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La Skeleton Coast est une zone côtière désertique du Nord-Ouest de la Namibie (Fig. I.4.2, cadre 2, et I.4.15), caractérisée par un réseau de rivières éphémères, par une ceinture de dunes de 180 km appelée l’erg de la Skeleton Coast et par les épanchements de laves de l’Etendeka. Sur cette côte, les dépôts fluviatiles et marins cénozoïques sont abondants. Une partie de ces dépôts a été étudiée sur le terrain, et cartographiée au GPS différentiel, dans le but de déceler des indices de déformations tectoniques.

Figure I.4.15 – Situation de la Skeleton Coast et des principales localités et rivières.

4.4.1 Canyon de la rivière Uniab

Le canyon de l'Uniab est situé à l’embouchure de la rivière éphémère Uniab, au Sud de Terrace Bay sur la Skeleton Coast. Il est creusé dans des formations d’âge Tertiaire et Quaternaire, qui sont les formations suivantes (Krapf, 2003) :

- Red Canyon Fm (sédiments rouges d’âge Tertiaire)

- Whitecliff Fm (sédiments carbonatés cimentés d’âge Plio-Pléistocène) - Uniabmond Fm (sédiments non consolidés d’âge Pléistocène)

La formation du Red Canyon (Fig. I.4.16) se présente sous la forme de sédiments continentaux rouges, principalement d’origine fluviatile, et qui évoluent depuis des conglomérats riches en feldspaths à la base, à des grès fins et siltites riches en argiles au sommet (Krapf, 2003). Cette formation a une épaisseur maximale d’environ 60 mètres. Elle est affectée par une activité tectonique qui se traduit par un basculement des couches et par des failles normales. Le basculement, bien visible sur la figure I.4.16b, est de l’ordre de 20° vers le Nord-Ouest. Des structures de type graben sont visibles. Celle de la figure I.4.16c est un graben à remplissage synsédimentaire, large de 6 mètres et de direction N041 (Krapf, 2003). De larges bancs de grès peuvent être utilisés comme marqueurs et indiquent un déplacement de 3,5 mètres (Krapf, 2003). Les sédiments de la Whitecliff Formation sus-jacents ne sont pas affectés par ces structures faillées. L’âge de cette déformation est pré-Pliocène et probablement post-Paléogène (Krapf, 2003). Elle est

caractéristique d'un régime tectonique en extension selon des contraintes orientées NW-SE, et compatible avec une compression NE-SW.

Les sédiments de la Whitecliff Formation sont de couleur claire, indurés et composés de grès à ciment carbonaté et de conglomérats discordants sur la Red Canyon Formation (Fig. I.4.16b). L’épaisseur maximale de ces dépôts est de 23,5 mètres (Krapf, 2003). On y retrouve de nombreuses variétés de faciès continentaux et marins. Il existe notamment un niveau marin gréseux bien décrit, contenant des coquilles de bivalves Aulacomya (Miocène-Actuel, famille : Mytilacea, Cox et al., 1969) (Fig. I.4.17). Une analyse du sédiment a montré qu’il s’agissait d’un dépôt de plage. Ce niveau est actuellement situé à 8,20 mètres au dessus du niveau marin, et montre une inclinaison d’environ 35° vers l’Ouest, Sud-Ouest (Krapf, 2003). Il a donc subi une déformation de type basculement, mais il est difficile de pouvoir déduire un quelconque soulèvement à partir de son altitude, compte tenu de l’âge très approximatif donné par les coquilles de bivalves.

Figure I.4.16 – Le canyon de l'Uniab. a) Vue générale du canyon creusé dans la Formation du Red Canyon, b) conglomérats de la Whitecliff Formation reposant en discordance sur la Formation du Red Canyon, c)

graben à remplissage synsédimentaire dans la Formation du Red Canyon.

Figure I.4.17 – Niveau marin à coquilles de bivalves Aulacomya (Miocène-Actuel), dans la Formation de Whitecliff.

La formation d’Uniabmond est composée d’une accumulation de gros graviers et de sable d’une épaisseur maximale de 35 mètres. Cette formation présente une grande variété de faciès marins et continentaux, caractérisés par de nombreuses variations latérales et verticales. Des terrasses marines sont mises en évidence dans la région (Krapf, 2003). Leur altitude actuelle s’échelonne entre +2 et +6 mètres, et elles ont pu être corrélées avec d’autres complexes de terrasses au Sud de la Namibie (Sperrgebiet). Dans la formation d'Uniabmond, un niveau d’ancienne plage se situe à 4-5 mètres au dessus du niveau de la mer. Il pourrait correspondre au haut niveau marin du dernier interglaciaire (Krapf, 2003).

