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Afin de poursuivre l’approche globale à laquelle nous accordons tant d’importance, ce que nous considérons comme notre « étude de cas unique » est l’ensemble constitué par l’enfant dont nous étudierons la perspective, Ema14, et le contexte dans lequel celle-ci évolue au moment de nos observations lors des séances de logopédie qu’elle suit. Ainsi, nous désignerons notre cas sous l’appellation générale d’« Ema en séance de logopédie » et dans ce qui suit, nous allons présenter pour quelles raisons et par quels moyens nous avons

choisi de nous baser sur cette situation pour répondre à nos questions de recherche.

Au cours de la réalisation d’une partie de ce travail, nous étions, en tant qu’étudiantes en dernière année de Master, stagiaires dans un cabinet de logopédie indépendant où nous étions encadrées par deux logopédistes diplômées. Pour des raisons pratiques, et au vu des ressources temporelles et relationnelles à disposition, c’est donc dans ce contexte-là que nous avons choisi d’ancrer notre recherche. Comme souligné par Mukherji et Albon (2010), nous sommes conscientes que ce type d’échantillonnage, qu’ils appellent non- probability-sampling, qui consiste à choisir un sujet de recherche par opportunité, n'est que très peu représentatif d'une population donnée. Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut, les études de cas n’ont pas pour but d’être généralisées à une population plus large et c’est pourquoi elles ne doivent pas, de toute manière, constituer un échantillon représentatif d’une certaine population (Mukherji & Albon, 2010). Tout autrement, selon Flick (2014) « le cas se représente lui-même » (p. 177, notre traduction) et c’est pourquoi il propose de le considérer plutôt en fonction de sa pertinence par rapport à l’objet de recherche. Pour les besoins de notre étude, nous pouvons alors considérer notre cas comme représentant à la fois un contexte institutionnel spécifique, à savoir la pratique de la logopédie par une logopédiste indépendante dans un cabinet de Suisse romande, un contexte d’activité spécifique, c’est-à-dire la manière dont sont organisées les séances de logopédie et ce qui s’y passe, ainsi qu’un rôle spécifique, soit celui d’Ema, une patiente tout- venante âgée entre 3;8 et 3;10 ans au moment de nos rencontres et suivie en logopédie pour des difficultés de langage oral.

Ema, l’enfant

Ema nous a été présentée par l’une des logopédistes chez qui elle était suivie en thérapie et chez qui nous effectuions notre stage de fin d’études. Née le 9 septembre 2014 dans une famille d’origine suisse et francophone, elle est la cadette d’une fratrie de deux enfants. Selon la maman, c’est une petite fille tranquille qui s’est

toujours très peu exprimée verbalement, préférant largement jouer seule qu’avec son frère.

Ema a été rencontrée une première fois par la logopédiste en novembre 2016. Sa mère exprimait des inquiétudes quant au développement langagier de sa fille, qui venait tout juste de dire ses premiers mots et qui n’avait pas encore commencé à en assembler plusieurs, alors qu’en ce qui concerne d’autres aspects de son développement, aucune préoccupation particulière n’était soulevée. Puisque la famille prévoyait de partir plusieurs mois à l’étranger, aucune thérapie n’a été organisée à ce moment-là, mais la logopédiste a donné à la famille des conseils pour essayer de stimuler l’entrée dans le langage d’Ema. En août 2017, constatant que le langage de sa fille était encore peu intelligible, la maman a repris contact avec la logopédiste. Celle-ci a alors décidé de suivre de près l’évolution d’Ema en effectuant un bilan sous forme de contrôles réguliers. Au cours de ce bilan qui a duré plusieurs mois, Ema a été perçue par la logopédiste comme une fillette calme et discrète, entrant facilement dans les différents jeux et activités proposés. Alors qu’elle s’était montrée au départ très silencieuse, ne prononçant que quelques mots à voix basse, elle a, au fil des séances, réussi à s’ouvrir et se montrer de plus en plus bavarde. Au niveau du langage, les difficultés d’Ema se situaient avant tout au niveau phonétique et phonologique. L’articulation et la parole d’Ema étaient transformées par de nombreux processus la rendant peu compréhensible pour son entourage. Notamment, elle n’avait pas encore acquis les phonèmes [∫] et [j], dévoisait [g] [b] [v] et [z], substituait des phonèmes à d’autres de manière non systématique (ex. [pafo] pour chapeau, [pafé] pour café, …) et simplifiait des groupes consonantiques (ex. [fit] pour frites, [m

ɔ̃

t] pour montre, …). Au vu de ces difficultés langagières importantes, un suivi logopédique régulier a été mis en place à partir de mars 2018. En mai 2018, lorsque nous l’avons rencontrée pour les besoins de notre étude, Ema était âgée de 3;8 ans. L’objectif principal de la prise en charge logopédique correspondait alors à la demande des parents et poursuivait l’objectif qu’Ema s’exprime davantage et avec plus

d’intelligibilité. A ce moment-là, elle se trouvait, selon la logopédiste, en pleine évolution et était très preneuse des activités proposées.

Le cabinet de logopédie, le contexte

Comme brièvement mentionné plus haut, la prise en charge d’Ema se déroule sous la responsabilité d’une logopédiste diplômée, dans le contexte institutionnel d’un cabinet privé de Suisse romande15. Une fois par semaine, elle se rend sur place accompagnée d’une ou plusieurs personnes de son entourage (mère et/ou grand-mère), afin de bénéficier d’une heure de thérapie individuelle en compagnie de ladite logopédiste.

Le cabinet en question accueille des enfants en âge préscolaire, ainsi que des enfants en âge scolaire souffrant de troubles langagiers considérés comme graves (retard de langage, trouble de la parole, dysphasie, déficience intellectuelle, difficulté d'apprentissage du langage écrit, ...). Les locaux sont partagés par plusieurs logopédistes qui se répartissent le loyer, les frais et certaines tâches administratives et ménagères. Une charte commune stipule toutefois qu’au niveau professionnel, chacune d’entre elles est libre de pratiquer comme elle le souhaite. Aussi, le travail de la logopédiste qui suit Ema s’effectue en indépendant, dans un espace personnel où elle accueille ses propres patients et patientes.