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Le développement de l’économie bleue

Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), Université de Yaoundé II, Cameroun

A) Le développement de l’économie bleue

L’engagement des États africains en vue de promouvoir l’économie bleue s’est exprimé depuis l’adoption par la Conférence des Chefs d’États de l’UA de la stratégie AIM 2050 en 2014 et s’est renforcé successivement avec l’adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD) et de la Charte de Lomé. Cet intérêt porté sur la mer marque une nouvelle vision, celle faisant de la mer un pilier et un « pivot » du développement économique et social en Afrique. Le but principal de la PMA est de

« favoriser la création d’une plus grande richesse des océans et des mers d’Afrique en développant une économie bleue florissante, durable, sécurisée et respectueuse de l’environnement »18. Par conséquent, le fondement de la nouvelle vision maritime

africaine est la recherche du développement durable.

Dans cette perspective, la sécurité des espaces maritimes s’inscrit désormais dans le continuum sécurité/développement. La sécurité maritime n’est plus un but mais un moyen pour atteindre le but de l’économie bleue19. En effet, les initiatives nationales

et régionales visant la sécurité maritime étaient jusqu’alors destinées à combattre la criminalité maritime dans l’optique de la « protection » des routes navigables et des exploitations pétrolières et non du développement national des opportunités qu’offre la mer. D’où la faiblesse du lien observé entre la sécurité maritime et le développement ayant caractérisé les initiatives pré-Lomé. En effet, « bien que ces diverses propositions

semblent importantes (…) elles ne brillent pas par leur appréciation du lien entre sécurité et développement »20. Michel Luntumbue renchérit à la veille du Sommet de Lomé en

estimant que : « actuellement, toutes les initiatives sont uniquement orientées vers la

détection et la répression de ces actes »21.

Lomé est la rupture de cette faiblesse du lien entre sécurité maritime et développement en Afrique. Cette ville a été le lieu de mise en relief du « lien étroit entre sécurité

maritime et développement durable »22 de la « théorisation de l’économie bleue »23.

L’intitulé de la charte est l’expression même de cette nouvelle orientation. Cependant, ce lien remonte à l’élaboration et à l’adoption de la stratégie AIM 2050. Virginie Saliou confirme cette interdépendance entre la sécurité maritime et la croissance économique

18) Union africaine, Stratégie AIM 2050, p. 10.

19) Chris TRELAWNY, « Soutenir la sécurité maritime en Afrique », Diplomatie, octobre 2016, p. 45-49. 20) Charles UKEJE, Wullson MVOMO ELA, Approche africaine de la sécurité maritime : cas du golfe de Guinée, Abuja, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2013, p. 36.

21) Michel LUNTUMBUE, « La longue marche de l’architecture africaine de sûreté et sécurité maritimes

dans le golfe de Guinée », Diplomatie, octobre 2016, p. 87.

22) Léon KOUNGOU, op. cit., p. 4.

23) Léon KOUNGOU, « De Yaoundé à Lomé : méandres de la mobilisation africaine contre l’insécurité

maritime dans le golfe de Guinée » (Tribune no 881), Revue Défense Nationale, p. 4. Voir aussi SEM

Faure ESSOZIMNA GNASSINGBÉ, « Sécurité maritime et développement en Afrique », Diplomatie, octobre 2016, p. 6.

durable24. C’est donc en vue d’instaurer une économie bleue durable permettant de

lutter contre le chômage, la pauvreté et d’améliorer le bien-être des citoyens africains tout en réduisant les risques environnementaux marins, ainsi que la dégradation de l’écosystème et de la biodiversité25 que les initiatives de sécurité et de gouvernance

maritimes devraient en principe naître, se consolider et se développer. Le but poursuivi par la sécurité maritime en Afrique est désormais le développement de l’économie bleue.

