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De l’analyse contrastive à l’analyse d’erreur 1 L’erreur

Préliminaires théoriques et choix méthodologiques

2- De l’analyse contrastive à l’analyse d’erreur 1 L’erreur

L’erreur dans l’apprentissage est sans doute aussi ancienne que le projet d’instruire lui-même. Elle est une source d’angoisse et de stress pour les apprenants. Même les bons sont pris par la peur de rater la norme. Cette aversion spontanée pour l’erreur, et le rejet

4 2 didactique qui en résulte souvent, correspond à une représentation de l’acte d’apprendre qui est largement partagée par les enseignants, les parents et le sens commun.

La notion de l’erreur, située au cœur même de l’apprentissage, a changé de statut. En effet considérée autrefois comme négative, elle ne tarde pas à acquérir un nouveau statut. Au préalable, on considérait que le mécanisme de l’enseignement est le suivant : l’enseignant détient un savoir qu’il transmet à ses apprenants. Il attend de ceux-ci qu’ils reproduisent ce qui leur est indiqué : restitution des connaissances et reproduction des types de raisonnements qui mettent en jeu ces connaissances. Ainsi, une part plus ou moins grande est-elle faite à l’activité des apprenants :

« L’enseignement est souvent centré sur les contenus à enseigner (les programmes, ce qui doit être transmis). Les caractéristiques de l’apprenant après l’apprentissage ne sont pas clairement explicitées. »64

L’enseignant, dans ce cas, est peu enclin à admettre l’erreur, et peut même, selon sa personnalité, s’en étonner et s’en indigner parce qu’il ne prend en compte que le résultat dans son exactitude, sa conformité à la solution attendue.

Ainsi les erreurs repérées chez les apprenants le remettent lui-même en question à travers un certain constat d’inefficacité de l’enseignement donné.

En tous cas, l’enseignant interprète volontiers l’erreur comme un dysfonctionnement dans l’émission s’il est porté à se remettre en cause, ou dans la réception : manque d’attention lors de l’information, manque de concentration, de sérieux dans la réalisation. Veslin le note aussi très justement :

« Le manque, le trou ou la verrue, l’élément fâcheux, l’intrus à pénaliser et qu’une situation pédagogique idéale, par la qualité de la transmission, et la fidélité de la réception, devrait éliminer ».65

Donc, l’enseignant manifeste souvent son indignation et son étonnement par des colères et des attitudes peu convenantes à l’égard des apprenants, en pensant qu’à travers les punitions et les sanctions, on peut résoudre les difficultés.

64 Veslin (O. J), (1992), Corriger et Copies, Evaluer pour Former, Paris, Edition Hachette, p.53 65

Par la suite, la vision a changé, l’erreur semble être un moyen bénéfique qui sert à améliorer l’apprentissage. Il la rend non seulement possible, mais la prévoit dans le cheminement de l’apprenant tout en fournissant, en cas de mauvaise réponse (et pour que celle-ci n’ait pas la temps de se fixer) une remédiation.

Dans la même perspective, l’erreur est utile et non humiliante dans la mesure où elle est la conséquence logique des difficultés et des conditions d’enseignement / apprentissage scolaire. Donc, il ne faut pas considérer l’apprenant comme une personne coupable alors que ce dernier s’efforce de mettre toute sa bonne volonté à apprendre. L’apparition de l’erreur, dans les productions d’énoncés, confirme que l’élève applique un certain nombre de règles. Cela veut dire qu’il y a effort et activité cognitive. En d’autres termes, l’erreur reflète l’effort de l’élève pour s’approprier les mécanismes linguistiques de la langue cible.

2-1-1- La dialectique Erreur/Faute

Le concept d’erreur s’est longtemps trouvé attaché au concept de « faute » avec toutes les connotations qui l’accompagnent. Ainsi certains manuels de pédagogie anciens recommandent aux enseignants de ne jamais écrire au tableau une expression erronée qui pourrait être enregistrée par les apprenants. L’enseignant doit éviter au maximum de croiser l’erreur sur son chemin. Malheureusement il s’y trouve souvent confronté. Dans ce cas, il réagit de deux sortes :

- Soit par la sanction : ici l’erreur est considérée comme étant une faute. Cette attitude met l’erreur à charge de l’apprenant et de ses efforts d’adaptation à la situation didactique.

