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2. Arrestines : régulateurs de la signalisation et du trafic des RCPG

2.4. Désensibilisation des RCPG

2.4.1. Désensibilisation dépendante de la phosphorylation

La désensibilisation commence quelques secondes après l’activation du récepteur. La première étape correspond à la phosphorylation des boucles cytoplasmiques et de la queue C- ter par des kinases intracellulaires. Cette phosphorylation peut être effectuée par les kinases des RCPG (GRK) ou les protéines kinases dépendantes des seconds messagers (121).

Phosphorylation du récepteur par les kinases dépendantes des seconds messagers ou désensibilisation hétérologue

Les kinases dépendantes des seconds messagers, telles que PKA ou PKC, phosphorylent les RCPG au niveau de séquences consensus situées sur les boucles intracellulaires du récepteur

Figure 9. Cycle d’activation et désensibilisation d’un RCPG

Après activation par le ligand, le récepteur active rapidement les protéines G qui engagent différentes cascades de signalisation. La liaison du ligand déclenche aussi le recrutement des GRK et la phosphorylation du récepteur qui conduisent à la désensibilisation et à l’internalisation de celui-ci, suivies selon le récepteur, de son recyclage à la membrane ou de sa dégradation lysosomale. Adaptée de (120).

et sur son extrémité C-ter et empêchent l’activation des protéines G (121, 122). Contrairement aux GRK, les kinases dépendantes des seconds messagers ne font pas la discrimination entrerécepteurs occupés par un ligand ou non. Par conséquent, elles préviennent l’activité des récepteurs actifs et inactifs, d’où le terme de désensibilisation hétérologue. Des études montrent que le mécanisme de désensibilisation hétérologue ne nécessite pas le recrutement d’arrestine au récepteur pour permettre le découplage des protéines G (121).

Dans certains cas, la phosphorylation du récepteur par PKA ou PKC stimule un échange de couplage de la protéine G au niveau du récepteur. Par exemple, une fois activé le récepteur b2AR engage Gs qui active l’adenylate cyclase et PKA. En plus de conduire à la production de seconds messagers, PKA phosphoryle le récepteur (123) ce qui altère le couplage Gs et promeut le couplage Gi, désensibilisant ainsi la signalisation Gs (124-127).

Phosphorylation du récepteur par les GRK ou désensibilisation homologue

La famille des GRK est composée de sept membres (128). GRK1 et 7 sont exprimées uniquement dans le système visuel. GRK2, 3, 5 et 6 sont exprimées de manière ubiquitaire. GRK4 est exprimée uniquement dans les testicules. GRK2 et 3 possèdent un domaine de liaison à Gbg qui permet leur recrutement à la membrane plasmique après activation du récepteur et séparation des sous-unités Ga et Gbg (129). GRK1, 4, 6 et 7 sont adressées à la membrane par modifications post-transcriptionnelles (GRK1: farnésylation, GRK4/6: palmitoylation, GRK7: geranylgeranylation) et GRK5 par interaction entre des résidus négativement chargés de son domaine C-ter et des phospholipides (130).

Contrairement aux kinases dépendantes des seconds messagers, les GRK phosphorylent de manière spécifique les récepteurs activés par leur ligand : c’est la désensibilisation homologue (121). Tout comme PKA et PKC, les GRK phosphorylent le récepteur sur des résidus sérine ou thréonine des boucles intracellulaires et de l’extrémité C-ter. En revanche, la phosphorylation du récepteur par les GRK a peu d’effet sur le couplage récepteur/protéine G en l’absence d’arrestine. Plus précisément, la phosphorylation par les GRK permet l’augmentation de l’affinité d’arrestine pour le récepteur activé et le recrutement d’arrestine provoque alors le découplage par effet stérique.

Importance de la phosphorylation des RCPG pour l’interaction avec arrestine

Les RCPG fonctionnent comme des protéines d’échafaudage dynamiques dont le spectre de protéines d’interaction est influencé à la fois par des changements conformationnels et par des modifications post-transcriptionnelles. Dans le cas de l’interaction avec arrestine, la phosphorylation du récepteur joue un rôle central.

