est indiquée en rouge. D’après (Swanstrom and Coffin 2012).

27 fixant par le biais du récepteur DC-SIGN (

Coleman, Gelais et al. 2013

). Ensuite, elles le transfèrent aux LT. Récemment, il a été montré qu’une sous-population de LT CD4+ présente dans les muqueuses qui exprime fortement le récepteur de homing vers le tractus gastro-intestinal, les intégrines α4β7, se révèle très sensible à l'infection par le VIH. En effet, elle peut fixer le virion par le biais de cette intégrine et faciliter sa dissémination (

Cicala, Arthos et al. 2011

). A ce stade de l’infection, le virus se réplique activement pendant une période de 6 à 12 semaines appelée la phase aigue. La charge virale atteint plusieurs millions de copies d'ARN viral par millilitre (ml) de plasma. Le nombre de LT CD4+ dans le sang et le tractus gastro-intestinal chute de manière drastique avec la réplication virale. Alors que les organes lymphoïdes centraux (Thymus) régénèrent le stock de LT dans le compartiment sanguin, les muqueuses gastro-intestinales elles sont peu ou pas repeuplées. A ce stade de l'infection, les systèmes immunitaires innées et adaptatifs luttent activement contre l’infection et parviennent à contrôler la réplication du VIH pour abaisser la charge virale plasmatique à un taux compris entre 103 et 106 copies d'ARN par ml (

Coffin and Swanstrom 2013

). Parmi les réponses immunitaires impliquées on retrouve: la sécrétion de facteurs solubles tels que des lectines liant le mannose, les protéines du complément, des anticorps anti-VIH dirigés contre la protéine Tat ou les protéines d'enveloppe gp120 et gp41 et qui neutralisent l'infection de nouvelles cellules. Les cellules NK détruisent également les cellules infectées qui sont détectées par une diminution de l'expression du CMH I ou grâce au mécanisme d’ADCC. La réponse T CD4+ est également opérationnelle pour aider à l’activation des lymphocytes B et des lymphocytes T CD8 + cytotoxiques.

2. La phase asymptomatique

Malgré la résolution de la phase aigue, le virus persiste dans l’organisme et l’infection devient chronique. Au cours de cette période asymptomatique qui varie de 6 mois à plusieurs dizaines d’années en fonction des patients, le virus se réplique de manière continue, principalement au niveau des cellules réservoirs du virus : les LT CD4 mémoires, les LT régulateurs (

Tran, de Goer

de Herve et al. 2008

), les macrophages et le système nerveux central (

Eisele and Siliciano 2012

;

Lafeuillade 2012

). Alors que l’aide CD4+ diminue au cours du temps, le système immunitaire lutte activement contre la réplication virale via la réponse T cytotoxique et la production d’anticorps. Cependant, le virus va s’adapter à cette pression immunitaire grâce à des mutations qui vont conduire à l’apparition de nouveaux variants. L'une des émergences virales les plus dramatiques pour l’hôte est l'apparition des virus X4 tropique (virus qui utilisent le CXCR4 comme corécepteur) et des virus dual tropique R5/X4 qui se répliquent plus rapidement, produisent plus de nouveaux virions et qui sont plus cytopathiques (

Swanstrom and Coffin 2012

). En plus de la lyse directe des cellules infectées par le virus ou par les produits de la réponse immunitaire cette phase s’accompagne d’une dérégulation progressive des mécanismes immunitaires conduisant à l'épuisement général de la réponse immunitaire (

Swanstrom and Coffin 2012

). Cet affaiblissement du système immunitaire se caractérise par une activation chronique qui passe notamment par une augmentation de la production des cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, l’IFN-α et l'IL-6. La production massive et continue des ces cytokines est associée au développement de nombreux troubles immunologiques et neurologiques associés à l’infection et augmente la mort cellulaire par apoptose. Malgré une

28 activation massive du système immunitaire, les cellules effectrices ne parviennent pas à monter une réponse efficace dans la lutte contre le VIH. Ce phénomène est expliqué par une augmentation de nombreux facteurs immunosuppressifs qui inhibent la réponse T. Parmi ces mécanismes détaillés plus loin, on retrouve principalement a) une augmentation de la production de la cytokine immunosuppressive IL-10 ; b) une augmentation du récepteur inhibiteur programmed death 1 (PD- 1) et du ligand PD-L1 ; c) une augmentation de l’expression de l'enzyme immunosuppressive indoléamine 2,3 dioxygénase (IDO) et de son activité et d) une augmentation de la génération et l’activation des LT régulateurs, une sous-population de lymphocytes T ayant une activité immunosuppressive. L’ensemble de ces facteurs immunosuppressifs contribue à l'inactivation du système immunitaire et sont associés à l’évolution de la maladie vers le stade SIDA.

