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III. C. Relations entre les paramètres étudiés, la survie et la croissance des agneaux

IV.3. Développement et maintien de la relation mère-jeune

Chez la brebis, la période qui suit la parturition est très riche en communication vocale. L’étude du comportement chez la brebis D’man à différents moments après la mise-bas nous a permis de caractériser la dynamique du développement du comportement maternel. Cependant, cette étude est préliminaire à raison d’un effectif réduit des brebis testées et d’une taille de portée moyennement faible ne reflétant pas les spécificités de cette race. Ainsi, cette étude mérite d’être complétée par d’autres études plus précises sur un effectif représentatif des brebis multipares élevées dans les mêmes conditions afin de pouvoir conclure l’effet de taille de portée sur l’expression du comportement maternel.

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Les bêlements émis à voix basse par la brebis D’man sont abondants au cours des 6 h après la mise-bas puis ils diminuent progressivement. Des observations similaires ont été rapportées chez d’autres races. La brebis émet exclusivement des bêlements bas lors des premiers contacts avec le nouveau-né (Sèbe et al., 2007; Darwish et al., 2010). Les bêlements bas sont des éléments spécifiques du déclenchement de comportement maternel (Poindron et Le Neindre, 1980; Lynch et al., 1992; Dwyer et al., 1998) et sont souvent accompagnés par le comportement de léchage, ce qui semble calmer l’agneau. Ils sont également utiles pour la reconnaissance de la mère par le jeune (Nowak, 1996, Sèbe et al., 2007).

Les bêlements hauts enregistrés chez la brebis D’man sont plus abondants entre 12 et 24 h après la mise-bas. Ce type de communication reflète la communication à distance entre la brebis et son agneau (Sèbe et al, 2011). Par ce moyen, la brebis recherche les autres membres de sa portée qui risquent de s’éparpiller dans les heures qui suivent la naissance, et cela incite les agneaux à venir téter ce qui démontre l’existence d’une relation entre le nombre de bêlement haut et le temps de têtée. Ceci est supporté par l’augmentation de la fréquence d’accès à la mamelle et le temps de tétée pour l’ensemble de portée entre 24 et 36 h après la mise-bas.

IV.3.2. Comportement néonatal

L’étude du comportement chez les agneaux D’man nouveau-nés à différents moments après la naissance nous a permis de caractériser la dynamique du développement du comportement néonatal. Malheureusement, cette étude a concerné un effectif réduit des agneaux ce qui minimise la généralisation des résultats obtenus. Les vocalisations sont importantes chez l’agneau D’man à 12 h après la naissance, diminuent à 24 h et augmentent à 36 h. De telles observations sont difficiles à expliquer mais peuvent traduire le rythme veille-sommeil fréquemment vécu par l’agneau au cours des premiers jours de sa vie. En effet, l’activité vocale exprimée en particulier par des bêlements de faible intensité est plus importante pendant les premières heures de vie (Shillito-Walser et al., 1982a et b; Dwyer et al., 1998; Sèbe et al., 2007). Comme pour les autres races, l’agneau D’man tend à explorer le corps de sa mère dans les premières heures qui suivent la naissance afin de localiser les tétines et boire le colostrum, puis il se couche et ne se relève ponctuellement que pour téter sa mère.

L’importance de la communication vocale entre la brebis et le nouveau-né est en faveur d’un apprentissage postnatal de l’agneau (Sèbe et al., 2007). Chez les races prolifiques, la période postnatale présente une importance pour l’expression du comportement maternel et la mise en place de l’attachement mère-jeune. Le lot des brebis étudié à la station de l’IRA à

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Chenchou est élevé dans des conditions optimales puisque les animaux sont maintenus en box individuel; cela favorise donc les échanges mère-jeune et la cohésion de la portée. A l’inverse, les conditions d’élevage à la ferme de l’OEP ne répondent pas à cette exigence ce qui peut conduire à l’apparition des comportements aberrants comme l’abandon d’un jeune observé dans plusieurs cas (données non publiées).

