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Chapitre II : Réalisation et caractérisations physico-chimiques des

II.4 Physico-chimie de surface

II.4.2 Dépôts de métaux sur graphène/H-Si(001)

II.4.2.1 Réactivité à l’interface

Nous avons réalisé le dépôt de fer et d’or sur les empilements graphène/H-Si(001). Pour les dépôts d’or, nous n’avons pas détecté de formation de composés à base d’Au : cet élément semble rester pur. En revanche, nous avons observé une réaction du fer avec son environnement. Le système Fe/graphène/Si étudié ici étant destiné à des expériences de spintronique, il est primordial de connaître les propriétés chimiques de l’électrode ferromagnétique. Le Fe est un élément qui interagit avec l’oxygène du fait de son caractère réducteur. La réaction du fer avec les espèces chimiques en surface telles que les résidus de PMMA ou encore avec le graphène peut modifier les propriétés magnétiques du fer et donc cela peut impacter les propriétés de polarisation en spin à l’interface Fe/graphène.

2 Durant le processus de photoémission, la conservation de l’impulsion du système conduit à un recul de l’atome émetteur. L’atome émetteur acquiert, de ce fait, une énergie nommée énergie de recul. Une description détaillée de la détermination de l’énergie de recul est donnée en annexe.

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Nous avons ici étudié la réactivité du Fe avec la structure graphène/silicium par photoémission. Contrairement au niveau de cœur Si 2p et C 1s présentés précédemment le spectre du niveau de cœur Fe 2p possède une structure trop complexe pour être ajusté par une fonction analytique. Cette complexité est associée au fait que le fer sous forme métallique possède des électrons d au niveau de Fermi. Nous avons choisi dans le présent travail d’étudier la réactivité du fer en déconvoluant les spectres du niveau de cœur Fe 2p avec des spectres de référence : du Fe métallique et des oxydes de fer FeO et Fe2O3. La ligne de base des spectres a été déterminée à partir de la méthode de Shirley [157]. Les spectres de référence du Fe métallique et de ces oxydes sont présentés sur la Figure II-12(a). Le Fe 2p est la somme de deux composantes (Fe 2p3/2 et Fe 2p1/2) séparées de 13 eV. Les composantes Fe 2p associées aux oxydes de fer FeO et Fe2O3 se trouvent respectivement à 2,8 et 4,0 eV vers les faibles énergies cinétiques (fortes énergies de liaisons) de la composante métallique. L’ensemble des spectres expérimentaux (références et mesures) ont été réalisées avec la raie d’excitation AlK , car les électrons Auger KLL de l’oxygène se trouvent à une énergie proche des photoélectrons du Fe 2p lors de l’utilisation de la raie MgK rendant l’analyse du spectre beaucoup plus complexe. La Figure II-12.(b) donne l’évolution du spectre de photoémission du niveau de cœur Fe 2p en fonction du recouvrement de fer sur un empilement graphène/H-Si(001). Les mesures présentées correspondent à des épaisseurs de Fe allant de 0,4 à 6 MonoCouches (MC) à la densité de Fe(111), i.e. une monocouche de Fe déposée correspond ici à une quantité de Fe équivalente à celle d’une monocouche de Fe orientée suivant la direction [111]. A forte épaisseur (6 MC), le spectre expérimental est parfaitement ajusté par une seule composante associée au Fe métallique. A plus faible épaisseur, la composante métallique reste dominante mais il apparaît un élargissement asymétrique vers les plus faibles énergies cinétiques indiquant la présence de Fe non métallique. Afin d’obtenir une déconvolution acceptable, nous avons dû ajouter une composante associée au FeO. Pour le premier stade de croissance (0,4 MC), la composante FeO est particulièrement intense puisqu’elle représente près de 30 % du signal total. L’intensité relative du FeO décroît continument lorsque le recouvrement du Fe augmente.

