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Une détection de la vie

I. La quête d’une Terra incognita

I.3. Comment détecter la vie ?

I.3.2. Une détection de la vie

Comment exploiter la définition de la vie décrite précédemment, et par quel moyen analyser à distance leur présence sur la planète détectée ?

Le rayonnement reçu de la planète porte l’information sur la vie via des signatures spectrales. La détection, par spectroscopie, de certaines molécules dans l’atmosphère éventuelle de la planète observée, permet donc de conclure à la présence ou non d’activité biologique, avec plus ou moins de fiabilité selon les théories développées à partir de la définition de la vie d’André Brack.

Ces critères d’activité biologique se basent sur la recherche de différentes signatures moléculaires. Ce chapitre décrira :

la recherche d’espèces hors équilibre thermodynamique le critère CH4 – H2O

le critère H2O – O2

le critère H2O – O3

La recherche d’espèces hors équilibre thermodynamique

Ce critère se base sur la détection de gaz hors équilibre comme le méthane CH4 ou

l’oxygène O2.

Bien que l’atmosphère terrestre présente de grandes quantités de ces gaz (Lovelock 1965 et Lovelock 1975) dont l’origine est biologique, ce déséquilibre peut être aussi causé par un processus abiotique (i.e. non biologique). Ce critère permet donc de conclure à une activité biologique si l’hypothèse abiotique est démontrée impossible.

Sagan prouva la pertinence de ce critère en diagnostiquant la présence de la vie terrestre lors du passage de la sonde Galiléo à proximité de la Terre (Sagan et al. 1993). Il mesura non seulement la quantité de molécules de CH4 , O3 et N2O, mais il montra aussi l’invalidité de

l’hypothèse abiotique.

Le critère CH4 – H2O

Le critère CH4 – H2O se fonde sur la quantité de méthane (CH4) contenue dans

l’atmosphère. Encore une fois, l’hypothèse abiotique doit être invalidée en considérant deux aspects :

des scénarii de productions abiotiques, supposées constantes au cours du temps, induisent un rapport de mélange [CH4]∼10-4 (Kasting 1997)

sur une planète de type Terre, le rayonnement UV et la présence de molécules OH détruisent une partie de la production CH4

Or le rapport de mélange mesuré sur Terre est [CH4]∼10-2. Ainsi un rapport de mélange

constant aussi élevé est révélateur d'une production continue de méthane par processus biologique.

Le critère H2O – O2

Proposé par Owen en 1980 (Owen 1980), il inspira grandement la future stratégie de détection de la vie de la mission Darwin.

Owen postule que la vie recherchée est basée sur la chimie du carbone et que les conditions propices à son existence sont :

la présence d’eau liquide, qui est alors une condition d’habitabilité d’une planète la présence massive d’oxygène, qui est la conséquence d’une activité biologique Quelle forme de vie considérer ?

Owen suppose que la macromolécule, à l’image de notre ADN, est le support de la vie que nous recherchons. Coder l’information grâce aux polymères, composés d’une chaîne de monomères, permet une grande quantité de combinaisons.

Plus la diversité des monomères est grande, plus l’information est riche. C’est pourquoi Owen choisit le carbone comme élément de base le plus probable car sa chimie semble la plus riche :

celle-ci est omniprésente dans la nature

ses formes réduite (CH4) et oxydée (CO2) sont stables et permettent ainsi une grande

diversité de molécules

Pourquoi la présence d’eau liquide H2O à la surface est-elle indispensable ?

L’eau, plus que tout autre solvant, joue un rôle déterminant lors de la synthèse de molécules de part ses propriétés chimiques (constante diélectrique élevée, etc.).

De plus l’eau joue un rôle « auto-protecteur » (Owen 1980), car elle protège indirectement la solution primitive des UV par un processus simple : les UV dissocient tout d’abord l’eau et crée de l’oxygène, puis cet oxygène produit de l’ozone par photo-dissociation et recombinaison, enfin l’ozone absorbe les UV.

La synthèse des molécules organiques n’est possible qu’en solution, les états solide et gazeux étant inappropriés pour ces processus (Brack 1993).

Pourquoi la présence d’oxygène O2 est-elle nécessaire ?

Une atmosphère primitive riche en molécules oxydées et plus particulièrement en CO2

(Gautier 1992a) induit la présence d’une grande quantité de carbone réduit (sucre (H-HCO)) provenant du CO2 atmosphérique :

CO2 + 2 H2O + énergie → sucre (H-HCO) + O2 + H2O ( I-2)

Ce processus de réduction du carbone est d’origine biologique, car c’est celui de la photosynthèse : l’énergie lumineuse (les photons) permet de synthétiser des sucres et de libérer une molécule d’oxygène grâce à la chlorophylle.

Cependant une production par photosynthèse constante au cours du temps ne suffit pas à obtenir une atmosphère abondante en O2, car l’oxygène est très réactif avec son

environnement (oxydation des matières organiques). Si cette production s’arrêtait, l’oxygène disparaîtrait de l’atmosphère en quelques millions d’années. Alors la planète doit aussi posséder un processus d‘enfouissement des matières organiques, comme par exemple la tectonique des plaques.

La présence massive d’oxygène dans l’atmosphère (Po2 > 10 mbar) d’une planète

extrasolaire semble donc être la signature d’un processus efficace de production de ce gaz. Mais peut–on attribuer systématiquement son origine à une activité biologique ?

Des scenarii de production abiotique d’oxygène, dits « faux-positifs », ont été imaginés : la photodissociation du CO2 : la quantité produite d’oxygène est insuffisante (Po2 < 5

mbar) (Rosenqvist et Chassefière 1995).

la photodissociation de H2O par les UV stellaires : ce mécanisme reste peu efficace dans

le cas des planètes telluriques (Chassefière 1996)

une planète trop proche de son soleil : Le mécanisme de régulation de la température par effet de serre cesse de fonctionner et induit une quantité massive d’oxygène. Ce cas est facilement identifiable car la phase de production de ce gaz est courte (entre 100 et 300 millions d’années) et la planète se trouve à une distance orbitale significative

Le critère H2O – O2 semble très fiable, car l’eau et l’oxygène sont des indices pertinents de

présence de la vie et les cas de « faux-positifs » sont reconnaissables.

Le critère H2O – O3

Les conditions propices à la vie établies par Owen ont été jugées les plus fiables, le critère H2O – O2 a donc été retenu. Néanmoins celui-ci a dû être adapté aux contraintes

observationnelles, notamment à la bande spectrale adéquate, d’une mission telle que Darwin. Ainsi le critère H2O – O3 est la version actuellement exploitée du critère H2O – O2 et est décrit

dans le chapitre II dédié à la présentation de la mission Darwin.

Les méthodes de détection indirecte ont démontré leur efficacité en révélant depuis 1996 la présence de 105 planètes confirmée autour de 91 étoiles. Cependant elles ne peuvent ni détecter des planètes de masse terrestre, car les sensibilités exigées sont à ce jour inaccessibles, ni capter le rayonnement de la planète elle-même.

Rechercher la vie sur des planètes extrasolaires de type Terre demande de développer des critères d’activité biologique et de nouvelles techniques de détection directe, conditionnées par deux contraintes :

une haute dynamique capable de gérer le problème du contraste étoile/planète

une haute résolution angulaire suffisante pour séparer spatialement la planète de l’étoile Ces considérations biologiques et instrumentales sont les fondements de la mission Darwin.

Chapitre II

Darwin vers la découverte d’une vie

primitive

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