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Partie II. Science et considérations techniques

7.1 Traitement à l’échelle municipale

7.1.3 Inactivation

7.1.3.1 Désinfection chimique

Il est possible de prédire l’efficacité des désinfectants chimiques en fonction de la concentration résiduelle d’un désinfectant en particulier et des facteurs qui jouent sur son efficacité, surtout la température, le pH, le temps de contact et le degré de désinfection requis (U.S. EPA, 1991). Cette relation est appelée couramment « concept CT », où CT représente le produit de « C » (concentration résiduelle d’un désinfectant, en mg/L) par « T » (temps de contact avec le désinfectant, en minutes) pour un microorganisme en particulier dans des conditions définies (p. ex. température et pH). Pour tenir compte de la dégradation du désinfectant, on

détermine habituellement la concentration résiduelle à la sortie de la chambre de contact au lieu d’utiliser la dose appliquée ou la concentration initiale.

On calcule généralement le temps de contact T en utilisant une valeur T10 qui est définie comme le temps de séjour durant lequel l’eau atteint ou dépasse le temps de contact requis dans une proportion de 90 %. On peut estimer cette valeur T10 en multipliant la durée de rétention (c.-à-d. le volume du réservoir divisé par le débit) par l’efficacité hydrauliquede la chambre de contact. L’U.S. EPA (1991) fournit les facteurs de déflexion pour des exemples de chambres de contact. L’exposition médiane à la désinfection (CT50) et les réacteurs à fonctionnement continu reliés en série (N-CSTR) sont d’autres méthodes permettant d’évaluer l’efficacité de la

désinfection (Tfaily et coll., 2015). On peut aussi réaliser un essai de traçage hydraulique pour déterminer le temps de contact réel dans les conditions de débit de la station. Comme la valeur T dépend des caractéristiques hydrauliques liées à la construction de la station de traitement, il est plus efficace d’améliorer les caractéristiques hydrauliques (c.-à-d. augmenter le facteur

d’efficacité hydraulique de la chambre de contact) que d’augmenter la dose de désinfectant pour respecter les exigences relatives au facteur CT. L’amélioration de l’efficacité hydraulique d’une chambre de contact au chlore peut s’avérer une stratégie de contrôle importante pour combler toute lacune dans les crédits d’inactivation des virus et améliorer la fiabilité du procédé de désinfection (Douglas, 2016).

Le document de l’U.S. EPA (1991) présente des tableaux CT pour l’inactivation de 2 log, 3 log et 4 log des virus. Le tableau 4 présente certaines valeurs CT pour l’inactivation de 4 log (99,99 %) des virus entériques avec le chlore, la chloramine, le dioxyde de chlore et l’ozone. Ces valeurs indiquent que la chloramine est un désinfectant beaucoup plus faible que le chlore libre, le dioxyde de chlore et l’ozone, puisqu’il faut des concentrations ou des temps de contact beaucoup plus élevés pour atteindre le même taux d’inactivation. La chloramine n’est donc pas

recommandée comme désinfectant primaire.

Tableau 4. Valeurs CT pour une inactivation des virus entériques de 4 log (99,99 %) avec divers désinfectants à 5 °C et à 20 °C (pH de 6 à 9)

Température (°C)

Valeurs CT (mg-min/L) pour une inactivation de 99,99 % (4 log) Chlore libre (Cl2) Chloramine (NH2Cl) Dioxyde de chlore (ClO2) Ozone (O3) 5 8 1 988 33,4 1,2 20 3 746 12,5 0,5 a

Fondée sur des études dans le cadre desquelles on utilise le VHA (après avoir ajouté un facteur de sécurité), à l’exception des valeurs CT pour l’ozone, qui sont basées sur le poliovirus 1 (U.S. EPA, 1991)

Des études portant sur plusieurs virus entériques révèlent des degrés différents de

résistance aux désinfectants chimiques (Engelbrecht et coll., 1980; Payment et coll., 1985; Hoff, 1986; Sobsey et coll., 1988; Payment et Armon, 1989; U.S. EPA, 1989; AWWA, 1999, 2011a; Thurston-Enriquez et coll., 2003a, 2005a,b). Ces études ont révélé que le VHA résistait davantage à l’inactivation au dioxyde de chlore et à l’ozone que d’autres types de virus. Le VHA résistait plus au chlore libre que le rotavirus et l’adénovirus 40, mais la vulnérabilité du virus

Coxsackie B5 et du poliovirus de type 1 variait considérablement d’une étude à l’autre et l’on a indiqué à l’occasion qu’ils étaient plus résistants que le VHA. Les objectifs de désinfection et les tableaux des valeurs CT sont donc fondés sur des valeurs s’appliquant au VHA à l’exception de

l’ozone, qui repose sur l’inactivation du poliovirus (U.S. EPA, 1991). Le tableau 5 présente les valeurs CT tirées de diverses études où divers désinfectants chimiques ont produit une

inactivation de 2 log (99 %) de plusieurs virus.

Comme il est impossible de cultiver le norovirus humain, on a utilisé des substituts comme le calicivirus félin et le norovirus murin pour calculer les valeurs CT requises afin d’inactiver efficacement le norovirus humain dans l’eau potable. Lim et coll. (2010) ont signalé des valeurs CT de 0,141 et de 0,071 mg-min/L dans le cas du norovirus murin lorsqu’on utilise du chlore et du dioxyde de chlore (5 °C et pH de 7,2). Les auteurs ont signalé que ces résultats indiquent que le norovirus murin est beaucoup moins résistant que d’autres virus entériques (p. ex. poliovirus de type 1). Ils ont de plus laissé entendre que les valeurs CT recommandées couramment pour l’inactivation du virus au moyen du chlore et du dioxyde de chlore (tableau 5) suffisent pour produire une diminution de 4 log du norovirus humain. Des dosages RT-PCR qui ont démontré que le norovirus est moins résistant à la désinfection au chlore que le poliovirus type 1 appuient ces conclusions (Shin et Sobsey, 2008; Kitajima et coll., 2010b).

