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a) Mécanisme(s) et spécificité de l’inhibition de FLT3

Les inhibiteurs de FLT3 fonctionnent par compétitivité avec l’ATP au niveau de la poche à ATP située entre les deux domaines kinases, mais au sein de ce fonctionnement général, on distingue deux catégories d’inhibiteurs de FLT3. Les inhibiteurs de type I (tels que la midostaurine, le gilteritinib, et le crenolanib) se fixent près de la poche à ATP quelle que soit la conformation du récepteur. Les inhibiteurs de type II (sorafenib et quizartinib) lient un domaine hydrophobe adjacent à la poche à ATP qui n’est accessible qu’en conformation inactive du récepteur, et empêchent son activation. Les inhibiteurs de type II ne sont par conséquent pas efficaces pour inhiber FLT3 en cas de mutation TKD, qui favorise une conformation active du récepteur, contrairement aux récepteurs de type I pouvant inhiber toutes les formes du récepteur (Short et al, 2019, Larossa-Garcia et Baer, 2017). On peut aussi classer les inhibiteurs de FLT3 selon leur spécificité pour FLT3 : les inhibiteurs dits de première génération sont en réalité des inhibiteurs de plusieurs tyrosines kinases dont FLT3, ce qui peut leur conférer une efficacité plus importante en terme d’inhibition de la signalisation leucémique mais également plus d’effets « off-target » potentiellement indésirables dus à leur faible spécificité ; les inhibiteurs de seconde génération ont eux été développés pour cibler plus spécifiquement FLT3, et avec une meilleure efficacité, dans le but de pallier à l’aspect trop transitoire de la réponse des patients aux inhibiteurs de première génération (Daver et al, 2019).

Un nouvel inhibiteur de FLT3 est actuellement en cours de développement. Il s’agit du FF-10101, un inhibiteur de type 1 qui, contrairement aux autres inhibiteurs, ne fonctionne pas par compétitivité avec l’ATP. En effet, il inhibe FLT3 en formant une liaison covalente irréversible avec le résidu cystéine 695 du site actif du domaine TK du récepteur. Ce mode d’action lui confère une grande spécificité, avec un IC50 de 0,2 nM pour FLT3 contre 1nM pour Kit et des IC50 de l’ordre de 10nM pour les autres tyrosines kinases étudiées. Cet inhibiteur a fait preuve d’une très grande efficacité sur des lignées leucémiques et des échantillons de patients FLT3-ITD ou TKD, ainsi que dans des expériences de xénogreffes (Yamaura et al, 2018, Bertoli, 2019), et il est actuellement testé en essai clinique de phase 1/2 (NCT03194685).

b) État de l’art des inhibiteurs de FLT3 utilisés ou testés en clinique

Comme nous avons pu le voir dans la partie «Nouvelles stratégies thérapeutiques » de cette introduction, les inhibiteurs de FLT3 font l’objet de toutes les attentions en ce qui concerne la mise

au point de nouvelles stratégies pour traiter les LAM, et en particulier les LAM avec mutation FLT3- ITD.

Génération Inhibiteur Phase de développement

Première génération

Midostaurine (type I)

AMM en 2017 dans le traitement des LAM avec mutation de

FLT3 en combinaison avec la chimiothérapie

Sorafenib (Type II)

Phase 3 :

 Première ligne de traitement en combinaison avec la chimiothérapie chez les patients FLT3-ITD high  prévention de la rechute après allogreffe chez les

patients FLT3-ITD Lesaurtinib (Type I) Phase 2 Sunitinib (Type I) Phase 2 Ponatinib

(Type II) Phase 2

Seconde génération

Quizartinib (Type II)

Phase 3 :

 En monothérapie dans les LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires (QuANTUM-R) – Résultats disponibles,

ATU nominative pour les patients en rechute ou réfractaires

 En première ligne en combinaison avec la chimiothérapie d’induction et de consolidation (QuANTUM FIRST) – Résultats encore non disponibles, recrutement terminé

Gilteritinib (Type I)

Phase 3 :

