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Développer les solutions fondées sur la nature en sollicitant la participation citoyenne

La session parallèle sur la transformation “développer les solutions fondées sur la nature en sollicitant la participation citoyenne” avait pour objectif d’analyser les obstacles et leviers à cette transformation.

6.2.1 Explicitation de la transformation

Les SFN permettent de valoriser la diversité des services écosystémiques pour résoudre des problèmes environnementaux. Selon les participants, ces solutions doivent être sélectionnées et mises en œuvre à travers un processus de consultation et de suivi impliquant différents acteurs. Ils ont par ailleurs noté que l’utilisation des SFN peut aussi bien répondre à une recherche de maîtrise de la nature pour apporter des solutions à des enjeux humains qu’à une remise en question de cette recherche de maîtrise de la nature.

6.2.2 Identification des obstacles à la transformation

Les participants ont identifié les obstacles à la réalisation de la transformation, en les classant selon leur nature (ils relèvent des valeurs, des règles ou des connaissances).

Tableau 6.2 : Obstacles aux développement participatif de solutions fondées sur la nature

Valeurs

- Croyance selon laquelle les progrès technologiques apporteront des solutions à tous les problèmes et que la maîtrise de ces technologies est toujours à la portée de l’humain - Perte d’intérêt dans l’engagement citoyen

- Les standards de performance créés et véhiculés à l’échelle d’un secteur freinent l’adoption de techniques “non conventionnelles” (par exemple, un agriculteur doit répondre aux standards de production agricole définis par les coopératives)

- Les SFN sont généralement perçues comme moins efficaces que les solutions conventionnelles

Règles

- Encadrement technique des filières pour atteindre les standards de production et les objectifs de rendement

- Critères restreints pour évaluer la performance d’une solution

- Les procédures de sélection des solutions, fondées sur le système de valeurs dominant (les études d’impact, par exemple), ne sont pas favorables aux SFN (multicritères, haut niveau d’incertitude)

- Peu d’espaces de discussions impliquant largement les parties prenantes, dans la mise en œuvre des stratégies d’aménagement par exemple

- Les asymétries de pouvoir font obstacle à l’identification et à la mise en œuvre de solutions participatives

- Normes actuelles pour sélectionner les acteurs associés aux processus de prise de décision - Les règles de planification et de cadrage, comme les documents d’urbanisme, n’incluent

généralement pas les SFN

Connaissances

- Les critères de performance appliqués aux solutions technologiques conventionnelles orientent la production de connaissances scientifiques

- Les promesses de performance des solutions technologiques conventionnelles ne sont pas systématiquement tenues mais l’écart aux résultats promis est souvent tu (économie fondée sur “la promesse d’un monde meilleur lié à la révolution technologique” (Joly, 2005))

Un nouveau système d’évaluation et de diffusion de connaissances sur les SFN

Les solutions technologiques conventionnelles et les SFN sont développées pour résoudre des problèmes liés à la dégradation des écosystèmes ou à la protection des êtres humains, des activités économiques et des infrastructures situées dans des zones à risque. Dans les deux cas, le décideur, un.e maire par exemple, doit s’assurer de l’efficacité de la solution sur la base d’une étude d’impact. Celle-ci envisage différentes hypothèses sur l’évolution de différents facteurs (les crues décennales et centennales par exemple, dans le cas d’une solution pour protéger des infrastructures de la montée des eaux) afin d’analyser les incidences négatives de la solution et de proposer des moyens de les éviter. L’évaluation de l’efficacité des solutions technologiques conventionnelles suit une approche monocritère, alors que celle des SFN est évaluée selon des critères de performance variés (réponse efficace aux défis sociétaux, viabilité économique, avantages nets pour la biodiversité et pour l'intégrité des écosystèmes, etc.). Les SFN ne peuvent donc que difficilement rivaliser avec les solutions conventionnelles. Le registre de performance doit donc s’ouvrir à davantage de critères pour intégrer de nouvelles solutions, parmi lesquelles les assemblages de plusieurs SFN visant à créer des synergies entre les solutions, sans disqualifier les solutions conventionnelles. Ce changement implique d’abord de créer un système de référence commun sur l’efficacité des SFN et repose sur une évolution à la fois des valeurs des décideurs et du système de règles qui en découle.

Les effets néfastes et les incertitudes associés à un recours systématique aux solutions technologiques conventionnelles doivent être rendus visibles. Dans l’hypothèse d’une hausse très importante du niveau de la mer par exemple, certaines infrastructures de protection côtière ne sont plus fonctionnelles, et peuvent même avoir des effets négatifs en augmentant la vulnérabilité des zones côtières. De plus, les externalités négatives des solutions conventionnelles sont souvent irréversibles : une fois les infrastructures installées, résoudre les problèmes de maladaptation49 peut s’avérer difficile. C’est le cas

des nombreux barrages installés aux Pays-Bas, qui ne sont pas efficaces dans un scénario de changement climatique extrême. Remplacer ces barrages par d’autres solutions représenterait un délai et des investissements considérables. L’aménagement du littoral, notamment l’urbanisation côtière et le développement d’activités dans ces zones, doit donc intégrer la gestion de l’incertitude.