Dans cette succession Cénozoïque, différents indices de déformation sont donc observés. Ils se caractérisent par des basculements de séquences, et par des structures faillées, compatibles avec une déformation selon des contraintes compressives orientées NE-SW. Cette déformation a eu lieu en deux phases: la première au Miocène est responsable de la déformation en blocs faillés et basculés de la Formation du Red Canyon, la deuxième post-Miocène a entraîné le basculement du niveau de bivalves de la Whitecliff Formation. Ces déformations concordent donc chronologiquement avec les périodes de surrection du Miocène et du Pliocène suggérées dans la littérature. De nombreuses terrasses marines quaternaires ont été mises en évidence au dessus du niveau marin actuel (Krapf, 2003). Il serait intéressant de dater précisément ces terrasses, et de comparer leur altitude avec les paléo-niveaux marins, afin d'en déduire un taux de surrection éventuel. Nous avons dans cette optique, essayé de repérer pendant cette mission, d'autres terrasses marines plus élevées, pouvant faire l'objet de ce type d'étude pour des temps plus anciens.

4.4.2 Les surfaces de déflation : d’anciennes surfaces de plages ?

Les surfaces de déflation sont très fréquentes sur les régions côtières de la Skeleton Coast, et résultent de l’érosion éolienne. Ce sont des surfaces sur lesquelles les particules les plus fines et meubles sont enlevées par le vent. Ne subsistent alors que les graviers et blocs en surface (Fig. I.4.18). Sur la Skeleton Coast, ces graviers reposent sur des matériaux plus fins de type sable. Il a été proposé dans la littérature, que ce type de distribution pouvait s'expliquer également par l’infiltration progressive de silt et de sable éoliens dans des alluvions (Summerfield, 1991). Cependant, le vent fréquent dans cette région nous laisse penser que ces surfaces proviennent plutôt de la déflation.

Figure I.4.18 – Surface de déflation typique, couramment observée sur la Skeleton Coast.

Des cailloux façonnés par le vent y sont irrégulièrement distribués. On y trouve surtout la présence de nombreux fragments de roches du socle Précambrien et de coulées basaltiques, fragmentées par chocs thermiques. La présence d’un brouillard fréquent dans la région contribue certainement à l’altération de ces roches.

Sur le terrain, nous avons remarqué que ces surfaces étaient toujours très planes et quasiment horizontales, et qu’elles se situaient près de la côte à des altitudes comprises entre 0 et 70 mètres. Au sud de la rivière Huab, le long d’un profil Ouest-Est perpendiculaire à la côte (profil mesuré au GPS), nous avons repéré un étagement de 5 à 6 surfaces planes, allant d'anciennes plages, les plus proches de la mer, à des surfaces de déflation typiques (Fig. I.4.19). L’aspect de ces surfaces semble évoluer progressivement d’Ouest en Est (Fig. I.4.19).

Figure I.4.19 – Profil topographique perpendiculaire à la côte, mesuré au GPS au Sud de la rivière Huab, et étagement de surfaces planes depuis des niveaux de plages récentes à des surfaces de déflation.

1- A l’Ouest, la première surface identifiable au dessus du niveau de la plage actuelle, est une ancienne plage, caractérisée par la présence de gros galets, de sable, et de nombreuses coquilles de bivalves entières.

2- Sur la deuxième surface qui se situe à une altitude de 7 mètres, les galets sont moins gros, moins nombreux, plus anguleux, et certains présentent les figures typiques d'érosion éolienne ("ventifacts"). Le sable est nettement moins abondant et des graviers anguleux sont également présents. Ces derniers proviendraient de la fragmentation de plus gros blocs par chocs thermiques. Des fragments de coquilles de bivalves y ont également été relevés. Cette surface correspondrait donc à un ancien niveau de plage, qui aurait subi l’érosion éolienne et la déflation.