 Maintenance après induction/consolidation dans les LAM FLT3-ITD

 En monothérapie dans les LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires – Résultats disponibles, ATU

nominative pour les patients en rechute ou réfractaires

 Maintenance après allogreffe dans les LAM FLT3-ITD  Combinaison avec l’azacitidine chez les patients FLT3-

ITD non éligibles pour la chimiothérapie intensive Phase 1/2 : En première ligne en association avec la

chimiothérapie (bras contrôle : chimiothérapie+midostaurine) Crenolanib

(Type II)

Phase 3 : Combinaison avec la chimiothérapie dans les LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires

FF-10101

(Type I) Phase 1/2

Tableau 7. Développement clinique des inhibiteurs de FLT3 dans les LAM.

On notera tout d’abord la première AMM pour un inhibiteur de FLT3 en 2017 : après un essai clinique de phase 3 randomisé testant la midostaurine (un inhibiteur de première génération de type I) en combinaison avec la chimiothérapie d’induction/consolidation et de maintenance qui a montré une amélioration significative de la survie chez les patients FLT3-ITD ou FLT3 TKD, elle a été approuvée dans le traitement des LAM avec mutation de FLT3 en combinaison avec la chimiothérapie (Levis, 2017).

D’autres inhibiteurs de FLT3 sont actuellement en développement, dont quatre actuellement en essai clinique de phase III (Tableau 7). Parmi ceux-ci, un des plus prometteurs est l’inhibiteur de seconde génération de type II Quizartinib (ou AC220). Les résultats d’un essai clinique de phase 3 comparant l’efficacité du quizartinib en monothérapie par rapport à la chimiothérapie de sauvetage (essai QuANTUM-R, NCT02039726) ont récemment été rendus publics, et ont montré une amélioration de la survie globale médiane (4,7 mois contre 6,2 mois, P=0.0177) pour les patients traités par quizartinib. Il s’agit du premier essai clinique montrant une amélioration de la survie globale avec un inhibiteur de FLT3 dans les LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires (Cortes et al, 2018), et ces résultats ont amené le quizartinib à bénéficier en France depuis la fin de l’année 2018 d’une autorisation temporaire d’utilisation nominative pour les patients traités pour une LAM FLT3- ITD en rechute ou réfractaires. Un autre essai de phase III est en cours, QuANTUM-First (NCT02668653), pour évaluer l’efficacité et la tolérance du quizartinib en combinaison avec la chimiothérapie d’induction et consolidation, puis en monothérapie en maintenance.

Un autre inhibiteur de seconde génération, le gilteritinib, a depuis montré son efficacité dans le traitement des LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires. En effet, les résultats de l’essai clinique de phase 3 ADMIRAL (NCT02421939), testant l’efficacité du gilteritinib en monothérapie par rapport à la chimiothérapie de sauvetage, ont été présentés en avril 2019 lors du congrès de l’American Association for Cancer Research. Le gilteritinib en monothérapie permet d’améliorer nettement la survie globale par rapport aux traitements standards (5,6 mois contre 9,3 mois, P=0.0007), et a reçu l’AMM aux Etats-Unis pour les patients traités pour une LAM FLT3-ITD en rechute ou réfractaires ; il bénéficie pour le moment d’une ATU nominative en France (Bertoli, 2019).

c) Comment contourner le problème des résistances aux inhibiteurs de FLT3 ?

Malgré l’engouement suscité par les inhibiteurs de FLT3 dans le traitement des LAM FLT3-ITD, nombreux sont les patients qui rechutent ou ne répondent pas à ces thérapies ciblées. Ces phénomènes de résistances peuvent s’expliquer par l’apparition de mutations ponctuelles de type FLT3-TKD qui rendent les cellules leucémiques résistantes aux inhibiteurs de type II, ou bien par une activation constitutive de voies de signalisation situées en aval de FLT3 (Daver et al, 2015).

