Développer le remembrement-relotissement

Les résultats pour cette proposition témoignent de son caractère peu faisable (figure 21). La mesure semble pourtant être appréciée tant sur le plan de l’efficacité que du point de vue de son acceptabilité sociétale et politique.

5.2.4.1. Efficacité

Sur le principe, les personnes interrogées considère que la pratique du remembrement- relotissement est intéressante en termes d’efficacité spatiale. Réorganiser les parcelles, surtout en milieu urbain ou suburbain, est sans conteste profitable. Développer cette mesure permettrait de travailler sur la rénovation urbaine, un champ d’action que beaucoup d’acteurs voudraient voir privilégié.

Cependant, si la mesure parait efficace en théorie, sa mise en pratique parait très difficile. C’est d’ailleurs pourquoi six personnes ont estimé cette mesure « peu efficace ». L’idée est ici que les résultats risquent d’être trop maigres en comparaison de l’énergie qu’il faudra déployer pour concrétiser des projets de remembrement-relotissement. En outre, vu la complexité des dossiers, il faudra s’attendre à des durées d’opération très longue entre le début des procédures et la commercialisation des terrains et des logements. En d’autres termes, les coûts de transaction5 liés au dispositif du remembrement-relotissement seraient trop importants.

5 _{Rappelons que la notion de coût de transaction fait ici référence à la perspective de l’économie institutionnelle}

qui consiste à considérer l’ensemble des coûts qui résultent de la gestion et de la coordination du système économique dans son ensemble.

Force est ici de constater le décalage entre la perception des acteurs wallons interrogés et les exemples de bonnes pratiques mises en avant par la littérature scientifique internationale (voir ci-dessus au point 3.4.1). Afin d’expliquer ce décalage, il faut revenir sur le diagnostic de la faible culture planificatrice qui caractérise la Belgique en général et la Wallonie en particulier (Halleux, 2013).

Figure 21

Appréciations sur l’efficacité, la faisabilité et l’acceptabilité du remembrement-relotissement

5.2.4.2. Faisabilité

Les experts rencontrés éprouvent de grandes difficultés à imaginer comment la pratique du remembrement-relotissement pourrait être largement développée. Ils sont donc unanimes pour considérer qu’appliquer le remembrement-relotissement est soit « peu faisable », soit « pas faisable ». Cette mesure apparaît d’autant plus difficile à mettre en œuvre qu’il n’existe pas d’application connue en Wallonie.

Parmi les freins principaux au développement du remembrement-relotissement, la prégnance du droit de propriété a été invoquée. En Belgique, le droit de propriété est très fort et il est connu que les propriétaires attachent une grande valeur affective à leur terrain. Dans cette perspective, négocier simultanément avec un nombre important de propriétaires semble représenter une gageure. Pourtant, afin d’aboutir à des opérations d’envergure, il faudra impliquer de nombreux propriétaires. Dans certains dossiers, vu les cas fréquents d’indivisions, le nombre de propriétaires pourrait d’ailleurs être plus élevé que le nombre de parcelles. Dans cette perspective, Julien Manceaux a relevé le paradoxe suivant : au plus il y a de propriétaires impliqués, au plus le projet urbanistique sera intéressant mais au plus il y aura des risques de désaccords et d’échecs.

Un autre frein au développement de la pratique du remembrement-relotissement correspond à la difficulté de préciser la valeur des terrains. Force est ici de constater que des terrains proches peuvent représenter des valeurs de marché différentes, en raison de nuisances ou d’aménités ayant un impact sur les valorisations foncières à la fois très important et très peu étendu dans l’espace. Estimer les valeurs foncières est donc une tâche difficile et, à ce jour, les autorités régionales et locales ne disposent pas des compétences permettent d’aboutir à des résultats satisfaisants.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 Efficacité Faisabilité Acceptabilité

Développer la mesure du remembrement-relotissement nécessiterait également de gérer le problème des « passagers clandestins ». Or, à ce jour, la législation wallonne semble désarmée par rapport à cette problématique.

Même si la pratique du remembrement-relotissement semble difficile à appliquer à vaste échelle, elle constitue néanmoins un outil puissant qui pourrait être appliqué dans certaines circonstances. Nous pensons en particulier à des configurations de recyclage urbain qui concerneraient des acteurs importants (publics ou privés) dont la rationalité est forte en comparaison des petits propriétaires particuliers. Rappelons-le, le remembrement- relotissement peut accroître les valeurs foncières et il représente donc un intérêt potentiel pour les propriétaires. Au-delà des opérations en recyclage urbain, nous considérons également que les autorités wallonnes devraient intégrer le dispositif du remembrement- relotissement dans leurs réflexions sur le sujet des villes nouvelles mis en avant par la Déclaration de Politique Régionale (Wallonie, 2014, p. 58 et p. 70). En effet, utiliser ce dispositif pourrait permettre de développer de tels projets sans engouffrer des sommes colossales dans l’acquisition des terrains.

5.2.4.3. Acceptabilité

Du point de vue de l’acceptabilité, la plupart des acteurs interrogés trouvent cette proposition « relativement acceptable ». Les personnes interrogées distinguent cependant les deux possibilités du remembrement forcé et du remembrement d’initiative privée.

Si le remembrement est forcé, les acteurs qui pourraient trouver cela inacceptable sont, par définition, les propriétaires concernés. Cela semble donc très impopulaire et, en conséquence, politiquement très difficile à mettre en place

Si le remembrement est d’initiative privée, cela semble tout à fait acceptable. Cependant, la faisabilité semble alors remise en cause puisqu’il sera difficile de développer un projet qui emporte l’unanimité.