Les caractéristiques physiques de l’eau, comme la température, le pH et la turbidité, peuvent avoir un effet important sur l’inactivation et l’élimination des pathogènes. Les taux d’inactivation, par exemple, doublent ou triplent par tranche de 10 °C d’élévation de la

température. Lorsque les températures approchent 0 °C, comme c’est souvent le cas en hiver au Canada, l’efficacité de la désinfection diminue et il faut augmenter la concentration de

désinfectant ou le temps de contact (CT) avec celui-ci, ou les deux, pour atteindre le même degré d’inactivation. L’efficacité de certains désinfectants varie également selon le pH. Lorsque l’on emploie du chlore libre, une augmentation du pH de 6 à 10 réduit de 8 à 10 fois le taux

d’inactivation (U.S. EPA, 1991). De même, la désinfection par la chloramine diminue à mesure que le pH augmente (Cromeans et coll., 2010; Kahler et coll., 2011). Par contre,

Thurston-Enriquez et coll. (2005a) ont signalé que le dioxyde de chlore est 1,9 et 19,3 fois plus efficace à un pH de 8 qu’à un pH de 6 pour l’adénovirus 40 et le calicivirus félin, respectivement. On a fait état de résultats semblables pour d’autres virus entériques désinfectés au dioxyde de chlore (Alvarez et O’Brien, 1982; Noss et Olivieri, 1985). On a démontré que le pH avait peu d’effet sur l’efficacité de l’inactivation des virus par l’ozone, même si un pH plus élevé a un effet sur la stabilité de l’ozone et, par conséquent, augmente la demande en ozone.

La diminution de la turbidité est un préalable important pour l’inactivation des virus et d’autres microorganismes. La désinfection chimique peut être inhibée, car les particules auxquelles ils sont liés peuvent protéger les virus et d’autres microorganismes. De plus, la turbidité neutralise l’action des désinfectants et réduit l’efficacité de la désinfection chimique. Selon LeChevallier et coll. (1981), le pouvoir désinfectant du chlore libre diminue de huit fois lorsque la turbidité passe de 1 à 10 UTN. On a observé des effets négatifs des virus liés à des particules sur les procédés de désinfection au cours de plusieurs études (Templeton et coll., 2008). Le document technique de la recommandation sur la turbidité (Santé Canada, 2012d) traite plus en détail de l’effet de la turbidité sur l’efficience du traitement.

Tableau 5. Comparaison des valeurs CT tirées d’études pour l’inactivation à 99 % (2 log) de certains virus par divers désinfectants à une température de 5 à 15 °C

Virus

Valeurs CT pour une inactivation de 2 log (99 %) Chlore libre (Cl2) pH 6 – 7 Chloramine (NH2Cl) pH 8 – 9 Dioxyde de chlore (ClO2) pH 6 – 7 Ozone (O3) pH 6 – 7 Poliovirus 1a,b,c 1,1 – 6 768 – 3 740 0,2 – 6,7 0,1 – 0,2 Rotavirusc 0,01 – 0,05 3 806 – 6 476 0,2 – 2,1 0,006 – 0,06 Virus de l’hépatite Ad 0,7 – 1,18 428 – 857 < 0,17 – 2,8 0,5

Virus Coxsackie B5a,b,d,f 1,7 – 12 550 n.d. n.d.

Adénovirus 40e,f 0,02 – 2,4 360 0,25 0,027

n.d. = non disponible

a

Engelbrecht et coll. (1980); b Payment et coll. (1985); c Hoff (1986); d Sobsey et coll. (1988); e Thurston-Enriquez et coll., 2003a, 2005a, b); f Cromeans et coll., (2010)

La désinfection chimique peut entraîner la formation de sous-produits, dont certains présentent un risque pour la santé. Le chlore, le désinfectant utilisé le plus couramment, réagit avec la MON pour former des trihalométhanes (THM) et des acides haloacétiques (AHA), ainsi que d’autres composés organiques halogénés (Rook, 1976; Krasner et coll., 2006). Les systèmes qui utilisent la monochloramine et, dans une moindre mesure, ceux qui utilisent le chlore libre peuvent aussi former de la N-diméthylnitrosamine (NDMA). Du bromate peut se former dans les systèmes qui utilisent des solutions d’hypochlorite produites sur les lieux ou achetées dans le commerce (Santé Canada, 2016). L’utilisation de dioxyde de chlore et d’ozone peut aussi entraîner la formation de SPD inorganiques, comme le chlorite/chlorate et le bromate

respectivement. Il faut tenir compte de l’effet éventuel des SPD lorsqu’on choisit un désinfectant chimique, mais il est essentiel que les tentatives de diminution de la formation de sous-produits ne nuisent pas à l’efficacité de la désinfection. Cette condition est cruciale, car la certitude de

contracter une maladie humaine causée par une désinfection inefficace dépasse largement celle des effets indésirables sur la santé causés par l’exposition de l’eau potable à des SPD (Hrudey, 2017). Les recommandations appropriées offrent plus de renseignements à ce sujet (Santé Canada, 2006, 2008a, 2008 b, 2011, 2016).

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