3- Sur la troisième surface (altitude 14 mètres), très peu de galets subsistent et les coquilles sont inexistantes. Les galets sont tous travaillés par le vent et les graviers anguleux sont de plus en plus présents. Cette troisième surface pourrait donc avoir connu le même aspect que la précédente, avant de subir une érosion éolienne et des chocs thermiques plus importants.

4- Enfin, sur la dernière surface, à l’Est du profil (altitude de 25 mètres), de nombreux petits galets, bien arrondis par le vent sont présents. Certains ont une origine différente de celle des trois autres surfaces décrites. On y trouve en effet des galets de quartz, inexistants sur les autres

surfaces. Le sable est peu abondant et a été enlevé par déflation. La présence de galets fragmentés par chocs thermiques, est toujours notable.

Ces diverses observations nous montrent que d’anciennes terrasses marines pourraient avoir évolué en surface de déflation au cours du temps par l’intermédiaire du vent et de chocs thermiques. Il serait alors intéressant de comparer l’altitude de ces surfaces avec les variations eustatiques, afin d’en déduire leur déplacement vertical. En comparaison avec le niveau actuel, le niveau marin a évolué depuis le breakup de la marge entre environ +250 m au Cénomanien, et -50 m environ au Plio-Pléistocène (Haq et al.,1987). Toutes les altitudes des surfaces observées étant comprises dans cette fourchette, une détermination de l’âge de ces surfaces est nécessaire, pour en déduire une surrection éventuelle. La datation de ces dépôts par thermoluminescence (datation à partir des rayonnements radioactifs et cosmiques piégés dans les sédiments au cours du temps) est actuellement en cours par le Museum National d'Histoires Naturelles de Namibie.

4.4.3 Surfaces planes abrasées

Au Nord de Möwe Bay, d'autres surfaces planes plus élevées (altitude supérieure à 50 mètres) sont mises en évidence. Sur ces surfaces, le socle granitique précambrien affleure, et présente une morphologie particulière en abrasion (Fig. I.4.20). Sur une première surface, d'altitude 84 mètres (S19,35063°, E12,72206°) (Fig. I.4.20a), le socle granitique affleure en petites buttes, élevées de moins d'un mètre par rapport à la surface du sol, et larges de plusieurs mètres. Une autre surface située à 125 mètres présente le même type de morphologie (S19,05220°, E12,59457°). Sur une troisième surface d'altitude 200 mètres (S18,99620°, E12,59980°), le granite abrasé est totalement plan (Fig. I.4.20b), sur plusieurs centaines de mètres.

Figure I.4.20 – Surfaces d'abrasion au Nord de Möwe-Bay. a) Surface d'érosion de faible relief, résultant de l'abrasion des granites, b) Surface plane de granite abrasé (photographie et interprétation).

L'origine morphologique de ces surfaces est difficile à attribuer à un processus d'érosion précis (éolien, marin, etc.). Les figures d'érosion éoliennes typiquement observées en environnement désertique sur des granites ne sont cependant pas semblables à celles observées ici. Le même type de figure d'érosion que celles de la figure I.4.20a, observé dans le désert égyptien sur des granites (Fig. I.4.21), a été interprété par Breed et al. (1997) comme résultant d'une histoire antérieure à l'érosion éolienne. Nous pouvons alors nous interroger sur une éventuelle origine marine de ces surfaces. Aucun indice de dépôt marin n'y a cependant été relevé, mais leur morphologie pourrait correspondre aux rampes d'abrasion, couramment observées en domaine de plate-forme littorale. Ces rampes d'abrasion sont généralement caractérisées par des pentes moyennes de 1°, subissant l'action des vagues sur une distance comprise entre 500 et 1000 mètres (Summerfield, 1991). Ces caractéristiques sont compatibles avec les surfaces observées.

Figure I.4.21 – Erosion sur des granites du désert égyptien. La morphologie des granites est antérieure à l'érosion éolienne (Breed et al., 1997).

Si ces surfaces sont d'origines marines, une datation est indispensable pour déterminer si elles ont subi une surrection depuis leur formation. En effet, les plus hauts niveaux marins enregistrés depuis le Crétacé sont situés à environ 250 mètres au dessus du niveau actuel (Haq et al., 1987). Seule la comparaison de l'altitude actuelle de ces surfaces, avec le niveau marin eustatique estimé lors du dépôt, pourrait permettre de trancher sur un éventuel déplacement vertical.

4.5 Autres indices de déformation relevés