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Développement du concept de cycle de vie utile des pesticides

Les années 90 ont vu l’émergence du principe de l’analyse du cycle de vie (ACV) d’un produit fini (Boeglin, 2005). Selon ce principe, il est évalué le coût environnemental d’un produit de sa conception à sa fin de vie (concept du berceau au tombeau) (Olivier, 2007). L’analyse du cycle de vie est depuis 1997 normalisée par la norme ISO 14 040 et consiste dans un premier temps de faire le bilan des intrants et extrants, en terme d’énergie et de matières premières, à chaque étape du cycle de vie de l’objet (Boeglin, 2005). Par la suite, il est réalisé l’impact environnemental de ce bilan permettant l’évaluation environnementale de l’objet (ibid.).

1.4.1 Définition du cycle de vie utile des herbicides

L’analyse du cycle de vie d’un herbicide repose sur un bilan environnemental de l’herbicide tout le long de ses différentes étapes de vie (conception, fabrication, utilisation, destruction). Dans le cadre de l’essai, ce n’est pas tant l’étude du berceau au tombeau qui nous intéresse, mais le processus s’attardant sur les différentes étapes de vie de l’herbicide durant sa période d’utilisation, soit le cycle de vie utile (CVU) de l’herbicide.

Les différentes étapes constituant le CVU d’un herbicide sont illustrées par la figure (figure 1.2) suivante :

Figure 1.2 Schéma du cycle de vie utile d'un herbicide Constat d’une situation dérangeante

Initialement, tout part d’un constat d’une situation dérangeante : l’apparition de mauvaises herbes. Pour faire face à cette situation, l’agriculture a pour principe l’élaboration et l’utilisation de produit chimique : les herbicides (Bodin, 2012).

Cycle de

vie utile

des

herbicides

Constat d'une situation dérangeante Élaboration d'un herbicide Application de 1er ordre Début du phénomène d'accoutumance Application de 2nd ordre Accoutumance totale Fin de vie de l'herbicide

Élaboration d’un herbicide

Comme énoncé en section 1.2.2, il existe plusieurs types d’herbicide et il convient d’élaborer celui qui répondra le plus adéquatement aux problèmes observés. Un processus de recherche et développement est donc instauré jusqu’à la conception et fabrication de l’herbicide idoine.

Application de 1er ordre

Une fois l’obtention des certificats et permis nécessaires pour la commercialisation de l’herbicide, celui-ci est appliqué, en fonction des spécifications du fabricant, sur les cultures afin de résoudre le problème initialement observé. À cette étape, si la conception de l’herbicide a été bien réalisée, la situation dérangeante devrait être temporairement éradiquée.

Début du phénomène d’accoutumance

L’effet ne sera que temporaire, car comme cela est expliqué à la section 1.4.2 (Phénomène d’accoutumance des plantes face aux herbicides), lors d’une application répétée d’un herbicide sur une culture, les plantes parasitaires vont développer une sorte de résistance à l’herbicide amenuisant ainsi son efficacité (Santé Canada, 2009d).

Application de 2nd ordre

Dans un premier temps, le phénomène d’accoutumance pourra être contré par une application de dose plus élevée d’herbicides sur les cultures. Cependant, une application de dose plus élevée entraîne irrémédiablement une augmentation de la pollution environnementale due à l’utilisation de l’herbicide.

Accoutumance totale et fin de vie utile de l’herbicide

Au bout d’un certain temps, l’accoutumance des plantes face à l’herbicide devient telle que malgré l’application de dose importante, l’herbicide n’est plus efficace. C’est l’accoutumance dite totale impliquant la fin de vie utile de l’herbicide. Il est donc observé une nouvelle situation dérangeante qu’il faudra résoudre.

1.4.2 Phénomène d’accoutumance des plantes face aux herbicides

L’utilisation répétée du même herbicide sur un champ donné entraîne une adaptation naturelle de résistance des mauvaises herbes face à cet herbicide, c’est le phénomène d’accoutumance. À l’instar des mécanismes d’action des herbicides (section 1.2.2), il existe différents mécanismes d’accoutumance des plantes face aux herbicides en fonction du mode d’action et donc du type de l’herbicide selon la classification de l’HRAC. La résistance aux herbicides peut être expliquée par quatre mécanismes différenciés. Il s’agit du mécanisme de modification de la

cible, de surexpression de la cible, de la détoxication ainsi que de l’altération de la translocation du toxique (Beckert, 2011).

Il a été observé que le mode d’action d’un herbicide repose essentiellement sur une inhibition de l’activité enzymatique de la plante, soit par une inhibition compétitive, soit par une inhibition allostérique (section 1.2.2 : mode d’action des herbicides dans les plantes). Le mécanisme de modification de la cible correspond à une modification de la structure de la molécule cible, au niveau de son site actif, ne permettant plus la complexation avec la molécule active de l’herbicide. Ce sont les mutations ponctuelles et aléatoires du génome de la molécule cible qui sont responsable de la modification de structures du site actif. Les herbicides ne pouvant plus complexer avec les molécules cibles, leurs effets sont ainsi annihilés (ibid.).

