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un manque de maîtrise des dépenses de soins de ville et un ralentissement encore insuffisant des dépenses des établissements de santé.

A - Un objectif respecté grâce à de fortes mesures de régulation et à une présentation opportuniste

des dépenses exécutées

1 - Un montant global de dépenses conforme à l’objectif révisé, mais des écarts importants par sous-objectifs

À fin juin 2016, l’ONDAM 2015 constaté s’établit provisoirement à 181,8 Md€, soit un montant très légèrement inférieur (à hauteur de 84 M€) à l’objectif révisé par la partie rectificative 2015 de la LFSS pour 2016.

69 Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie est composé du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, du directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques et d’une personnalité qualifiée. Il a pour mission d’alerter le Parlement en cas « d’évolution des dépenses d’assurance maladie incompatible avec le respect de l’objectif national voté par le Parlement ».

Les dépenses d’assurance maladie comprises dans le champ de l’ONDAM ont ainsi progressé de +3,7 Md€, soit +2,04 %70 (contre +2,4 % en 2014). Le montant de sa sous-exécution est le plus faible de ces six dernières années. À ce stade, il revêt un caractère encore provisoire et est susceptible de changer de montant, voire de sens, à la suite du dénouement définitif des provisions enregistrées à la clôture des comptes 2015.

Tableau n° 31 : écart des dépenses constatées par rapport à l’objectif de dépenses de l’ONDAM (2010-2015)

En Md€

2010 2011 2012 2013 2014 2015 ONDAM voté 162,4 167,1 171,1 175,4 178,3 181,9 ONDAM exécuté 161,8 166,3 170,0 173,7 177,9 181,8 Écart par rapport à

l’objectif 0,6 0,8 1,1 1,7 0,4 0,1

Source : Cour des comptes. Note de lecture : l’ONDAM voté 2015 correspond au montant rectifié dans la LFSS 2016 et l’ONDAM exécuté 2015 revêt un caractère provisoire.

Dans un contexte de faible progression du PIB en valeur, la part des dépenses d’assurance maladie dans le PIB s’est légèrement accrue, passant de 8,31 % en 2014 à 8,34 % en 2015 (contre 7,7 % en 2008).

Graphique n° 4 : évolution de l’ONDAM exécuté, du PIB et de l’inflation entre 2010 et 2015 (base 100 en 2010)

Source : Cour des comptes.

70 Le rapport de la commission aux comptes de la sécurité sociale indique un taux de progression de l’ONDAM 2015 de +2,0 % par rapport à 2014. Les documents les plus récents transmis à la Cour font apparaître plus précisément une progression de +2,04 %. Cette estimation tient compte d’une réévaluation du montant des dépenses relatives aux transfrontaliers travaillant en Suisse intégrées au périmètre de l’ONDAM en 2014 et 2015. Sans cette révision que la Cour n’a pu auditer, les estimations antérieures faisaient apparaître un taux de progression de +2,06 %, qui aurait alors été arrondi à +2,1 %.

100,00 102,00 104,00 106,00 108,00 110,00 112,00 114,00

2010 2011 2012 2013 2014 2015

ONDAM exécuté PIB (valeur) Inflation

Contrairement à l’ensemble des autres sous-objectifs, celui des soins de ville a connu un dépassement par rapport à la prévision de la LFSS pour 2016 (à hauteur de 241 M€). Ce dépassement, qui pouvait être anticipé dès l’automne 2015, est d’autant plus élevé que le montant prévisionnel des dépenses de soins de ville a été réduit par la LFSS pour 2016 (voir supra). Il a été compensé par des sous-exécutions sur l’ensemble des autres sous-objectifs, notamment ceux relatifs aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux (à hauteur de 160 M€ et de 113 M€ respectivement).

Tableau n° 32 : comparaison de la réalisation en 2015 des sous-objectifs de l’ONDAM par rapport aux prévisions

En M€

2 - Des mesures de régulation d’ampleur comparable à 2014, mais davantage diversifiées

Le respect de l’ONDAM révisé a été assuré par la mise en œuvre de mesures infra-annuelles de régulation des dépenses. Ces mesures ont pris la forme de mises en réserve, puis de gels de dotations, ultérieurement confirmés. Elles ont visé l’ensemble des sous-objectifs de l’ONDAM, à l’exception - faute d’outil adéquat - des soins de ville, notamment les dotations aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux. Leur ampleur a été du même ordre qu’en 2014 (736 M€ contre 761 M€). Sur le seul périmètre des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, le montant des dotations définitivement supprimées (653 M€) dépasse cependant celui de 2014 (591 M€).

