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La symbiose de Kalundborg, Danemark, est référée dans la bibliographie comme étant l’expérience d’un métabolisme industriel le plus réussi sur la scène internationale. Plusieurs fois copiée, la démarche reste tout de même difficilement transposable et efficiente pour les autres démarches de SI (Ehrenfeld et Gertler, 1997).

5.2.1 Modèle théorique de mise en place d’une démarche spontanée de symbiose industrielle

À partir de la comparaison des différents parcs éco-industriels, Chertow et Ehrenfeld (2012) élaborent un modèle à trois étapes conduisant à la création spontanée des écosystèmes industriels, dont celui de Kalundborg. Ainsi (Chertow et Ehrenfeld, 2012) :

- des entreprises, poussées par un objectif en communs de gains, en réponse aux opportunités de marchés ou à un cadre réglementaire, tissent des connexions et s’auto-organisent pour échanger des ressources, c’est l’émergence ou sprouting,

- en plus des bénéfices économiques engendrés par la collaboration des acteurs à l’étape précédente, des externalités environnementales positives s’observent de façon plus générale; ceci a pour conséquence d’attirer l’intérêt d’autres institutions à étendre les échanges à d’autres acteurs et donc les gains à un niveau géographique plus large; c’est l’étape de dévoilement ou uncovering,

- enfin, la démarche initialement spontanée et réunissant un nombre restreint d’acteurs devient structurée, généralisée, coordonnée et dirigée par un organisme dédié, c’est l’étape d’ancrage et d’institutionnalisation ou embeddedness and institutionalization.

L’assemblage de ces étapes n’est pas une règle générale, mais dans toutes les expériences étudiées le facteur humain est l’élément sinequanone à la réussite de la SI. En effet, le facteur clé dans la réussite de ce modèle réside dans sa première étape soit la participation volontaire et l’implication des acteurs dès le début du projet. Il n’y a alors aucun besoin de prouver aux industriels le bien-fondé et les retombées possibles à s’associer à un projet d’ÉI (Chertow, 2007).

5.2.2 Mise en œuvre de la symbiose industrielle de Kalundborg

L’incitation économique est la principale motivation de la création de la symbiose de Kalundborg. La rareté de la ressource hydrique a été l’élément clé entrainant des négociations privées entre certains chefs d’entreprises de la région de Kalundborg. Dès lors, à l’initiative des entreprises, s’est établie une collaboration entre différents acteurs. Les premières communications débutent dès 1960, lorsque Statoil (anciennement Esso) fait face à un problème d’approvisionnement en eau dont elle a besoin en très grande quantité pour ses opérations de raffinerie. Le partage d’une même idéologie, d’un objectif de gains économiques, jumelé à la proximité géographique a permis la mise en place d’un réseau d’échange des flux de déchets sur le territoire. En vue des différents gains économiques, environnementaux et sociaux, les synergies se sont rapidement étendues à plusieurs autres acteurs du territoire jusqu’à être reconnues, en 1989, comme la première expérience de symbiose industrielle au monde.

Partant d’une démarche spontanée, la SI a été rapidement soutenue par un cadre législatif adapté : un réseau formel et informel d’échanges s’est formé entre différentes entreprises du parc et les instances réglementaires du territoire et a conduit à la création, par les pouvoirs municipaux, de règlements permettant d’employer la SI comme un moyen de gestion des déchets dans un contexte territorial (Jacobsen et Anderberg, 2004). Aujourd’hui la symbiose de Kalundborg regroupe de nombreux acteurs dont huit grandes entreprises publiques et privées, dont certaines internationalement connues (Kalundborg Symbiosis, s. d.a).

5.2.3 Les synergies mises en place à Kalundborg

Le réseau industriel de Kalundborg est constitué de six entreprises centrales et de nombreuses entités secondaires. La municipalité de Kalundborg joue un rôle important dans cette symbiose car, au-delà de son pouvoir de légiférer, elle est un acteur à part entière en tant que fournisseur/demandeur de flux de matières, d’énergie et de services (Domenech et Davies, 2011).

Quatre types de flux caractérisent cette démarche comme schématisée en figure 5.1. Les acteurs échangent entre eux en cascade, en plus des flux de matières (déchets) caractéristiques à la démarche d’ÉI, de l’eau, de l’énergie ainsi qu’un flux d’informations et de connaissances (Domenech et Davies, 2011).

5.2.4 Les retombées de la symbiose de Kalundborg

Malgré le nombre important d’études portant sur la symbiose de Kalundborg, rares sont les travaux faisant état des retombées de la démarche et de la quantification des gains économiques et environnementaux (Jacobsen, 2006). L’absence d’un consensus sur une démarche d’évaluation en est probablement la cause, mais aussi la conséquence dans les variations des quelques mesures disponibles.

Toutefois, dans une étude plus détaillée des conséquences de la SI, Jacobsen (2006) met en avant les différents gains environnementaux et apportés par les substitutions en matière de consommation de ressources hydriques et d’émissions de CO2, dioxyde de soufre (SO2) et d’oxydes monoazotés. De plus,

deux catégories de gains économiques sont mises en avant : les gains économiques directs sont les réductions des différents coûts d’élimination des déchets et les gains sur la réduction du prix des MP, tandis que les gains économiques indirects sont liés aux investissements évités, ou la sécurité d’approvisionnement, etc. Pour l’année 2010, les différentes substitutions à Kalundborg ont permis de comptabiliser sur l’ensemble de son territoire (Kalundborg Symbiosis, s. d.c) :

- une réduction annuelle en émissions de CO2 de 240 000 tonnes,

- une économie de 3 millions de m3 d’eau grâce au recyclage et à la réutilisation de la ressource

hydrique,

- une valorisation de 30 000 tonnes de paille converties en 5,4 millions de litres d’éthanol, - un recyclage de 150 000 tonnes de gypse de désulfuration des gaz de combustion (SO2) et

remplacement de l’importation de gypse naturel (CaSO4),

- un remplacement de 70 % de protéines de soja dans le mélange d’alimentation traditionnelle pour plus de 800 000 porcs par 150 000 tonnes de levure.