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Développement de l'expertise des acteurs via le déploiement de leurs réseaux

III. Analyse

2. Comment ces acteurs développent-ils leur expertise via leurs réseaux et le travail réalisé?

2.1 Développement de l'expertise des acteurs via le déploiement de leurs réseaux

Comme nous venons de le mentionner, ces start-ups tentent de trouver des clients afin de pouvoir développer leur expertise. En effet, en tant que phénomène socialement construit, le savoir n'existe pas seul, mais dépend de la reconnaissance sociale. Sans être perçues et reconnues par les autres, les connaissances n'apparaissent pas comme telles. Une entreprise qui prétend offrir des services ou des produits basés sur une certaine expertise appelle à la confirmation ou au soutien spécifique d'autres personnes importantes (Alvesson, 2001). Qui plus est, comme Weick, Sutcliffe et Obstfeld l'ont spécifié (2005), l'identité d'une organisation dépend fortement des autres. Cela signifie que les personnes externes à ces trois start-ups telles que les clients et les investisseurs vont contribuer à façonner l'identité, le travail et l’expertise de ces organisations.

Pour ce faire, elles vont tenter de diversifier leurs contacts, notamment via du networking et du marketing afin d'élargir leur éventail de prospects et de se faire connaitre. Les membres de ces start-ups et, plus particulièrement les fondateurs, réalisent des conférences, participent à des concours, collaborent sur des projets avec d’autres entités, dispensent des cours universitaires, écrivent des livres, développent des programmes en Open Source, etc. « Il ne faut surtout pas avoir peur de communiquer. Rester dans son coin et garder ses idées pour soi, cela ne sert à rien » (CEO, Kensu). Pittaway, Robertson, Munir et al. (2004) offrent des éléments de preuve suggérant que les relations de réseau avec les clients et les intermédiaires sont des facteurs importants qui influent sur la performance et la productivité de l'innovation. Parmi ces intermédiaires, il y a notamment des investisseurs qui depuis quelques années « sont intéressés à l'idée de financer des projets de type Data Science » (Data Scientist, Swan Insights). Lorsque les start-ups étudiées sont en quête d'investissement, le réseau semble jouer un rôle clé afin de se connecter à des personnes influentes, des personnes qui ont connaissance du business et d'un portefeuille de clients. Pour la levée de fond et l'introduction auprès d'investisseurs, ces jeunes entreprises travaillent sur leur identité afin d'arriver à structurer la manière dont elles veulent être perçues et de parvenir à exprimer qu’elles disposent d'un avantage particulier par rapport à d'autres entreprises.

Actuellement, certaines entités telles des investisseurs, des incubateurs ou encore des accélérateurs « sont plus enclins à financer des types de projets assez innovants » (Data Scientist, Kensu), ce qui aide les start-ups à décoller. Comme mentionné précédemment, Opinum a évolué pendant plusieurs mois au sein d'un incubateur du WSL et Kensu évolue actuellement au sein de l'incubateur de la Faktory. En théorie, un incubateur fournit des bureaux, une formation aux compétences professionnelles ainsi qu'un

38 accès au financement et aux réseaux professionnels. L'incubateur accompagne l'entreprise tout au long de la phase de démarrage et procure tous les outils et conseils nécessaires pour que l'entreprise se tienne sur ses propres pieds (Sepulveda, 2012). En plus d'être coaché par un incubateur, Kensu est entouré d'un accélérateur dénommé Alchemist, situé aux États-Unis. Contrairement à un incubateur, il s'agit d'un programme d'accélération commerciale durant habituellement entre trois et six mois. L'accent est mis sur une croissance rapide et sur la résolution de toutes les difficultés organisationnelles, opérationnelles et stratégiques auxquelles pourraient faire face les jeunes entreprises (Sepulveda, 2012).

Une fois les levées de fonds réalisées, chacune des start-ups a effectué des démarches dans le but de trouver des clients, étant donné qu’elles innovent et ont besoin de se faire connaitre pour développer ensuite leur expertise. Ce besoin de reconnaissance est lié au fait qu'un expert appartient toujours à une communauté d'autres experts : l'autorisation et l'appartenance à des associations sont souvent les critères de reconnaissance d'une expertise. Il est donc très important d'être en contact avec des clients, des partenaires et autres organisations du réseau. Cela facilite le développement d'une connaissance nouvelle et meilleure (Wikström et al., 1993, cité par Alvesson, 2001). Nous comprenons dès lors l'intérêt de multiplier les contacts avec des entités telles les incubateurs, accélérateurs et investisseurs que nous avons mentionnées précédemment, sans oublier l'importance de débaucher des clients susceptibles d'être intéressés.

