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Le développement de la numérosité : une intuition partagée

Chapitre 3 : La numérosité (rédigé par Anaïs)

I. La perception de la numérosité

3. Le développement de la numérosité : une intuition partagée

3.1. Les compétences proto-numériques chez le bébé

Ceux qui, contrairement à Piaget, soutenaient que le bébé était dénué de compétences numériques, que tout cela lui était absolument étranger avaient-ils tort ?

C‟est ce que suggèrent des recherches qui, depuis une vingtaine d‟années, s‟efforcent de nous montrer que le bébé possède bel et bien un socle de connaissances précoces en matière de numérosité. Le bébé est donc doté d’un certain savoir originel, à partir duquel se greffent

ultérieurement des connaissances plus complexes.

Les compétences précoces de l‟enfant en matière de cognition numérique sont récentes dans les études du développement cognitif de l‟enfant. Les recherches dans ce domaine n‟ont été lancées qu‟à partir des années 80.

Ces recherches ont entrepris de démontrer ce phénomène par le biais du paradigme

d’habituation. Cette expérience consiste à comparer les réactions comportementales (temps de

fixation du regard) du bébé lorsqu‟il est soumis à un ensemble d‟éléments initiaux et lorsque l‟on modifie délibérément le nombre d‟items présentés. On a pu observer dans cette situation d‟expérimentation, que l’intérêt déclinait une fois que le bébé avait été suffisamment

confronté à cet ensemble. Or, quand on a introduit une collection dans laquelle on a modifié le

nombre d‟éléments, on a remarqué un regain d‟intérêt. Cette réaction du bébé suggère sans

conteste qu’il a pu percevoir et discriminer le changement de numérosité.

Cependant, on observe ce type de comportement uniquement pour la numérosité de petites collections.

D‟autres recherches menées sur ce terrain ont confirmé cette compétence précoce du jeune enfant, mais cette fois-ci sur leur capacité à discriminer des collections de stimuli visuels ou auditifs proposés séquentiellement.

De surcroît, on atteste de leur capacité à comparer indifféremment des stimuli auditifs ou visuels ce qui confirme l‟idée selon laquelle les représentations de la numérosité ne reposeraient pas sur

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une modalité en particulier mais qu‟au contraire on pourrait faire un transfert de l‟une à l‟autre.

En effet, les bébés parviennent à faire correspondre des ensembles auditifs avec des ensembles visuels. Cela renforce l‟hypothèse selon laquelle les jeunes enfants sont sensibles aux

petites numérosités et ce, quelle que soit la modalité envisagée.

Il faut toutefois veiller à contrôler autant que possible les biais dans la passation, car des paramètres extérieurs peuvent compromettre la garantie de résultats fiables.

Les représentations dont dispose le bébé permettent un accès vers la réalisation d‟opérations arithmétiques élémentaires. Ainsi, grâce au paradigme de « violation des attentes », on a

constaté que le nourrisson était capable dans une certaine mesure d’anticiper un résultat attendu.

Wynn (1992) s‟est prêté à une expérience inédite. Il montrait aux bébés, sous la forme d‟une scène de théâtre, un ou plusieurs Mickey, et on a constaté que le nourrisson fixait peu longtemps la situation qui lui paraissait plausible en terme d‟opération (ex : 1 mickey + 1 mickey = 2 mickey) alors que son regard s‟attardait sur les situations jugées erronées (ex : 1 mickey + 1 mickey =1 mickey). Il est donc capable de détecter de manière spontanée un changement,

une transformation. Ces résultats mettent également en évidence que, quand bien même le bébé

est surpris quand on lui propose une situation impossible, il a une attente précise concernant le résultat final.

3.2. Les animaux, des espèces savantes ?

La littérature sur la cognition animale regorge d‟anecdotes mettant en scène ces animaux exceptionnels capables de prouesses. Alors fables ou réels compétences ?

Ces exploits ont été relatés dans plusieurs études, et un certain nombre d’espèces animales se

sont montrées capable de percevoir la numérosité de stimuli présentés simultanément.

Ce type de comportement constitue une preuve d‟adaptation de l‟animal dans les situations quotidiennes. En effet, on peut considérer que la capacité à évaluer très rapidement des quantités numériques, se révèle cruciale dans les comportements de recherche de nourriture. Ainsi, l‟animal peut apprécier la valeur de la quantité énergétique que représente tel ou tel aliment et opter pour celle qui lui procurera le plus de bénéfices. Cela peut aussi être nécessaire pour la survie de l‟animal de savoir à combien d‟adversaires il a affaire, pour envisager soit de se confronter à eux soit préférer la fuite pour se prémunir du danger.

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Köher (1960) a démontré que de nombreuses espèces d‟oiseaux parviennent à repérer le nombre de taches placées sur le couvercle de boîtes et à s‟en servir d‟indice pour deviner là où se trouve la récompense.

D‟autres espèces, à l‟instar du rat, ont été capables de localiser correctement un lieu (dans l‟expérience ce sont des tunnels) en tenant compte uniquement de la position ordinale.

Les primates non humains ont des performances qui peuvent faire l’objet de comparaison avec les comportements équivalents humains. A ce propos, des études soulignent le fait que

les singes sont capables de réaliser des apprentissages autour des 3 dimensions constitutives du nombre.

On explore l‟aspect de cardinalité grâce à des tâches d‟évaluation de numérosité d‟ensembles d‟éléments. L‟aspect ordinal est étudié dans les tâches qui requièrent l‟apprentissage de la position qu‟occupe un item dans une séquence. Enfin, on évalue la capacité à réaliser des opérations de sommation et de dénombrement d‟objets réels ou symboliques (Pesenti & Seron, 2000).

Brannon et Terrace (1998), ont diligenté une étude très aboutie sur la numérosité chez les primates.

Par le biais d’un apprentissage de type sériel, les singes sont aptes à discriminer la numérosité de stimuli visuels et à détecter leur disparité ordinale. Les singes tiennent compte

de l‟ordre ascendant du nombre des items représentés et ce, indépendamment de toute autre dimension non pertinente (taille, forme, couleur).

Face à ces phénomènes pour le moins surprenants, il faut déterminer la part du perceptif et la part du cognitif qui rentrent en jeu dans les jugements de la numérosité. Reposent-ils sur des processus élémentaires (reconnaissance de pattern visuels) ou bien doit-on les imputer à des processus de plus haut niveau : l‟accès à la compréhension conceptuelle du nombre ?