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Chapitre 2 : Des femmes, des réseaux : portrait d’un terrain à l’Afeas

3.4 Apprentissages liés au réseau de soutien

3.4.3 Le développement du potentiel des femmes

Cette notion de développement du potentiel des femmes trouve une résonnance intéressante dans le concept de réseau de soutien. Même si cet aspect se distingue des deux autres précédemment présentés, il répond tout de même à un besoin, peut-être plus latent que l’isolement ou le deuil, mais dont les effets s’inscrivent sur le long terme. En donnant l’occasion aux membres de s’investir dans des activités où elles se dépassent, le réseau de soutien contribue à ce qu’elles réalisent l’étendue de leur apprentissage en l’appliquant au sein de l’Afeas elle-même.

De cette façon, une participante a été rencontrée alors qu’elle venait d’être nommée présidente de l’Afeas locale d’Immaculée Conception avec une équipe réduite au sein du conseil d’administration. Elle semblait ressentir ce nouveau rôle comme un poids. Au fil de

103 Francine Lavoie, « Le veuvage : problèmes et facteurs d’adaptation » dans Santé mentale au Québec, vol.

l’entrevue, elle a finalement conclu sur une note très positive en ce qui a trait à ce qu’elle a découvert d’elle dans ce défi. « Je réalise que j’en sais plus que je pensais. Je suis quand même assez bien orchestrée, j’ai quand même plus de notions… je savais pas que j’avais tout ça… » (Nicole) À ce sujet, elle se souvient de ce qu’une autre membre lui avait dit lors de ses premières réunions à l’Afeas. « L’Afeas, ce que tu es lorsque tu rentres dans l’Afeas, ça te permet de te développer, d’évoluer, de devenir plus, de t’aimer plus, d’être plus. Moi, ça m’avait ben accrochée comme phrase… » (Nicole) Cette idée de « devenir plus avec l’Afeas » illustre bien le développement du potentiel, l’évolution des capacités dont dispose une personne.

Avec la distance que la plus jeune des participantes a par rapport aux parcours des autres membres de son Afeas locale, elle apprécie voir des femmes plus âgées qu’elle évoluer, se développer grâce à l’Afeas. « Je disais tantôt qu’il y a beaucoup de femmes qui ont jamais vraiment exécuté de travail à l’extérieur de la maison, je trouve que l’Afeas, pour ces femmes-là, ça leur a permis de se trouver un petit standing. Il y a une téléphoniste qui appelle [une membre de l’Afeas Saint-Charles qui fait partie de la chaine téléphonique pour faire des rappels auprès des membres], une femme qui était super gênée. Au début, elle voulait pas laisser de message sur la boîte vocale. Je lui disais : gêne-toi pas, laisse un message. Petit à petit, elle se mettait à laisser des messages de plus en plus longs. Je trouve ça charmant parce que cette femme-là a évolué, s’est dégênée. Ça a permis de montrer un beau côté. Cette femme-là, là-dedans, elle est responsable. Maintenant, elle prend la parole en avant [pendant les réunions]. » (Sylvie) Si cette dernière voit l’évolution de certaines membres de son Afeas, d’autres ont remarqué un développement chez elle-même. Ainsi, une femme ayant toujours aimé le domaine des finances, mais pour qui ce genre de travail n’était pas possible lorsqu’elle était jeune occupe le poste de trésorière au sein du conseil d’administration de son Afeas locale depuis plusieurs années. Son implication l’aide à se développer, à réaliser un rêve professionnel. Pour une autre participante, son implication à l’Afeas lui a surtout permis de se rendre compte de sa valeur. « M’aimer plus. Mais je me détestais pas. Je m’arrange toujours pour pas me détester. Être plus consciente de mes

capacités. Par le fait même, ça a fait valoir encore plus mon potentiel. Au bout de la ligne tu t’apprécies plus. » (Nicole)

Parce que nous traitons toujours de réseau et qu’une caractéristique de ce concept est l’évolution de tous les acteurs qui y prennent part par une mise en commun des savoirs et des expériences, les acquis ne se font pas uniquement pour des femmes qui se découvrent par le biais de leur implication, mais aussi pour celles qui les guident dans ces découvertes. À ce sujet, une participante, impliquée depuis 33 ans et ayant joué plusieurs rôles, dont celui de présidente régionale, a beaucoup parlé de son expérience d’accompagnement, de mentorat.

J’ai souvent vu le talent d’une femme avant qu’elle voit qu’elle avait ce talent- là. Et l’apprendre et l’amener plus loin, lui faire des pas, la faire grandir à l’intérieur. […] Toutes les confidences des femmes que je peux avoir eu, ça nous donne un bon feeling d’où est rendue la condition féminine aussi. Les avoir aidé à sortir d’une impasse […] On peut s’entraider aussi. Moi j’en ai fait, mais c’est combien de femmes qui en ont fait, de l’écoute, dans leur Afeas local, il lui rende service juste à l’écouter. Ça fait 33 ans que je fais ça, si j’en ai aidé juste une par année, ça fait quand même 33 que j’ai aidées. […] Et les amener à grandir à l’intérieur de l’Association. C’est un lieu d’épanouissement. Quand tu te réalises toi-même, on peut entendre de très beaux témoignages à travers une association. Un engagement, des gens disent que c’est pas payant. C’est sûr quand on pense juste sur un plan monétaire. Mais quand on pense à la réalisation de soi, sans dire qu’on fait du nombrilisme puis qu’on pense rien qu’à nous autres. (Paula)

Se décrivant comme une femme d’affaires, cette participante met en application l’idée de transmission de l’expérience dans le but de conseiller des personnes moins expérimentées. « Les projets, ça nous empêche de vieillir, on a toujours quelque chose à penser. Puis, il y a aussi des choses qu’on pense pas. Quelqu’un me disait : quand tu auras terminé à l’Afeas, tu devrais faire du mentorat. Aller aider des jeunes gens, des jeunes femmes qui partent en entreprise. […] Moi, j’aime ça prendre…. des femmes, voir chez elles des talents qu’elles ne voient pas. » (Paula) Son implication auprès des femmes de la région est palpable,

plusieurs des participantes rencontrées l’ayant décrite comme un modèle, une membre ayant joué un rôle important comme guide au sein de leur développement dans l’Afeas.

Ce développement du potentiel des femmes fédère en quelque sorte tous les autres apprentissages liés aux réseaux de l’Afeas. Que ce soit les connaissances acquises dans les conférences ou les réunions, l’amitié et la force du nombre, l’image de la femme que projette l’Afeas à ses membres, mais aussi à toute la société québécoise est que, peu importe l’âge, les femmes doivent travailler ensemble pour défendre leurs intérêts, pour prendre une part active à la collectivité. Parce que finalement, l’éducation continue des femmes en réseau participe à leur développement tout au long de la vie.