Concernant les premiers clients avec lesquels ces start-ups entrent en contact, il s'agit bien souvent de ce que les experts rencontrés appellent des « Early Adopters ». Ce sont des clients qui sont en faveur de l'innovation, peu importe qu’elle soit prouvée ou pas. Ce terme est utilisé pour la segmentation dans le marketing, avec une série de clients qui se placent à différents endroits d’une courbe de Gauss. Afin de convaincre ces premiers clients, les start-ups ont commencé en vendant une vision, une idée stipulant que les outils qu’ils proposent peuvent apporter aux clients un retour sur investissement.

Mais le rôle d'une société, une fois celle-ci lancée, est de continuer à convaincre ces « Early Adopters », mais également de commencer à aller plus loin en allant chercher les « Followers ». « Eux n'achètent pas une vision, mais plutôt des faits. Ils ne sont pas contre l'innovation, du moment que celle-ci est prouvée » (CEO, Opinum). Ils veulent voir ce que les services ont vraiment apporté chez les « Early Adopters ». Viennent ensuite les « Late Players », qui font également partie de la masse après les « Followers ». À l'autre bout de la courbe, il y a les « Scepticals », qui sont presque intouchables. Les trois start-ups estiment en être toujours au stade où les clients principaux sont des « Early Adopters ». Pour être viables sur le long terme, elles ont besoin d’aller un peu plus loin. Actuellement, ces start-ups sont parfois contactées de manière spontanée, même si malgré tout « il est préférable de toujours garder une pression sur le marché et de continuer à attirer de nouveaux clients » (CTO, Swan Insights).

39 Image 5 : courbe de Gauss sur la répartition des clients

Pour ce faire, les start-ups font appel à leur stratégie marketing et réalisent des campagnes de mailing, des publicités, des conférences, des talks, etc. Toutes ces activités sont organisées dans le but de rencontrer de nouveaux clients. Étant donné que ceux-ci ont souvent des problèmes pour estimer la valeur des produits et services offerts, l'établissement de liens sociaux étroits entre les start-ups et les clients devient vital. Les interactions doivent être soigneusement orchestrées et les efforts visant à renforcer les liens prioritaires (Alvesson, 2001).

« Le plus simple c’est écouter ce que les prospects nous disent, les questions qu’ils nous posent. Ce n’est pas optimal, car il faut toujours réagir à chaud quand un nouvel élément arrive sur la table, mais, étant donné qu’on est une start-up, on ne peut pas passer des semaines à apprendre les outils existants et à les tester comme le feraient d’autres groupes en faisant une analyse de marché. Nous on doit vendre une mission et une vision tout en innovant rapidement, et les questions qui nous reviennent nous aident à accomplir cela » (CSO, Kensu).

« Une start-up n'est pas une société traditionnelle et établie, c'est une société qui, à tout moment, va tenter d’innover » (CTO, Swan Insights) ense basant sur la réalité, les envies et les besoins des clients. Pour fonctionner de manière efficace, il y a un besoin constant de contact avec les clients afin de leur proposer des nouveaux services et de parvenir à les convaincre. Cela passe par de la prospection, des participations à des salons et de la discussion : l’objectif sera de se faire connaitre et d’assoir sa réputation. Le marketing devient central. En l'absence de quelque chose de très spécifique à offrir ou de résultats tangibles qui peuvent être constatés, la manière dont le processus social s'exécute représente la façon dont le travail est terminé (Alvesson, 2001). Un objectif clé pour les responsables clients de ces start-ups est de gérer et de manipuler le processus d'interaction de telle sorte qu'ils convainquent les clients de leur valeur (Clark, 1995, cité par Alvesson, 2001).

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« Ce n’est pas évident pour les clients d'acheter un produit s’ils ne savent pas si la start-up sera encore là dans un an. On a besoin de continuer à prospecter, de rassurer, d’avoir des nouveaux clients et d’attirer des grands noms, car il faut pouvoir rassurer les gens qui sont en face de nous » (CTO, Swan Insights).

Une fois que les premiers clients sont suffisamment satisfaits avec les produits et services, l'objectif de la start-up sera de passer du stade d'existence à celui de survie, en trouvant un équilibre entre les revenus et les dépenses (Churchill et Lewis, 1983). L’objectif de ces structures étant de croitre, elles tentent de trouver du financement pour pouvoir continuer à engager de futurs collaborateurs et faire fleurir le business. Elles essaient d’être à l’affut, d’être dans une stratégie d'anticipation des futurs besoins et développer des nouveaux produits et services. Pour ce faire, elles ont évidemment besoin de clients, comme nous venons de le décrire, ainsi que de projets porteurs.

2.2 Développement de l'expertise des acteurs via les produits et services mis en place