Plusieurs sources d’oxygène pourraient expliquer l’oxydation du fer. L’oxygène peut provenir de l’atmosphère résiduelle de la chambre de dépôt ou de molécules adsorbées en surface du feuillet de graphène. Une contamination du film de Fe induit par la présence d’oxygène dans le bâti de dépôt est hautement improbable car les dépôts sont réalisés sous UHV (P 5.10-10 mbar). Des dépôts de fer sur des surfaces de GaAs réalisés dans les mêmes conditions de vide et avec la même cellule d’évaporation ne donnent aucune trace d’oxyde de fer. Il découle de ces observations que le fer s’oxyde dans les premiers stades de la croissance du film à cause de la présence d’oxygène qui se trouve initialement sur l’échantillon. Il est important de noter que la quantité de FeO à l’interface Fe/graphène reste relativement faible. Si l’on considère que le FeO forme une couche monoatomique, le FeO couvre seulement 10-20% de la surface de graphène.

A ce stade, nous pouvons nous poser la question suivante : estce que les métaux déposés diffusent à travers le graphène à température ambiante ? La diffusion de métaux à travers le graphène pourrait se traduire par la formation de liaisons entre les atomes du

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métal déposé et les atomes de silicium. Il est connu que le dépôt d’Au ou de Fe directement sur les surfaces de Si conduit à la formation d’alliages entre le métal et le Si qui sont détectables par la technique XPS [158,159]. Le Breton et al. [139] ont répondu à cette question dans le cas du Fe. Ils ont montré, sur la base d’analyse de la forme du spectre du niveau de cœur Fe 2p, que le graphène jouait le rôle de barrière à la diffusion. Le fer reste en surface du graphène. Dans le cas des dépôts d’Au, nous n’avons pas détecté à partir de nos analyses XPS la formation de liaison Au-Si comme cela peut être observé lors de la formation d’un contact Au/Si intime. Nous en concluons que le graphène constitue également une barrière à la diffusion d’Au sur les surfaces graphène/H-Si.

Figure II-12 Référence des spectres de photoémission du niveau de cœur Fe 2p pour du Fer métallique, du FeO et du Fe2O3 (a) et spectre de photoémission du Fe 2p pour différentes épaisseurs déposées sur un feuillet de graphène transféré sur un substrat de silicium (b). Mesures réalisées à partir d’une raie excitatrice AlK (1486,6 eV) et en émission des photoélectrons normale à la surface et à température ambiante. Les courbes de références sont tirées des travaux de thèse de P.Catrou [95]. Les épaisseurs de fer sont données en monocouches (MC) et correspondent à une densité surfacique d’atomes de fer déposés égale à la densité surfacique de Fe(111).

Pour terminer cette partie sur la réactivité chimique à l’interface métal/graphène, nous présentons sur la Figure II-13 les spectres de photoémission du niveau de cœur C 1s excité avec la raie Mgk et à température ambiante d’un empilement Fe(3 nm)/graphène/Silicium et Au(3 nm)/graphène/Silicium. Pour le dépôt d’Au, nous n’observons pas de différence notable entre le graphène avant (Figure II-10) et après dépôt. Cela nous permet d’avancer l’hypothèse que le graphène et l’Au ne réagissent pas et que les interactions entre ces deux solides sont faibles. La situation est tout autre dans le cas du Fe, où une composante à 1,4 eV

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du pic sp2 vers les basses énergies de liaison est observée. Cette composante est associée à la formation de carbure de fer [160] et se retrouve dans des proportions plutôt élevées puisque son intensité relative par rapport à la composante sp2 du graphène est de 0,15. Ici, plusieurs sources de carbone peuvent être à l’origine de la formation de cet alliage puisqu’en plus du graphène, la PMMA contient des atomes de carbone. Toutefois, après les étapes de nettoyage, la PMMA est en quantité très limitée en surface et ne peut conduire à générer une quantité de carbure de fer aussi élevée. Le fer doit donc réagir, au moins en partie, avec le carbone du graphène. Nous proposons que l’apparition de cette composante supplémentaire dans le spectre du C 1s lors du dépôt de fer soit causée par la formation de liaisons covalentes d’interface entre le fer et les atomes de carbone du graphène.

Figure II-13 Spectre du niveau de cœur C 1s d'un feuillet de graphène transféré sur un substrat de silicium avant et après dépôt de 3 nm de Fe (courbe du haut) ou d'Au (courbe du bas). Mesures réalisées avec une raie excitatrice de MgK (1253,6 eV) en émission des photoélectrons normale à la surface à température ambiante. Pour une meilleure visibilité, les composantes associées à la PMMA ne sont pas représentées mais prises en compte dans la somme (courbe noire).

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