Dans le système visuel, la relation de cause à effet entre la phosphorylation et l’interaction du récepteur avec arrestine est évidente. En effet, des études in vitro montrent que la phosphorylation de résidus Ser/Thr bien définis sur la queue C-ter du récepteur rhodopsine augmente par dix fois l’affinité d’arrestine pour le récepteur activé par la lumière (131-133). En revanche, pour les arrestines non visuelles (b-arrestine-1/2), la phosphorylation du récepteur n’augmente pas de manière aussi drastique l’affinité d’arrestine pour ce dernier. En général, l’affinité de b-arrestine-1/2 pour le récepteur activé phosphorylé, plutôt que pour sa forme inactive, est seulement 2 à 3 fois plus élevée (134). Donc, malgré une conservation des principales caractéristiques du modèle liaison des arrestines visuelles et non visuelles au récepteur, le niveau de sélectivité fonctionnelle n’est pas conservé.

Contrairement à arrestine-1et arrestine-4, b-arrestine-1 et b-arrestine-2, sont amenées à interagir avec 600 à 800 récepteurs différents qui présentent une homologie de séquence faible au niveau de leurs domaines intracellulaires. De plus, les patrons de phosphorylation peuvent grandement varier d’un récepteur à l’autre, avec des sites de phosphorylation principalement situés au niveau de l’extrémité C-ter et la boucle i3, et occasionnellement sur les boucles i1 et i2 (135). Enfin, ces évènements de phosphorylation sont médiés par différentes kinases. Cette hétérogénéité résulte en toute une gamme d’affinité des b-arrestines pour les RCPG activés et phosphorylés (135). Cela a conduit à la séparation des récepteurs en deux classes distinctes : les récepteurs de classe A, tel que le récepteur V2R, présentent une forte affinité pour b-arrestine qui permet le maintien du complexe lors de l’internalisation, alors que les récepteurs de classe B, tel que le récepteur b2AR, ont une affinité plus faible qui entraîne une dissociation plus rapide du complexe arrestine/récepteur (136).

Finalement, pour certains récepteurs, la phosphorylation n’est pas un critère essentiel pour l’interaction avec b-arrestine. C’est le cas des récepteurs à la susbstance P (136), lutropine (137), leukotriene B4 (138), orexine-1 (139) et PAR-2 (140) où les formes mutantes non phosphorylables ne perdent pas leur capacité d’interaction avec arrestine. Dans le cas de ces récepteurs, il a été émis l‘hypothèse que chaque interaction entre le récepteur et arrestine est, prise individuellement, de faible affinité mais que la somme de ces interactions est suffisante pour permettre la formation du complexe, même en l’absence de phosphorylation (109). De plus, pour certains de ces récepteurs, la présence de résidus chargés négativement au niveau de la queue C-ter pourrait agir comme un phosphomimétique (141). Par exemple, un résidu Asp sur la boucle i3 du récepteur à la lutropine interagit avec le senseur phosphate de b-arrestine et participe à la désensibilisation et l’internalisation indépendante de la phosphorylation du récepteur (137).

Spécificité d’action des différentes kinases

De par les différentes kinases, mais aussi les différents sites de phosphorylation, la liaison des arrestines aux RCPG se doit de présenter une grande flexibilité, laissant supposer que c’est le nombre de charges négatives dans certains domaines intracellulaires du récepteur qui importe, plus que la position exacte de ces sites de phosphorylation (109). Il apparaît que la liaison d’arrestine requiert un minimum de deux évènements de phosphorylation à proximité (142).

Toutefois, toutes les kinases qui phosphorylent les RCPG n’ont pas le même effet fonctionnel. Par exemple, la phosphorylation du récepteur b2AR par PKA/PKC au niveau de la boucle i3 ou par PKA au niveau de l’extrémité C-ter n’induit pas le recrutement de b-arrestine alors que la phosphorylation du C-ter de b2AR par GRK2 augmente fortement son affinité pour le récepteur (132). En revanche, les phosphorylations par PKA/PKC et par GRK conduisent toutes deux à la désensibilisation du récepteur, mais à l’aide de mécanismes distincts (143, 144).