Tableau n° 33 : répartition de la régulation réalisée sur l’ONDAM mobilisant l’ensemble des instruments disponibles. Dès le début de 2015, 0,3 % des montants prévisionnels de l’ONDAM avaient en effet été mis en réserve, soit 547 M€. Par rapport à 2014, le périmètre des mises en réserve a été étendu aux dotations aux établissements médico-sociaux et aux autres prises en charge.

En septembre 2015, à la suite des arbitrages sur la LFSS pour 2016 qui a réparti les efforts requis par le programme de stabilité entre sous-objectifs de l’ONDAM, des mises en réserve supplémentaires (« surgels ») ont été décidées pour un montant de 250 M€, portant le montant total des mises en réserve à 797 M€, dont 425 M€ devaient être définitivement annulées.

Ensuite, en fin d’année 2015, en prévision du dépassement des dépenses de soins de ville par rapport à la prévision, 313 M€ des mises en réserve restantes n’ont pas été dégelées. Au total, sur un montant global de 797 M€ mis en réserve en cours d’année, ce sont 736 M€ (soit 92 %) qui n’ont pas été dégelés ou délégués. Par ailleurs, une grande partie (47 %) de ces annulations a été retirée de la base de construction des sous-objectifs de l’ONDAM 2016 dans le cadre de la LFSS pour 2016.

Graphique n° 5 : évolution des mises en réserve, des gels et des montants prélevés de la base de l’ONDAM (2014-2015)

Source : Cour des comptes.

a) Des efforts portant sur tous les types d’établissements de santé et l’ensemble de leurs modalités de financement

Sur le seul périmètre des établissements de santé, sur un montant total de plus de 600 M€ de gels et de « surgels » réalisés en début et en cours d’année, seuls 100 M€ de coefficient prudentiel et 50 M€ de dotations (MIGAC et DAF) ont été dégelés.

Contrairement aux années précédentes, le coefficient prudentiel (150 M€), c’est-à-dire la part de l’augmentation des tarifs mise en réserve en début d’année, n’a en effet pas été entièrement dégelé. Pour la première fois en 2015, la réduction définitive des tarifs (à hauteur de 0,35 %, soit un montant de 50 M€) a concerné l’ensemble des établissements, à travers la réduction des tarifs des établissements psychiatriques et de soins de suite et de réadaptation du secteur privé, à même proportion que les établissements des secteurs public et privé non lucratif.

-100

Etablissements de santé et FMESPP ESMS FIR Autres

Par ailleurs, 150 M€ supplémentaires de dotations mises en réserve n’ont pas été délégués, portant notamment sur celles relatives aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) et les dotations annuelles de fonctionnement (DAF) des établissements non tarifés à l’activité, enveloppes ayant déjà fait l’objet de gels et « surgels » définitifs dans le cadre du programme de stabilité.

Tableau n° 34 : répartition des efforts ayant pesé sur les établissements de santé en 2015 par type d’enveloppes

ODMCO

b) Une réduction de l’ONDAM médico-social compensée partiellement par des prélèvements sur les réserves de la CNSA

De même, pour les dotations aux établissements médico-sociaux, en sus des 85 M€ de gels et « surgels », ultérieurement non délégués, au titre du programme de stabilité, 113 M€ supplémentaires n’ont pas été délégués en fin d’année, compte tenu du dépassement prévisible de l’enveloppe prévisionnelle de dépenses de soins de ville. Le montant des dotations non déléguées a ainsi été porté à 198 M€ (après mesures de fongibilité), soit la totalité du gel et des « surgels ».

Comme en 2014, cette réduction de l’« ONDAM médico-social » a eu pour contrepartie une baisse de l’objectif global de dépenses (OGD)71. Contrairement à 2014, cette baisse a été partiellement compensée par des prélèvements supplémentaires sur les réserves de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à hauteur de 48 M€, ce qui a porté à 158 M€72 le montant total de ces prélèvements.

71 L’objectif global de dépenses (OGD) recouvre l’ensemble des dépenses correspondant à des concours aux établissements médico-sociaux financées par l’ONDAM médico-social et par les apports de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sur ses ressources propres (contributions sociales).

72 110 M€ de prélèvements sur les réserves de la CNSA avaient été prévus dès la construction de l’OGD 2015.

Tableau n° 35 : réduction de l’ONDAM médico-social générale de la cohésion sociale et de la CNSA.

Les dotations non attribuées ont notamment porté sur la création de nouvelles places d’accueil (137 M€ de dotations au lieu de 237 M€

prévues). Les dotations ayant pour objet la médicalisation des places existantes n’ont en revanche pas été affectées.