Le mécanisme de résistance correspondant à une surexpression de la cible se traduit par une dilution artificielle de l’herbicide dans la plante (ibid.). Selon ce mécanisme, la plante synthétise plus de protéine correspondant à la cible de l’herbicide qu’à la normale (ibid.). L’herbicide se retrouve donc dilué dans la plante et l’activité de celle-ci n’est pas altérée puisque les protéines additionnelles remplissent la fonction primaire de la cible.

La détoxication de la plante à l’herbicide provient par la dégradation de celui-ci en produits secondaires (métabolites) non toxiques pour la plante. La métabolisation de la molécule active de l’herbicide peut provenir soit de réactions d’hydrolyse (cassure de la molécule au niveau de ses liens atomiques), de réactions d’hydroxylation (ajout d’un groupement hydroxyle HO-

à la molécule), soit par conjugaison avec d’autres molécules telles que le glucose ou l’homoglutathion (ibid.).

Le mécanisme d’altération de la translocation du toxique correspond à rendre la plante imperméable à l’herbicide empêchant ainsi la complexation entre la molécule active de l’herbicide et la molécule cible de la plante (ibid.).

Il est à noter que la résistance provient essentiellement d’une mutation génétique de la plante. Ainsi les espèces végétales ayant muté engendreront à leurs tours des plants résistants à l’herbicide amplifiant ainsi la perte d’efficacité de l’herbicide sur la culture (Direction scientifique agriculture, 2011). Afin de contrôler ce phénomène d’accoutumance, le North American Herbicide Resistance Action Committee (NAHRAC) ainsi que la Weed Science Society of America (WSSA) ont été à l’origine d’un plan de surveillance mondiale sur l’évolution de la résistance des plantes sauvages face aux herbicides (Beckert, 2011).

Le tableau suivant (tableau 1.7) collige les informations sur la résistance des plantes en fonction de la classification des herbicides selon l’HRAC.

Tableau 1.7 Type de résistances selon la classification HRAC des herbicides Classification

HRAC Molécule cible Mécanismes de résistance

Nombre de cas observé

Source

Classe A Carboxyl transférase

 Modification de la cible  Détoxication 39 espèces (Beckert , 2011) Classe B Acétolactate synthase  Modification de la cible  Détoxication 110 écotypes Classe C Plastoquinone  Modification de la cible  Détoxication 25 espèces Classe G Phosphoénol pyruvate  Modification de la cible  Surexpression de la cible  Altération de la translocation 21 espèces

Classe H Glutamine synthase  Modification de la cible 1 espèce

Classe O

Il agit de manière similaire à l’acide indolacétique.

 Modification de la cible 28 espèces

1.4.3 Gestion des herbicides en fin de vie

Les herbicides conçus pour l’agriculture sont issus de synthèses chimiques et sont pour la plupart nocifs pour l’environnement. Les résidus d’herbicides étant considérés comme des résidus domestiques dangereux (RDD) par recyc-Québec (Bourque, 2010), l’utilisateur ne peut donc pas se départir des stocks résiduels d’herbicides en les rejetant dans l’environnement, mais doit les apporter dans un écocentre (Ville de Boucherville, 2010). Les sources de résidus d’herbicide sont nombreuses, ils peuvent provenir des particuliers qui ont acheté une quantité plus importante d’herbicides que nécessaire et qui doivent s’en départir après la date d’expiration de l’herbicide, ou alors des agriculteurs ayant observé un phénomène d’accoutumance face aux herbicides dans leurs cultures. Enfin, les résidus d’herbicides peuvent provenir également des surplus de production n’ayant pas trouvé acquéreur.

2 CAS DU GLYPHOSATE

Dans le chapitre précédent, il a été développé le cas des herbicides. Cela a permis de mettre en avant les différentes catégories d’herbicides, leurs modes d’action et la pollution générée par leurs utilisations. En avril 2012, le gouvernement du Québec a publié un rapport s’intitulant Bilan des ventes de pesticides aux Québec pour l’année 2009 dans lequel, il est mentionné que le volume de vente des herbicides pour l’année 2009 s’élève à 2 387 253 kg (Ministère du Développement Durable de la Faune et des Parcs du Québec, 2012). Plus de 90 % des ventes ont été réalisées pour la production agricole soit un volume de 2 199 001 kg (ibid.). En 2009, les acides phosphoniques, dont le glyphosate (classe G de la classification de l’HRAC), représentent à eux seuls 41,6 % des ventes des pesticides agricoles soit un peu moins d’un million de kilogrammes (ibid.). Ces chiffres montrent l’ampleur du glyphosate dans les pratiques agricoles du Québec. Afin de bien comprendre ces pratiques, il est judicieux d’étudier plus en profondeur le cas du glyphosate. Ce chapitre sera dans un premier temps consacré aux développements des différentes caractéristiques du glyphosate en y décrivant son histoire, ses propriétés physico-chimiques et son CVU. Par la suite, il sera présenté différentes alternatives aux pratiques agricoles telles que l’absence de désherbage et ses conséquences (positives et négatives) ou le désherbage mécanique entre autres.

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