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Déterminants de l’interaction hôte pathogène : implication pour de futures études

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3. Déterminants de l’interaction hôte pathogène : implication pour de futures études

La modélisation des maladies infectieuses est particulièrement difficile puisque les déterminants du phénotype dépendent à la fois des caractéristiques de l’hôte, du pathogène et

dernières années explique certaines discordances observées entre modèles animaux et phénotype humains que ce soit en termes d’immunopathologie ou de réponse thérapeutique. La théorie classique issue des modèles murins qui postulait que la réponse inflammatoire exacerbée de l’hôte était responsable des défaillances d’organes et de la mortalité au cours des infections graves a été largement remise en question par les échecs thérapeutiques répétés et la mise en évidence du rôle délétère de la réponse anti-inflammatoire. La théorie du « Damage-response Framework » des Dr Casadevall et Pirofski (cf chapitre 3 de l’introduction), permet, elle, d’appréhender le rôle pathologique du pathogène et la contribution nécessaire de la réponse immune à son éradication. Elle apporte néanmoins une vision qui reste dichotomique. En effet, de nombreux microorganismes ont développé des stratégies pour résister, échapper ou neutraliser les mécanismes de défense de l’hôte (335). L’interaction d’un hôte et d’un pathogène peut parfois entraîner une réponse immune à la fois excessive pour l’hôte et inefficace pour éradiquer le pathogène ce qui contribuera à sa gravité. La variabilité de la notion de « virulence » que ce soit au cours du processus d’invasion tissulaire ou plus généralement au long de l’évolution des espèces complique encore l’interaction hôte-pathogène. Ainsi jusque dans les années 80, La virulence était considérée comme une propriété intrinsèque des pathogènes certains germes étant considérées virulents comme les bactéries à Gram négatif qui représentaient la majorité des causes de sepsis, et d’autres non. L’épidémiologie bactérienne des infections sévères s’est depuis modifiée avec une prédominance d’infections à bactéries à Gram positif (5, 11) et l’émergence d’infections causées par des microbes considérés comme non pathogène dans les années 80 : staphylocoques à coagulase négative et levures (336, 337). En effet, l’utilisation accrue de matériel implantable favorise les espèces bactériennes capables de former du biofilm (nouvelle propriété de « virulence »), l’augmentation de la consommation d’antibiotiques donne un avantage à des espèces moins sensible aux antibiotiques ou développant plus

facilement des résistances. La notion de virulence est également relative entre les espèces, tel pathogène étant virulent chez un hôte mais inoffensif chez un autre. De fait, la théorie du « Damage-response Framework » se heurte à la variabilité des rôles respectifs de l’hôte et du pathogène en fonction de leur espèce respective, selon le site d’infection voire le moment de sa survenue (338). Les progrès dans la compréhension des interactions complexes et dynamiques qui existent entre les pathogènes et les mécanismes de défense de l’hôte ont amené Casadevall et Pirofski à développer une vision plus moderne de leur théorie. A leurs yeux, la relativité des facteurs associés à l’hôte et au pathogène rend impossible la prédiction de la sévérité. L’expression biologique d’une infection ne peut pas être prédite à partir des caractéristiques de l’hôte ou du pathogène pris isolément. Elle doit donc être appréhendée comme une « Emergent Property » c’est à dire une caractéristique biologique émergent de l’interaction entre l’hôte et le pathogène (336) ou l’émergence est le concept qui intervient lorsque des systèmes font apparaître par leurs interactions un autre niveau de complexité qu'il est difficile de prévoir par la seule analyse de ces systèmes pris isolément. Pour illustrer ce fait, nous pouvons rapporter le cas d’un patient présentant une cellulite nécrosante de jambe avec choc septique et coagulation intra-vasculaire disséminée intense. Alors que les cellulites nécrosantes des membres sont en général causées par Streptococcus pyogenes ou Staphylococcus aureus et que la CIVD est une caractéristique des infections à méningocoque ou à pneumocoque, nous avions identifié chez notre patient un Escherichia coli dans les prélèvements opératoires. Ces atypies microbiologiques et cliniques nous avait conduits à génotyper la bactérie et le patient. Nous avions mis en évidence que la souche bactérienne exprimait 2 facteurs (cnf1 et var) induisant une cytotoxicité cellulaire et une nécrose cutanée, alors que le patient présentait un polymorphisme du gène de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI-1) qui augmente le risque de CIVD au cours des états septiques (339). Ce cas est une illustration didactique de la complexité de la relation hôte-pathogène appréhendée

comme un système biologique ou la variabilité des 2 acteurs aboutit à un nombre considérable de situations pathologiques possibles. Malheureusement, les limites technologiques, la séparation épistémologique entre microbiologie et immunologie font que les études portent souvent sur l’une des 2 composantes de l’interaction hôte-pathogène considérée isolément de l’autre. Les conséquences pour le sujet de l’immunodépression post-infectieuse sont particulièrement importantes : les modèles expérimentaux utilisent des lignées de souris différentes, des agressions primaires variables, des délais et des pathogènes propres à chaque équipe ; la comparaison des données obtenues et leur caractère généralisable sont donc incertaines. Par exemple, certains des phénotypes murins que nous avons observé sont différents lorsqu’on utilise un autre pathogène ou un autre site de l’infection secondaire (données non publiées). A notre sens, seules des études à larges échelles, collaboratives, incluant de nombreux types différents d’infection primaire et d’infection secondaire (organe infecté, type de pathogène utilisé) et utilisant des technologies de haut débit et l’aide d’outils bioinformatiques pourraient être à même de définir les mécanismes immunitaires les plus constants entre les différents modèles qu’il conviendrait de valider ensuite chez l’homme et qui définiraient les cibles thérapeutiques à privilégier.