A priori, les SFN ne sont pas plus coûteuses que les solutions technologiques conventionnelles. Cependant, l’adoption des SFN peut se heurter à un problème de financement étant données les méthodes utilisées pour estimer leurs coûts et bénéfices. Pour comparer deux options incluant une SFN, il est nécessaire de considérer le coût d’investissement et le coût de fonctionnement et de comptabiliser toutes les externalités, positives et négatives, que les options génèrent. Il est également essentiel de veiller à la redistribution des bénéfices et des coûts associés aux SFN, pour que ceux profitant des bénéfices participent à leur financement. Par ailleurs, l’adoption de critères de performance plus variés et l’implication d’un panel d’acteurs plus divers dans la conception et la mise en œuvre des SFN tend à élargir le champ des bénéficiaires par rapport à une solution technologique conventionnelle gérée par un opérateur privé.

De nouvelles connaissances sur les résultats des SFN doivent être développées et diffusées, à travers des publications et des actions de sensibilisation, pour influencer les systèmes de valeurs et de règles, dépasser l’association des solutions “naturelles” à une moindre performance, et soutenir les acteurs dans la mise en œuvre des SFN.

Les normes et les textes réglementaires doivent être adaptés à des niveaux plus élevés de variabilité et d’incertitude pour ne pas freiner l’adoption des SFN tout en assurant que l’institution mettant en place la

49La maladaptation est définie comme “un processus d’adaptation qui résulte directement en un accroissement de la vulnérabilité à la variabilité et au changement climatiques et/ou en une altération des capacités et des opportunités actuelles et futures

SFN engage sa responsabilité pour assurer la sécurité des habitants exposés au risque (la montée du niveau de la mer par exemple).

Intégrer de nouveaux acteurs et de nouvelles connaissances

Les SFN peuvent permettre de rassembler des acteurs et des institutions qui n'interagissaient pas jusqu’alors et dont les valeurs sont possiblement divergentes. Les systèmes de décision doivent évoluer pour intégrer de nouvelles connaissances et de nouveaux acteurs, au-delà de ce que les participants ont qualifié de “société des ingénieurs”. Par exemple, l'intégration d’écologues facilite l’appréhension des enjeux environnementaux par les services responsables de la gestion des eaux dans les villes. Faire évoluer le système d’acteurs implique aussi de reconnaître la valeur des connaissances locales et d’associer les acteurs porteurs de celles-ci dans la prise de décision.Cela pose la question des modalités d’intégration des savoirs locaux et profanes dans les processus de décision.

Un ensemble de règles, formelles et informelles, définit les acteurs participant à la prise de décision, les règles formelles impliquant généralement une plus grande diversité d’acteurs que les règles informelles. En cellule de crise de gestion quantitative de l’eau, certains départements n’invitent plus les associations environnementales, car le dialogue entre ces associations et les agriculteurs est devenu trop difficile. Les enjeux de pouvoir ont ainsi un rôle crucial dans la délimitation de l’espace des solutions. Ils doivent être reconnus et réduits pour pouvoir intégrer durablement des SFN. Toutefois, l’intégration de nouveaux acteurs n’est pas suffisante pour limiter les asymétries de pouvoir car la présence dans les espaces de prise de décision ne garantit pas d’avoir une influence sur les décisions.

Mettre en place des SFN passe par des efforts pour restaurer le dialogue entre des acteurs dont les intérêts et les valeurs divergent afin de sortir des approches en silo et des clivages existants pour reformuler les enjeux sur la case de débats fondés sur les connaissances et explicitant la variété des valeurs des parties prenantes. Redonner une place positive aux agriculteurs par exemple, et passer de l’agribashing50 à l’agriservice, repose sur la valorisation des services rendus par l’agriculture, y compris

les services d’approvisionnement.

Appréhender la complexité des systèmes socio-écologiques

Les participants ont souligné le besoin d’appréhender la complexité des systèmes socio-écologiques avant de définir un problème et de chercher des solutions appropriées. Sans redéfinition des problèmes et de l’espace des solutions, les acteurs auront tendance à recourir à des solutions qu’ils connaissent et qui paraissent évidentes étant donné la formulation du problème.

Les enjeux environnementaux doivent être reformulés de manière à adopter une perspective plus holistique et multicritère. Par exemple, les barrages sont censés répondre au problème de déficit hydrique mais engendrent des problèmes reconnus par tous : discontinuité écologique, évaporation, colmatage, relargage de pollution, etc. Appréhender le déficit hydrique passe par une prise en compte, d’une part, des problèmes associés aux barrages et aux secteurs impactés (le tourisme et la pêche par exemple), et d’autre part, des bénéfices de la création ou de la restauration de zones humides, à l’origine d’un grand nombre de services écosystémiques.