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Déterminants des acquis scolaires sans effets frontières

Chapitre III : Disparités régionales et inégalités de genre des performances

5.1 Déterminants des acquis scolaires sans effets frontières

Les résultats des estimations de l’équation (6) sur les 647 districts par la méthode du maximum de vraisemblance sont reportés dans le tableau 4. Les frontières des pays sont ignorées. En comparant les valeurs du log de vraisemblance (LL) avec celles obtenues de l’estimation par les MCO, nous constatons une nette augmentation. Le tableau 4 aussi montre une forte autocorrélation spatiale positive et significative du test de ratio de vrai- semblance des termes d’erreurs (LRT). Le paramètre de l’intensité de l’interdépendance spatiale entre les résidus est statistiquement significatif54. Ces résultats tendent donc à indiquer que les performances scolaires des filles et des garçons, quelle que soit leur origine

54. L’interdépendance spatiale est manifeste quelle que soit la matrice de contiguïté utilisée : matrice de contiguïté d’ordre 1 ou aussi d’ordre 2, 3. . .

socio-économique, de chaque district sont touchées par celles des districts voisins, et par conséquent ne sont pas indépendants de leur propre position géographique.

D’après le tableau 4, il ressort que le fait d’envoyer les enfants à l’école en étant jeune améliore les performances scolaires chez les garçons et les filles, mais un peu moins chez les filles (coefficient de AGE plus grand chez les garçons). Les résultats montrent également que plus l’âge moyen augmente plus les écarts entre les filles et les garçons en termes de performances scolaires s’accroîssent. Les districts qui affichent des scores forts sont ceux qui comprennent au sein des écoles des élèves moins âgés, quel que soit le sexe et la situation socio-économique de ces derniers.

Les résultats montrent qu’une importante proportion des filles (coefficient de P SEX significatif et positif) dans les classes améliore non seulement leurs résultats mais entraine aussi une diminution des écarts entre ces dernières et leurs camarades de classe de sexe masculin issus d’un milieu favorisé (modèle 3), mais n’a quasiment pas d’effet sur les résul- tats scolaires des garçons. Ce lien fort entre genre et résultats scolaires en Afrique australe et orientale a aussi été souligné par Hungi (2011a) et Dickerson et al. (2015). Pour les pays de l’Afrique australe et orientale, les filles représentent en moyenne 51% des élèves en 2007 contre 50% en 2000 (Hungi, 2011a). Néanmoins, il existe des différences selon les pays, comme le montrent nos résultats (Annexe 3.1). La proportion des filles scolari- sées est beaucoup plus importante dans trois pays (Zimbabwe, 57,6% ; Namibie, 52% et Lesotho, 57,4%). Elle reste inférieure aux garçons au Mozambique (45,7%) et au Kenya (46.9%), elle a tendance à atteindre la parité dans les autres pays. En outre, la part des filles scolarisées est également très disparate au sein des districts d’un pays à un autre.

Le fait d’avoir une proportion importante d’enseignants de sexe féminin joue un rôle majeur sur les acquis scolaires des filles, notamment pour les filles issues du milieu aisé (co- efficient de T SEX significatif et positif). La variable T SEX n’a pas d’effet sur les scores au sein des garçons et des filles issus d’un milieu pauvre. Ce constat peut être rattaché au fait que, dans les pays d’Afrique australe et orientale en 2007, plus de 60% des élèves ont des enseignants de sexe féminin (Hungi, 2011b). Par contre les garçons issus d’un milieu favorisé réalisent les meilleurs scores quand ils ont un enseignant de sexe masculin.

L’indice socio-économique des élèves (SES) par district tend à améliorer les acquis scolaires moyens des filles et des garçons. Ce résultat est confirmé pour les élèves d’origine socio-économique aisée, mais n’a pas d’effet sur les résultats du groupe des enfants issus du milieu pauvre quel que soit le sexe. Ce résultat peut être associé au fait qu’en général les élèves issus de milieux favorisés fréquentent plus largement des écoles privées, donc ont tendance à avoir de meilleurs résultats.

Une grande proportion d’écoles localisées en zone urbaine agit positivement et si- gnificativement sur les résultats scolaires quel que soit le sexe (LOCA). La localisation de l’école en zone rurale affecte la performance des élèves parce qu’ils sont en moyenne là plus souvent dans des situations socio-économiques difficiles. Indépendamment de cet aspect, les zones rurales dans la plupart des pays d’Afrique australe et orientale n’ont pas accès à l’électricité, ce qui signifie que les élèves habitant dans des zones rurales dépourvues de sources d’éclairage ont plus de difficultés à faire leurs études et leurs devoirs le soir comparativement à leurs homologues habitant dans des districts urbains. En raison de la rareté d’électricité, les écoles dans les zones rurales manquent d’importants équipements d’enseignement et d’apprentissage, tels que les techniques d’information et de communi- cation (ordinateurs, internet, systèmes audio et vidéo).