3. Le stade SIDA

Après plusieurs années d'infection chronique non résolue, le taux de LT CD4 + chute au dessous du seuil critique de 200 cellules par microlitre de sang (

Lackner, Lederman et al. 2012

). La destruction du thymus et des cellules pro génitrices clés de la moelle osseuse empêche la production de nouvelles cellules immunitaires et mène irrémédiablement à l'effondrement du système immunitaire. La charge virale augmente continuellement et coïncide avec l'apparition des premiers symptômes du SIDA tels que la fièvre, des sueurs nocturnes, une perte de poids, et un gonflement des ganglions. Cette phase SIDA, se caractérise également par le développement d’infections opportunistes rares. Les premiers opportunistes qui se développent à ce stade de l’immunosuppression sont les candidoses orales, les infections à pneumocoques, les infections mycobactériennes et la réactivation des virus herpès simplex et varicelle zonaster. Cette phase se caractérise également par la prolifération de tumeurs telles que le sarcome de Kaposi, associé au virus de l'herpès humain 8, de lymphomes associés au virus d'Epstein-Barr et de cancers du col de l’utérus et de l'anus associée au papillomavirus humain. A mesure que le taux de LT continue de diminuer, d'autres pathogènes opportunistes se développent comme des pneumonies à pneumocystis carnii, des encéphalites à toxoplasmose et des méningites cryptococcique. Le CMV, Mycobacterium avium, et les infections à cryptoridiosis se produit généralement lorsque le nombre de LT CD4 chute au-dessous des 50 par microlitre de sang. Ce dernier stade de l'infection au VIH, associé à une profonde immunosuppression conduit irrémédiablement à la mort du patient en quelques mois en l’absence de traitement.

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II-DETOURNEMENT DES CELLULES DENDRITIQUES ET

IMMUNOPATHOLOGIE DE L’INFECTION AU VIH-1

Le système immunitaire est un réseau complexe de cellules dont la fonction est de protéger l’organisme contre les antigènes étrangers. Il peut être divisé en deux composantes, innée et adaptative, qui fonctionnent en synergie. Lors de l’intrusion d’un pathogène, les cellules de l’immunité innée sont les premières à intervenir. Elles répondent de manière rapide mais peu spécifique. Cette première ligne de défense peut parfois s’avérer insuffisante et nécessiter la mise en place d’une réponse adaptative. Pour cela, des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) dont les monocytes, les macrophages, et les DCs, jouent le rôle de relais de l’information. Elles sont capables de capturer et dégrader le pathogène puis de présenter les antigènes apprêtés aux cellules de l’immunité adaptative tel que les LT. Les LT possèdent un récepteur d’antigène « T cell Receptor » (TCR) spécifique pour un antigène. Lorsque les LT reconnaissent un antigène présenté par les CPA, ils s’activent pour organiser la réponse adaptative. Il existe deux types de réponses effectrices : une à médiation cellulaire et une à médiation humorale. Elles ont pour fonction de cibler et détruire spécifiquement les cellules portant cet antigène issu du pathogène tel que les cellules infectées ou de neutraliser directement les pathogènes eux-mêmes. La réponse à médiation cellulaire est essentiellement effectuée par les LT CD8+ cytotoxiques qui lysent de manière spécifique les cellules cibles. La réponse humorale est exécutée par les lymphocytes B (LB) qui secrètent des anticorps solubles capables de cibler spécifiquement un pathogène. Cette seconde ligne, de défense adaptative est contrôlée par les LT CD4+. Ces cellules sont également appelé LT « helper », ou auxiliaires qui, comme leur nom l’indique, aident à l’activation des LT CD8+ et LB. Ils sont divisés en différentes sous- populations Th1, Th2, Th17, T régulateurs, et Th folliculaires (TfH) qui régulent l’intensité et l’efficacité de la réponse effectrice. Ces cellules peuvent aussi constituer une population de cellules mémoires qui sont capables de répondre de manière plus rapide et plus efficace lors de réinfections par le même pathogène.

Malgré la présence de ces deux lignes de défense immunitaire, le VIH-1 parvient à instaurer une persistance à long terme. Il n’est jamais éliminé de l’organisme. La particularité de ce virus est qu’il s’attaque directement au système immunitaire, et provoque l’apparition de profonds dysfonctionnements immunologiques. Il infecte les LT CD4+ et conduit à leur destruction. Il pirate également les cellules présentatrices d’antigènes comme les DCs (

Lambotin, Raghuraman et al.

2010

;

Miller and Bhardwaj 2013

). Ces cellules sont détournées de leurs fonctions protectrices pour assurer la dissémination du virus et sa persistance dans l’organisme. A terme, l’ensemble de ces troubles immunologiques conduisent à la phase finale de la maladie, le stade SIDA.

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