• Aucun résultat trouvé

Dépression : un programme d’activité physique apporterait des bénéfices équivalents à ceux des

traitements médicamenteux ou de psychothérapie

La dépression est la maladie qui provoque le plus d’invalidité dans le monde. Le diagnostic est complexe à établir en pratique clinique comme en recherche et peut varier selon les outils uti- lisés (auto-questionnaire, guide d’entretien, entretien), la clas- sification utilisée (CIM-10 versus DSM-IV). Les troubles dépres- sifs sont sous-diagnostiqués, notamment chez les personnes âgées, les travailleurs surmenés, les jeunes mères et chez les patients souffrant d’une maladie chronique.

La prévalence des troubles dépressifs concerne trois millions de personnes en France avec deux fois plus de femmes que d’hommes. La distinction entre les formes modérées et sévères, entre les formes épisodiques et chroniques est parfois difficile. Elle explique en partie l’hétérogénéité des prévalences obtenues dans les études.

En France, l’usage de médicaments antidépresseurs est très important, souvent banalisé et utilisé comme seul recours. Il concerne 5 millions de personnes et 2,5 millions pour un épi- sode dépressif majeur.

Un trouble dépressif augmente le risque d’adopter un mode de vie sédentaire et de diminuer le niveau d’activité physique 75

hebdomadaire. Plus la symptomatologie dépressive évaluée avec le Beck Depression Inventory est sévère chez les patients souffrant d’un épisode dépressif majeur et plus leur inactivité physique est importante. Cette association est aussi observée chez des patients ayant un trouble dépressif secondaire évalué par le Composite International Diagnostic Interview à une maladie d’ori- gine organique comme l’infarctus du myocarde.

Certaines études montrent que l’inactivité physique conduit à une majoration des symptômes dépressifs.

Concernant les effets des programmes d’activité physique adaptée, plusieurs méta-analyses montrent des effets modérés à élevés sur les symptômes dépressifs. L’effet thérapeutique de pro- grammes d’activité physique adaptée sur les troubles dépressifs est également observé chez des personnes âgées et des personnes atteintes de maladies chroniques (patients atteints d’obésité, de certaines pathologies cardiaques, patientes traitées pour un cancer du sein ou patients ayant une bronchopneumopathie chronique obstructive).

La plupart des études disponibles ont à ce jour évalué l’activité physique comme un complément d’autres thérapies, en particu- lier les médicaments antidépresseurs. Des essais randomisés contrôlés testent l’efficacité de programmes d’activité physique adaptée en tant qu’alternative et constatent une équivalence de bénéfices entre programme d’activité physique et médicament antidépresseur chez les patients ayant un trouble dépressif. Après le traitement d’un épisode dépressif, une pratique phy- sique régulière d’activité physique contribuerait à prévenir les récidives d’épisode dépressif.

Effets bénéfiques d’un programme d’activité physique adaptée sur la dépression

Niveau de preuve Effets bénéfiques

A Amélioration d’un trouble dépressif

Amélioration de la symptomatologie anxio-dépressive consécutive à une autre maladie chronique

B Baisse de récidive d’un épisode dépressif C Baisse des tentatives de suicide

Baisse des suicides

Les effets antidépresseurs de l’activité physique relèvent à la fois de mécanismes biologiques et de processus psychosociaux. Aucun auteur n’a proposé de modèle intégré exhaustif à ce jour pour expliquer ces mécanismes. Différentes explications sont proposées :

• meilleur apport d’oxygène au système nerveux central (modèles physiologiques) ;

• influence sur la libération de cortisol et de sérotonine, sti- mulation des voies d’endorphine et facilitation du circuit de la récompense, facilitation de la neurogenèse dans l’hippocampe (modèles neurobiologiques) ;

• amélioration des fonctions exécutives : planification, coordi- nation, focalisation, et apprentissage (modèles neuropsycholo- giques) et modification des niveaux de conscience, notamment du corps (body awareness) ;

• augmentation de la distraction, diminution des biais percep- tifs/interprétatifs et diversion des pensées négatives (modèles cognitivistes) ;

• amélioration de l’efficacité personnelle, de la valeur physique perçue, de l’estime de soi et de la participation sociale (modèles psychosociologiques).

Enfin, l’effet placebo ne peut pas être totalement exclu. Différentes sociétés savantes ont émis des recommandations : • un programme d’activité physique chez les personnes touchées par des symptômes sub-syndromiques persistants ou une dépres- sion modérée, encadrées par des professionnels compétents et 77

comportant 3 séances par semaine de 45 à 60 minutes sur une durée de 10 à 14 semaines (National Institute for Health and Cli- nical Excellence, Royaume-Uni) ;

• une activité physique basée sur l’expérience vécue pour amé- liorer le bien-être et diminuer les symptômes dépressifs (National Clinical Practice Guideline, Allemagne) ;

• un programme d’activité physique adaptée en première intention, soit en thérapie unique pour des adultes touchés par un trouble dépressif de sévérité légère à modérée, soit en thérapeutique complé- mentaire aux traitements conventionnels pour les adultes souffrant d’un trouble dépressif modéré ou d’un épisode dépressif majeur (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatment, Canada). De façon globale, une tendance se dégage de la littérature en faveur de programmes d’activité physique adaptée comportant un minimum de 3 séances de 30 minutes par semaine avec des pratiques physiques mixtes (aérobie et résistance) supervisées et ceci durant 3 mois.

La prescription de programme en activité physique adaptée comme le prévoit la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé français, en traitement exclusif ou associé d’un trouble dépressif, va nécessiter des solutions incitatives pour les patients (aide pour les transports, outils numériques enga- geant...) ainsi qu’une sensibilisation et formation des médecins et professionnels à l’activité physique adaptée.

Enfin, si le bénéfice thérapeutique de programmes en activité physique adaptée chez des adultes ayant un trouble dépressif est similaire à celui d’autres thérapeutiques reconnues comme les médicaments antidépresseurs et les psychothérapies en termes de réduction des symptômes, des études d’implémentations sont nécessaires pour affiner les modalités de la prescription de ces programmes. Elles permettraient de mieux préciser les effets de l’activité physique en fonction du type de trouble dépressif, des modalités d’intervention, du type de patient (âge, pathologies associées), de distinguer les effets des différentes thérapies asso- ciées à l’activité physique et de suivre les effets à moyen terme. 78

Documents relatifs