- Soit, au contraire, par un effort de réécriture de la progression. Cette attitude met donc l’erreur à charge de l’enseignant et de sa capacité à s’adapter au niveau réel de ses apprenants.

Dans les conceptions actuelles de la pédagogie, le statut de l’erreur a ainsi perdu son aspect de « faute » qui ne doit pas être montrée, au profit de la manifestation d’une connaissance, certes non conforme à celle qui était visée par l’enseignant, mais qui doit être prise en compte en tant que telle et dont il convient de rechercher l’origine pour la

4 4 reconstruire correctement. La conception positive de l’erreur dans l’appropriation d’une langue étrangère a fini par s’imposer après une époque où elle était considérée comme une faute.

Quelle est la distinction entre les erreurs de performance et les erreurs de compétence ?

Tout d’abord, nous allons préciser ce que veut dire compétence et performance. N. Chomsky (1956) a été le premier à utiliser cette dichotomie. Pour lui, la compétence est la connaissance des savoirs et savoir-faire qui permettent à un locuteur auditeur d’effectuer un nombre illimités d’énoncés (elle est de type cognitif). La performance est l’application de cette connaissance.

Ensuite, P. Corder (1967) affirme que les erreurs des apprenants sont systématiques, c’est-à-dire qu’elles sont le produit de leur compétence transitoire66

. La distinction entre des erreurs systématiques et des productions non systématiques permet de distinguer les erreurs de performance (lapsus, fatigue, etc.) qu’il appelle fautes, et erreurs de compétence dues à la méconnaissance des règles et leur mauvaise application ou à une interprétation erronée de celle-ci, influencé par la langue maternelle

Nous pouvons résumer la dialectique erreur/faute dans le schéma qui suit :

Compétence Performance

Processus remédiation Correction

Connaissance temporaire Connaissance déjà

installée à détruire pour installer

une autre

« Rectifier l’erreur » Fait qui justifie 66 Supra p.45 Faute Erreu r

la sanction Fait qui élimine toute

sorte de sanction

Contrairement à ce point de vue, J.P. Cuq (1996) ne voit pas la nécessité de faire une distinction entre « faute » et « erreur », il utilise seulement le terme « erreur » pour plusieurs raisons, entre autres sa fonction positive comme l’affirme Alain en 1928 :« penser c’est d’aller d’erreur en erreur »67. Ainsi, tout apprentissage est source potentielle d’erreur, l’apprenant peut se tromper sans grave conséquences, ni pour lui- même, ni pour la collectivité :

« Faire produire des énoncés dans des situations de communication est l’équivalent exact de faire produire des erreurs (…) C’est donc par ses erreurs que l’apprenant progresse. »68

2-2- L’analyse Contrastive

2-2-1- L’ancienne conception de l’analyse contrastive

Tout apprenant possède déjà une langue maternelle et/ou d’autres langues connues dans un cadre institutionnel ou non institutionnel et qui influent sur l’apprentissage d’une nouvelle langue, favorisant ainsi l’apparition de l’erreur .Dans ce sillage, deux courants ayant le même postulat, voient le jour :

5. Les études sur le bilinguisme ou « les langues en contact » représentées par U. Weinreich (1953) qui emploie le mot « interférence » pour expliquer les déviations par rapport à la norme de chaque langue que parle le bilingue .D’autres chercheurs utilisent des termes différents pour expliquer ces déviations, tels que « transférence » ou « code-switching ».

6. L’approche contrastive, branche de la linguistique appliquée et proposée par R. Lado (1957), qui analyse le recours à la langue première dans l’apprentissage des langues secondes ou étrangères.

67 Alain, « Propos sur l’éducation », cité in Dictionnaire encyclopédique de l’éducation, Paris, Nathan, 1994, p.9

68

Tagliante (Ch), Op cit, p.39-40

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