Certains travaux mettent en évidence l’impact de la difficulté d’accès aux établisse- ments sur la performance scolaire (Andersson et al., 2012 ; Kondylis et Manacorda, 2012 ; Gibbons et al., 2013). Nos résultats soulignent également cette importance à travers la variable DIST . La proportion des écoles situées à plus de deux kilomètres du domicile de l’élève diminue les résultats scolaires encore plus pour les filles. Les établissements sco- laires sont peu nombreux dans certaines zones rurales et les élèves doivent faire de longues distances pour rejoindre les écoles situées dans les villages voisins. En moyenne plus de 33 % des écoles se situent à plus de deux kilomètres du domicile de l’élève. Au Lesotho par exemple, la proportion des écoles situées à plus de deux kilomètres entre le domicile de l’élève et l’établissement scolaire peut atteindre 66% (Annexe 3.1). Ces distances souvent très grandes peuvent être dangereuses particulièrement pour les jeunes enfants et les filles.

Les écoles les moins sécurisées contribuent négativement aux acquis des élèves (SECU ). Les élèves scolarisés dans des écoles ayant des problèmes de sécurité connaissent des scores plus faibles. C’est le cas des élèves scolarisés dans des établissements situés dans les ban- lieues et en milieu rural, généralement pauvres et oubliés par les autorités. Ainsi, un environnement scolaire non sécurisé constitue une entrave majeure aux activités d’ensei- gnement et d’apprentissage. Il ne permet pas aux enseignants et à l’administration de mieux se concentrer sur leurs activités pédagogiques. Les problèmes de sécurité scolaire sont manifestement en rapport avec les performances scolaires quel que soit le sexe. Les élèves qui fréquentent des écoles considérées comme étant exposées à des problèmes d’in- discipline et à des actes d’incivisme sont plus désavantagés quant à leur rendement scolaire.

La présence d’infrastructures (routières, sanitaires et éducatives) a un rôle prépondé- rant sur les performances scolaires pour les deux sexes et quelles que soient leurs origines sociales (ZSDIST ). La répartition inégale des infrastructures (route, éducation, santé) impacte largement les variations de taux de réussite. L’existence ou non d’infrastructure routière praticable et accessible détermine généralement l’intensité et la qualité des opéra-

teurs de transports dans une zone. Vu sous cet angle, les districts, quel que soit leur niveau de développement et d’urbanisation, lorsqu’ils ne disposent pas assez de routes praticables, seront faiblement desservis. Ceci conjugué à une instabilité politique dans certains pays de la région (Soudan, Somalie, Congo et Ouganda) isole la population pauvre et rend plus problématique l’accès à l’éducation et la santé. Les élèves dans les districts faiblement dotés de routes praticables rencontrent plus de difficultés de se rendre à l’école souvent éloignées et finissent par abandonner ou dans le meilleur des cas terminent l’année avec des résultats médiocres.

Concernant les infrastructures éducatives, le fait que les écoles primaires soient à proximité des écoles secondaires, des universités, des librairies et bibliothèques publiques, impactent positivement la réussite des élèves. Les élèves qui n’ont pas d’encadrant à do- micile peuvent profiter de leurs ainés étudiant dans les écoles secondaires et supérieures proches de leur établissement scolaire.

La proximité de services de santé semble également jouer un rôle sur la réussite scolaire. Il est certain que la disposition de postes de santé à l’intérieur des établissements scolaires ou à proximité peut permettre aux élèves d’être mieux soigné. Mais ceci peut également jouer à titre préventif en permettant la sensibilisation à certaines maladies très répandues en Afrique australe et orientale notamment le VIH-SIDA, le paludisme, la tu- berculose, etc. En fin de compte, la distance moyenne qui sépare l’école et le domicile de l’élève d’une part, celle séparant les écoles et les infrastructures (routières, sanitaires et éducatives) d’autre part constitue un frein certain à la réussite scolaire, notamment chez les filles dans les milieux défavorisés.

Tableau 4 – Résultats des estimations du modèle par le maximum de vraisemblance

Global Milieu riche Milieu pauvre Variables Score garçon Score fille Score garçon Score fille Score garçon Score fille

(1) (2) (3) (4) (5) (6) AGE -24.79*** -20.84*** -25.36*** -15.41*** -24.23*** -19.19*** SES 18.53*** 17.91*** 21.26*** 24.22*** -5.268 -0.486 PSEX 0.203 0.667*** -0.935*** 0.770* 0.354 1.428*** TSEX 0.0679 0.216** 0.586 0.271** -0.147 0.131 SECU -7.202*** -3.918** -5.682* -9.198** 0.402 -9.092** SLOCA 0.120*** 0.0768* 0.249** 0.0525* 0.393*** 0.189 DIST -0.0135 -0.0338* 0.147 -0.138 0.0417 -0.153** ZSDIST -0.273*** -0.252*** -0.143* -0.326** -0.287* -0.359** λ 0.908*** 0.866*** 0.597*** 0.267*** 0.549*** 0.621*** Constante 17.37*** 35.25*** 6.445** 77.71* 128.6** 102.3* Observations 647 647 647 647 647 647 LRT 0.490*** 0.450** 0.294*** 0.224*** 0.116*** 0.0877*** LL -3440 -3450 -3811 -3920 -3941 -3901

Valeurs des coefficients significativement différente de 0 à respectivement *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1 Note : LRT est le test de ratio de vraisemblance pour l’autocorrélation spatiale des termes d’erreurs.

Les fortes disparités régionales dans les acquis scolaires peuvent être expliquées par une forte hétérogénéité inter-pays. En ce sens, l’analyse qui suit tient compte de l’effet des frontières.