Une des voies les plus décrites comme médiatrice de la résistance aux inhibiteurs de FLT3 est celle des kinases Pim : en l’absence de traitement, Pim1 stabilise la forme non glycosylée de FLT3-ITD ce qui promeut l’activation de STAT5 et donc l’expression de Pim1 (Natarajan et al, 2013), et l’inhibition de Pim permet de sensibiliser des lignées leucémiques et des cellules primaires FLT3-ITD à l’inhibition de FLT3 (Fathi et al, 2012, Green et al, 2015).

Le micro-environnement peut également, comme nous l’avons vu précédemment, moduler la réponse des cellules leucémiques aux inhibiteurs de FLT3 (Sexauer et al, 2013), et il peut favoriser la résistance : le contact des cellules leucémiques avec les cellules de la moelle osseuse favorise l’activation de la voie ERK indépendamment de FLT3-ITD, ce qui les protège de l’effet pro-

apoptotique des inhibiteurs de FLT3, l’inhibition de MEK suffit à sensibiliser à nouveau les cellules leucémiques (Yang et al, 2014). De plus, l’adhésion des cellules leucémiques à la MEC favorise la surexpression de la protéine CDC25A via la voie Akt (Fernandez-Vidal et al, 2006), et CDC25A a été montré comme essentielle à la prolifération des cellules leucémiques FLT3-ITD (Bertoli et al, 2015). Enfin, après chimiothérapie, le niveau de FL circulant dans le sang augmente chez les patients, et cette augmentation de concentration du FL peut inhiber les effets cytotoxiques des inhibiteurs de FLT3, notamment en augmentant fortement leur IC50 (Sato et al, 2011, Yang et al, 2014).

La signalisation induite par FLT3-ITD permet la surexpression de protéines anti-apoptotiques (Yoshimoto et al, 2009). La surexpression de ces protéines (Bcl2, Mcl-1, protéines de la famille Bcl-2) a été décrite dans plusieurs travaux comme impliquée dans la résistance aux inhibiteurs de FLT3 (Breitenbuecher et al, 2009, Bagrintseva et al, 2005), et l’inhibition de la protéine pro-apoptotique Bcl-2 (B-Cell Lymphoma 2) restaure la sensibilité des cellules leucémiques FLT3-ITD à l’inhibition de FLT3 (Kohl et al, 2007).

L’idée à retenir des travaux décryptant les mécanismes de résistance aux inhibiteurs de FLT3, est que l’efficacité de ces inhibiteurs pourrait être amplifiée si l’on arrivait à cibler ces mécanismes de résistance. Un résumé des essais cliniques visant à combiner un inhibiteur de FLT3 avec l’inhibition d’une ou plusieurs voie(s) de résistance possible(s) est présenté dans le tableau 8. Il reste donc capital de comprendre le mieux possible la signalisation en aval de FLT3-ITD afin d’anticiper de potentiels mécanismes de résistance et réfléchir à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Inhibiteur de FLT3 Traitement en combinaison

Midostaurine LGH447 (inhibiteur de Pim) - NCT02078609 Gilteritinib Venetoclax (inhibiteur de Bcl2) - NCT03625505

Sorafenib

Palbociclib (inhibiteur de CDK6, régulateur transcriptionnel de FLT3 et Pim1 (REF)) - NCT03132454

Bortezomib (inhibiteur du protéasome) + Vorinostat (inhibiteur des histones déacétylases) - NCT01534260

Omacetaxine mepesuccinate (inhibition de la synthèse protéique) - NCT03170895

Quizartinib

Omacetaxine mepesuccinate - NCT03135054 Venetoclax (inhibiteur de Bcl2) - NCT03735875 Milademetan (inhibiteur de MDM2) - NCT03552029

SEL24 SEL24 (inhibiteur ciblant à la fois les kinases Pim et FLT3) – NCT03008187

Tableau 8. Essais cliniques basés sur des combinaisons aux inhibiteurs de FLT3 en cours.

III.

Le régulateur du cycle cellulaire CDC25A

Un travail de notre équipe a identifié la phosphatase CDC25A comme un acteur essentiel de la biologie des LAM FLT3-ITD (Bertoli et al, 2015). Ce travail de thèse se concentre donc sur cette protéine, dont nous allons ici présenter les fonctions et régulations, et l’importance dans le contexte des cancers.