3 - Un objectif qui n’a été respecté que grâce à une réévaluation opportuniste à la baisse des dépenses couvertes par des provisions

Pour la première fois73, dès juin 2016, la direction de la sécurité sociale a révisé - à la baisse, à hauteur de 100 M€ -, l’estimation des dépenses couvertes par les provisions comptabilisées par les régimes d’assurance maladie à peine quelques mois plus tôt à la clôture de leurs comptes 2015 (en mars 2016). Elle s’est fondée à cet effet sur les seules données de remboursements des quatre premiers mois de l’année 2016.

Cette opération inédite a elle-même fait suite à une réestimation à la baisse par le CEPS des produits à recevoir liés aux remises sur médicaments par rapport à ceux comptabilisés par l’assurance maladie.

De fait, les produits comptables liés aux remises, qui viennent en réduction des dépenses constatées au titre de l’ONDAM, étaient apparus surévalués à hauteur de 70 M€74.

73Avant 2016, le montant provisoire des dépenses au titre de l’ONDAM exécuté de l’année N, tel que constaté dans le cadre du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin de l’année N+1, correspondait à l’ensemble des charges comptabilisées par les régimes d’assurance maladie au titre de l’exercice N, y compris les provisions telles que constituées par eux. Le montant définitif des dépenses n’est constaté qu’en année N+2 à la suite du dénouement des provisions comptabilisées au titre de l’année N, c’est-à-dire de la constatation d’un écart éventuel entre le montant estimatif des dépenses provisionnées (au titre des actes et prestations réalisés et non encore facturés en fin d’année N) et le montant réel des dépenses que les provisions ont pour objet de couvrir.

74 Dont 48 M€ au titre de 2015 et 22 M€ imputés à 2014.

Si les dépenses couvertes par des provisions n’avaient elles aussi pas été dans le même temps réajustées à la baisse, le montant total des dépenses de l’ONDAM aurait légèrement dépassé (à hauteur de 16 M€75) l’objectif révisé par la LFSS pour 2016, compte tenu du montant de la sous-exécution de l’ONDAM constatée au titre de 2015 (soit 84 M€).

Ce changement qui apparaît ainsi comme opportuniste dans la constatation provisoire des dépenses de l’ONDAM interroge fortement.

Les évolutions de postes aux dynamiques erratiques ne permettent pas d’écarter des mouvements en sens inverse dans le cadre du constat définitif des dépenses effectives de 2015 (s’agissant par exemple des médicaments contre l’hépatite C ou du rendement de l’écart de rétrocession indemnisable des établissements76). Si de telles évolutions devaient être finalement constatées, elles pourraient se traduire in fine, le cas échéant, par une absence de respect de l’ONDAM.

Les problèmes de pilotage associés aux prévisions d’exécution de l’ONDAM

Après une année 2014 marquée par des facturations tardives de traitements contre l’hépatite C, plusieurs difficultés77 ont de nouveau fragilisé le suivi statistique et les prévisions d’exécution de l’ONDAM. À la fin de l’année 2015, une accélération des dépenses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et du régime social des indépendants (RSI) a ainsi suscité une révision à la hausse de la prévision de dépense, qui a conduit à majorer (à hauteur de 313 M€) le montant des annulations imputées en décembre 2015 sur les établissements de santé et médico-sociaux.

Ces difficultés invitent, comme y appelle la direction du budget, à améliorer la robustesse des méthodes de prévision en temps réel des dépenses par les caisses d’assurance maladie et l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). La CNAMTS s’est engagée en 2016 à travailler dans cette voie avec la MSA et le RSI, qui ont progressé en 2015 dans la mise en œuvre d’un suivi en dates de soins, et à mettre en place un suivi complémentaire sur la base des données de remboursement issues du système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM).

75 Soit l’écart entre la réévaluation à la baisse des provisions (100 M€) et le montant de la sous-exécution 2015 (84 M€).

76 Introduit par l’article 66 de la LFSS pour 2015, ce mécanisme vise à intéresser les établissements à la rétrocession en ville de médicaments à des tarifs moins onéreux, lorsqu’ils les ont eux-mêmes obtenus à des tarifs inférieurs aux tarifs officiels.

77 Impacts résiduels de la grève de télétransmission des médecins généralistes en janvier 2015, remontées tardives de facturation (traitements contre l’hépatite C, actes et consultations externes des professions libéraux), prévisions de dépenses des régimes ne participant au suivi statistique de l’ONDAM (5,5 Md€).

B - Des dépenses toujours très dynamiques