Le développement de l’économie bleue est synonyme de développement des activités maritimes comme la pêche maritime, le tourisme maritime, le transport maritime etc. Les richesses maritimes sont perçues dans ce contexte comme des « opportunités

de développement durable »26. Si l’on prend le cas de la pêche maritime dans le golfe

de Guinée, l’on peut se rendre compte que l’« or bleu » est à la fois un atout dans la recherche de l’autosuffisance alimentaire et un secteur économique d’avenir27. Le

développement national de la pêche maritime est un axe fondamental du développement de l’économie bleue, et ce d’autant plus que la pêche INN avec ses effets socio-économiques néfastes, notamment la compromission des emplois dans la pêche maritime artisanale, est une menace sérieuse dans la région28. En Afrique

24) Virginie SALIOU, « »L’Afrique bleue» : l’ambition d’un continent pour un développement sûr et

harmonieux », Diplomatie, octobre 2016, p. 94-97. Pour mettre en évidence ce lien, elle prend l’exemple du Togo. « Le Togo, dont le port de Lomé dessert aujourd’hui une large partie de la sous-région – Mali,

Niger, Burkina-Faso, Ghana – connaît ce lien intrinsèque entre sécurisation des espaces maritimes et développement économique. En 2012, il fut l’un des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale les plus touchés par la piraterie. La sécurisation rapide du port et l’application effective du code ISPS ont permis une hausse du trafic de 7,7 millions de tonnes de marchandises transportées en 2012 à 9,2 millions en 2014, l’augmentation se poursuivant. » (p. 95).

25) Union africaine, Stratégie AIM 2050, p. 10. 26) Léon KOUNGOU, op. cit., p. 4.

27) Guy-Serge BIGNOUMBA, « La politique maritime du Gabon à l’aube du troisième millénaire :

l’indispensable ouverture sur la mer », Cahiers d’Outre-Mer, no 208, octobre-novembre 1999, p. 363.

28) Pour la situation de la pêche INN en Afrique de l’Ouest, voir : Daniel PAULY, « La pêche illégale le

long de la côte ouest-africaine », Diplomatie, octobre 2016, p. 68-71 ; Pauline GUIBBAUD, « Pêche illicite : quel avenir pour l’Afrique de l’Ouest ? », note d’analyse du GRIP, version électronique postée le 4 août 2014, consultée sur www.grip.org le 27 octobre 2014 ; Malick NDIAYE TAFSIR, « La pêche illicite, non déclarée et non réglementée en Afrique de l’Ouest », Dakar le 21 novembre 2010, version électronique consultée sur le site www.aprapam.org le 25 septembre 2014 ; Fatou DIOUF, Les aspects juridiques de

la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) au Sénégal, Dakar, L’Harmattan-

Sénégal, 2015 ; Céline Yolande KOFFIE-BIKPO, « La pêche maritime en Côte d’Ivoire face à la piraterie halieutique », Les Cahiers d’Outre-mer, no 251, juillet-septembre 2010, p. 321-346 ; INTERPOL, Étude

sur la pêche illégale au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest, Sous-direction de la Sécurité

environnementale, septembre 2014 ; Greenpeace Africa, Arnaque sur les côtes africaines : la face cachée

de la pêche chinoise et des sociétés mixtes au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Guinée, Dakar, mai

2015.

Pour la situation de la pêche INN en Afrique Centrale, voir : Ysaac Chavely MBILE NGUEMA, Organisations

régionales africaines et lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Le cas de la Commission Régionale des Pêches du Golfe de Guinée (COREP), Sarrebruck, Éditions Universitaires

centrale maritime, la pêche artisanale emploie 55 137 personnes contre 2 866 dans la pêche industrielle29. L’or bleu étant « renouvelable et peut-être inépuisable si les

conditions d’exploitation permettent d’en assurer la pérennité »30, il est approprié pour

les États côtiers du golfe de Guinée de développer ce secteur dont dépend fortement la population côtière qui, en 2050, s’élèverait à 591 572 habitants31. D’autres secteurs

comme le tourisme maritime ou le transport maritime offrent des opportunités de développement pour les pays africains.

Raison pour laquelle la stratégie AIM 2050 dans ses neuf (9) actions stratégiques prévoit entre autres le développement du secteur de la pêche et de l’aquaculture, la mise sur pied d’une stratégie intégrée en matière de tourisme et de loisirs maritimes pour l’Afrique, les aquariums géants africains32. De même, une batterie de mesures

innovantes a été adoptée dans la charte de Lomé pour promouvoir les secteurs de l’économie bleue. Il en ressort donc que la PMA poursuit le développement de l’économie bleue, nouveau paradigme qui guide les relations entre les États africains et la mer.