IV.3.3. Attachement mère-jeune

La sélectivité des brebis D’man a été testée vers 24 h après la mise-bas en conditions intensives d’élevage à la ferme expérimentale de l’IRA à Chenchou. Les brebis ont manifesté un comportement de flairage et de léchage important envers l’agneau étranger prouvant l’importance de l’olfaction pour une discrimination à proximité du jeune par la mère. Après avoir identifié l’agneau comme étranger, des coups de tête ont été émis envers cet agneau, en particulier pendant la dernière minute du test, ce qui n’a jamais été observé lorsque la brebis est en présence de son propre agneau. Des observations similaires ont signalé l’importance des critères olfactifs lors de la reconnaissance proximale du jeune chez les ovins d’autres races ainsi que chez les caprins (Poindron et Le Neindre, 1980; Keller et al., 2003; Lévy et al., 2004; Poindron et al., 2007). La mise en place d’un comportement maternel sélectif repose sur des critères olfactifs même si par la suite d’autres sensorialités peuvent aussi jouer comme l’ouїe (Nowak, 1998).

Par ailleurs, les bêlements hauts émis par la brebis D’man en présence d’un agneau étranger sont plus fréquents que les bêlements bas. Ce comportement, manifesté envers l’étranger, est accompagné d’un refus à l’allaitement. Dès que l’agneau étranger est retiré puis remplacé par un agneau familier, la brebis montre l’acceptation à la mamelle en émettant plus fréquemment des bêlements bas que des bêlements hauts. Le maintien de bêlements hauts même après la réunion avec un agneau familier peut s’expliquer par la recherche d’autres agneaux et une éventuelle reconnaissance de la taille de sa portée. On ne peut non plus exclure un comportement de stress lié à la situation expérimentale elle-même qui pourrait rendre les brebis inquiètes.

Le test de choix chez les brebis D’man effectué vers 48 h après la mise-bas a montré une préférence pour l’agneau familier par comparaison à l’étranger. La reconnaissance à distance du jeune sur la base des signaux visuels et acoustiques peut se développer entre 6 et 24 h après la mise-bas selon l’expérience maternelle (Keller et al., 2003). De même, les agneaux D’man ont montré une préférence nette pour leurs mères par comparaison à la brebis étrangère. L’agneau reconnait sa mère très tôt, entre 12 et 24 h après la naissance sur la base

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des signaux acoustiques et visuels (Nowak et al., 1990). Il est important de signaler que la reconnaissance de la mère est influencée par le poids à la naissance de l’agneau. A cause de leur faible poids, le comportement néonatal et la reconnaissance de la mère peuvent être retardé chez les agneaux D’man multiples ce qui risque d’entrainer des problèmes de survie comme le cas chez d’autres races (Nowak et Lindsay, 1990; Dwyer, 2003).

V. Conclusion

L’acquisition de connaissances sur le processus de la parturition et l’attachement mère-jeune chez une race ovine prolifique comme la D’man est d’un intérêt considérable pour la gestion de sa conduite dans les oasis tunisiennes. La surveillance des agnelages a permis de détecter une proportion importante des mauvaises présentations lors de l’expulsion du fœtus. Cela pourrait expliquer même en partie le taux élevé des mort-nés. L’expression du comportement de recherche de la mamelle chez le nouveau-né est plus tardive pendant l’hiver. Ce retard s’explique surtout par une forte incidence de l’hypothermie à cause des faibles températures hivernales. Les bêlements bas sont émis très tôt après la mise-bas puis ils diminuent progressivement, alors que les bêlements hauts sont exprimés plus tardivement. Comme chez la mère, les vocalisations émises par le nouveau-né sont importantes dans les 12 h après la naissance. La communication vocale entre la brebis et son agneau est en faveur d’un apprentissage du partenaire. La sélectivité maternelle montre l’importance des critères olfactifs pour la discrimination du jeune. La brebis montre une préférence nette pour l’agneau familier mis en situation de choix avec un étranger. De même, l’agneau exprime une préférence pour sa mère qui augmente avec le poids de naissance.

L’étude du comportement du couple mère-jeune a été effectuée à l’IRA sur un lot d’animaux dont les conditions furent optimales pour développer la relation mère-jeune, en l’occurrence, la disponibilité d’un box dont le séjour du couple mère-jeune dépasse deux jours après la mise-bas. Ceci permet à la brebis et aux agneaux de ne pas se séparer, les nouveau-nés ont un accès direct à la mamelle, et la reconnaissance mère-jeune se met en place facilement. Dans ces conditions, nous n’avons pas détecté de comportements aberrants ni chez la brebis ni chez l’agneau nouveau-né. Par contre, les conditions d’élevage à la ferme de l’OEP ne répondent pas à des telles exigences, ce qui a contribué à l’apparition de problèmes du comportement tels que le rejet du jeune en particulier en cas de grandes portées (> 3 agneaux).

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DISCUSSION GÉNÉRALE