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7.7 Les relations trophiques et le régime alimentaire

7.7.4 Détermination du régime alimentaire des espèces

Une bonne représentation des régimes alimentaires est une étape clé pour la validation des quantités de radionucléides transférés entre les espèces. Cependant, les données d’observation liées aux régimes alimentaires des différentes espèces considérées sont rares, ce qui rend difficile la validation des régimes simulés.

Les résultats de simulation de l’évolution du régime alimentaire des espèces étudiées avec l’âge de chacune d’entre elles sont représentés sur la Figure 7.9. Les proportions relatives liées aux différentes proies représentées sur cette figure sont calculées à partir de l’équation7.24

Les régimes alimentaires simulés des petits pélagiques sardine et anchois sont en effet peu diversifiés et ne varient pas beaucoup au cours du temps. Elles se nourrissent essentiellement du zooplancton (> 80%) et de larves de différents poissons (< 20%). Cette similarité dans le régime alimentaire de ces deux espèces a déjà été reportée dans des études précédentes, montrant que ce régime est essentiellement composé du phytoplancton, du zooplancton, des œufs et des larves de certains poissons, et que le chan- gement dans les habitudes alimentaires de ces espèces au cours des différents stades de la vie (larves,

CHAPITRE 7. Estimation de la quantité de matière consommée et du régime alimentaire des espèces

juvéniles, adultes) est généralement négligeable (Takagi et al.[2009],Yamamoto and Katayama[2012],

Yasue et al.[2013]).

Les résultats de la simulation montrent que le régime alimentaire du calmar (Todarodes pacificus) est composé de phytoplancton durant les 3 premiers mois, remplacé progressivement par le zooplankton pendant les 3 mois qui suivent. Au delà de 6 mois, les larves de poissons prennent de plus en plus de places dans le régime alimentaire de cette espèce. A partir de l’âge de 1 an, ce régime alimentaire devient stable avec 50% de zooplancton et 50% de larves de poissons dont la taille moyenne est comprise entre 2 et 4 cm. Ces estimations sont qualitativement proche de ce qui a été reporté par Okutani [1983] et

ROPER et al. [1984] qui ont indiqué que la nourriture de cette espèce est essentiellement composée de zooplancton (euphausiacés, copépodes ...), des larves de poissons (sardine, anchois et autres petits poissons) et de calmars (cannibalisme).

Le régime alimentaire du hareng du Pacifique simulé dans cette étude est composé essentiellement du zooplancton (>90%) durant les premiers stades de la vie de l’espèce. La proportion de larves de pois- sons augmente progressivement dans ce régime en parallèle avec la croissance de l’espèce. Ces résultats s’accordent parfaitement avec les observations deHart et al.[1973], qui ont montré la prédominance de copépodes, des oeufs d’invertébrés et de diatomées dans le régime alimentaire de cette espèce durant les premiers stades de sa vie, et l’apparition progressive de larves de mollusques, des rotifères et de larves de poissons en parallèle avec la métamorphose et la croissance de l’espèce.

Dans le cas des différentes espèces de maquereaux, la simulation montre un régime alimentaire composé essentiellement de zooplancton durant les premiers stade de vie de ces espèces (>90%), et qui sera ensuite progressivement remplacé par les larves de poissons puis par les petits poissons et le calmar.

Collette and Nauen[1983] ont indiqué que les espèces de maquereau (S japonicus, S australisicus et D macarellus) ont un régime alimentaire opportuniste et qui n’est soumis à aucune loi de sélectivité. Les adultes se nourrissent de zooplancton (copépodes et euphausiacés), des petits poissons pélagiques et de calmar, ce qui s’accorde qualitativement avec les résultats de notre modèle.

Le régime alimentaire des espèces de thon est généralement dominé par le micronecton (sardine, anchois, hareng, calmar, etc) (Collette and Nauen[1983]). Le zooplancton qui dominait ce régime durant les premiers stades de vie de ces espèces disparaissait progressivement en parallèle avec leur évolution et leur croissance. L’omnivorie de ces espèces déjà reportée dans des études précédentes (Rohit et al.

[2010]) est aussi bien représentée dans ces régimes alimentaires simulés lorsque les espèces deviennent adultes.

Le régime alimentaire du requin bleu P. glauca simulé dans cette étude est dominé par le zooplancton et les larves de poissons durant sa première année de vie. Ensuite, en avançant dans l’âge, l’omnivorie devient de plus en plus présente, et les différentes espèces de poissons et de céphalopodes (calmars) demeurent bien représentées dans ce régime avec des proportions généralement homogènes, et avec des tailles de plus en plus grandes. L’analyse du contenu stomacal de cette espèce réalisée parLopez et al.

[2010] a confirmé le caractère omnivore de cette espèce dans la sélection de ses proies, et a montré la prédominance des poissons téléostéens et des céphalopodes dans son régime alimentaire.

De façon générale, le modèle simule des régimes alimentaires semblables à ceux reportés dans la littérature au moins d’un point de vue qualitatif (ex ordre d’importance des espèces). Cependant, il est nécessaire de souligner qu’il est parfois impossible d’obtenir des compositions alimentaires taxonomi- quement similaires à ce qui a été observé dans la nature, car le modèle ne prend en compte qu’un certain nombre d’espèces connues comme étant les plus importantes dans la région, alors que les interactions

7.8. Conclusion

trophiques des écosystèmes marins sont beaucoup plus complexes. Autrement dit, des interactions tro- phiques avec des espèces non représentées dans le modèle peuvent également avoir lieu dans la nature, ce qui ne peut donc pas être obtenu par ces simulations.

7.8

Conclusion

Nous avons appliqué une approche basée sur un bilan bioénergétique pour estimer la quantité de ma- tière potentiellement consommée par l’organisme, en partant du principe que l’énergie acquise par l’ali- mentation est égale à l’énergie dépensée pour la croissance et la maintenance. Les rations quotidiennes estimées dans cette étude pour les différentes espèces ont été validées avec les données d’observation disponibles dans la littérature pour certaines de ces espèces. Le deuxième objectif de ce chapitre était de proposer une approche permettant de déterminer le régime alimentaire de ces espèces. Pour cela, nous avons adopté une méthode basée sur l’hypothèse de l’opportunisme de prédation, et dans laquelle la taille du prédateur et de la proie jouent un rôle central. La probabilité de sélection de la proie par le prédateur est alors basée sur l’adéquation de taille et la co-occurrence spatio-temporelle entre les deux, ainsi que sur l’abondance relative de la proie à l’endroit où se trouve le prédateur. Bien que cette approche ne soit basée que sur des hypothèses relativement théoriques et difficiles à vérifier par les observations, et que l’écosystème ne soit représenté que par les 16 espèces les plus dominantes, elle a permis d’obtenir des résultats qui sont en général qualitativement comparables avec les observations. Il est aussi important de noter que, contrairement aux méthodes classiques qui utilisent des régimes alimentaires fixes avec des taux d’ingestion généralement constants pour chaque espèce, l’approche utilisée dans cette étude permet de prendre en compte les changements potentiels dans les régimes alimentaires des organismes et dans leur taux de consommation de la nourriture, et ce en parallèle avec leur croissance.

CHAPITRE 7. Estimation de la quantité de matière consommée et du régime alimentaire des espèces

FIGURE7.9 – Résultats de simulation de l’évolution du régime alimentaire de chacune des 16 espèces étudiées avec leurs âges respectifs. La courbe noire représente la taille moyenne des proies consommées (autre que le phyto- et le zooplancton)

Chapitre 8

Application du modèle

8.1

Introduction

Dans la deuxième partie de cette thèse, nous avons présenté les résultats de la simulation des concen- trations du137Cs dans les populations planctoniques (phytoplancton et de zooplancton), qui représentent les premiers maillons des chaînes trophiques pélagiques du milieu marin. Cette étude nous a permis de montrer le degré de contamination de ces populations notamment près de la centrale nucléaire de Fu- kushima Dai-ichi, ainsi que de mettre en évidence l’existence d’une légère capacité de biomagnification chez le zooplancton, confirmant ainsi ce qui a été rapporté dans certaines études. Ce processus de bio- magnification est synonyme de l’augmentation du taux du137Cs à chaque stade de la chaîne trophique, ce qui signifie que les concentrations du137Cs dans les poissons devraient être plus élevés que dans les populations planctoniques. On doit alors s’attendre à des concentrations élevées du137Cs dans les 16 es- pèces concernées par cette étude, notamment aux alentours de la centrale où les concentrations estimées dans le plancton sont considérablement élevées. Ce chapitre vise à estimer ces niveaux de contamination en 137Cs en se basant sur le modèle qui a déjà été présenté dans les deux chapitres précédents. Nous nous intéressons essentiellement à la période qui a suivi l’accident de Fukushima et qui est caractérisée par une forte contamination en137Cs du milieu marin, mais aussi à la période d’équilibre avant l’acci- dent afin de pouvoir comparer les deux périodes. Nous utilisons aussi les résultats de la simulation des concentrations du 137Cs dans le plancton marin estimées dans la partie précédente comme forçage en nourriture pour les espèces planctonivores. Nous validons le modèle en utilisant les données publiées par le MAFF (Ministère japonais de l’agriculture, des forêts et de la pêche), et nous effectuons par la suite une analyse de sensibilité afin de mesurer l’impact de l’incertitude associée à chaque paramètre du modèle et d’identifier ainsi les paramètres les plus sensibles.